Les éditeurs de
sites en quête de ressources publicitaires et
les amateurs de MP3 frelatés en seront pour leurs
frais. Après l'épisode Gator,
qui a défrayé la chronique aux Etats-Unis
au cours de l'été (cette petite application
remplace les bannières des sites visités
par les siennes), un nouveau programme de publicité
intrusive commence à se répandre comme
une traînée de poudre. Greffé à
des logiciels en libre accès -freeware-, ce programme
est notamment véhiculé en cachette par
les dernières versions de Kazaa ou d'iMesh, deux
applications d'échange de fichiers MP3 en pleine
gloire depuis le déclin de Napster. Babylon,
Cute FTP, Gif Animator, Opera ou encore WinEdit en seraient
potentiellement les autres vecteurs. Résultat :
quelques 8 millions d'internautes dans le monde, dont
3 millions aux Etats-Unis, auraient déjà
gobé la "chose" sans vraiment le savoir.
Exemple
de mot-clé détecté. En cliquant
sur le lien, l'internaute aboutira sur le site de
Consumerinfo. L'organisme de crédit a ainsi
acheté plusieurs mots-clés liés
à son activité. |
Les symptômes ?
Quel que soit le site visité, une barre marron
apparaît sous certains mots anglais. Au passage
de la souris (voir
ci-contre), les mots ainsi repérés
se retrouvent surlignés en jaune.
Si l'internaute clique sur ces mots, s'ouvrent alors
des
fenêtres sur
le navigateur renvoyant sur des liens précis.
Derrière ce phénomène se trouve
une petite application lancée au printemps dernier
par la société américaine Ezula.
Il s'agit d'un "adware" (logiciel publicitaire)
qui se déclenche dès qu'une page comporte
certains mots-clés.
Pour
se répandre, ce petit adware marie subtilement
information et publicité. Dans sa version TopText,
proposée en téléchargement libre
sur le site d'Ezula, le programme est présenté
comme une sorte d'encyclopédie dynamique. TopText
comporte
une série de mots-clés paramétrables,
souvent techniques, pour lesquels il renvoie vers des
fiches explicatives. C'est le cas des mots XML, Unix
ou, actualité oblige, anthrax. En revanche, dans
sa version ContextPro, Ezula commercialise
auprès d'annonceurs l'achat de mots-clés
afin de les faire pointer vers leur propre site. A ce
jour, plusieurs dizaines de sociétés américaines
ont déjà fait appel à ContextPro
en achetant un ou plusieurs mots-clés. Parmi
elles se trouvent Casino-On-Net, ConsumerInfo (exemple
de site
de redirection), First Union, Omnis Network, Motorola,
Nobel, Verisign ou encore le Wall Street Journal. Le
quotidien américain s'est offert plusieurs mots-clés
liés à la Net-économie, comme "start-up",
"franchise" et "entrepreneur". Ceux-ci
pointent tous vers une rubrique dédiée
de la version électronique du Wall Street Journal.
Entre
30 cents et 1,2 dollar
le clic
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Depuis
son lancement, Ezula aurait déjà écoulé
plus de 10.000 mots-clés en anglais auprès
d'annonceurs. Le mode de commercialisation proposé
par la société américaine se calcule
au clic. Chaque mot-clé est facturé entre
30 cents et 1,2 dollar le clic, selon son potentiel.
En clair, un annonceur qui décide d'acheter sa
propre marque sur ContextPro paye sur la fourchette
basse, soit moins de 50 cents. Sur les mots génériques
comme "travel" ou "credit", capables
de générer de gros trafic, les tarifs
flirtent en revanche avec la barre du dollar. 20 à
40% de cette manne est reversée aux programmes
permettant la diffusion de ContextPro (comme Kazaa
et iMesh).
Difficile de juger de l'efficacité
de cet adware, tant la société Ezula reste
discrète sur la liste des annonceurs recrutés
et sur ses chiffres. Mais, selon certains spécialistes
du secteur, ContextPro bénéficierait d'un
effet de surprise favorable parmi les internautes nouvellement
contaminés. Une grande partie d'entre eux cliquerait
sur ces mots-clés, croyant découvrir une
nouvelle fonctionnalité proposée par leur
FAI ou leur moteur de recherche habituel. Le taux de
conversion parmi les internautes ayant cliqué
approcherait au final les 25%.
"Cela
s'apparente à l'affichage sauvage"
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Du côté de
l'IAB
France, l'organisme en charge de la régulation
sur le marché de la publicité interactive,
on ne cache pas son mécontentement face à
de telles pratiques. "De façon générale,
nous considérons que toute action effectuée
sur un site sans que son éditeur ait été
formellement prévenu est une intrusion, explique
Guillaume
Buffet, le président de l'IAB France. Cela
s'apparente à l'affichage sauvage qui couvre
les quatre par trois pendant les élections. Ce
type d'action est donc parfaitement attaquable au plan
juridique." Tout comme dans l'affaire Gator, où
l'IAB Etats-Unis a lancé une procédure
juridique, le dossier Ezula devrait se régler
outre-Atlantique. "Mais le plus désolant
dans ces affaires, poursuit Guillaume Buffet, c'est
que des annonceurs se soient engouffrés dans
la faille alors que le marché de la publicité
en ligne est en recherche de crédibilité."
Un point devrait rassurer
les acteurs de l'e-pub : en terme de business model,
Ezula et Gator apparaissent comme des épiphénomènes
basés sur le détournement d'un modèle
économique. Ces activités opportunistes
ne disposent généralement que d'une seule
fenêtre de tir : à l'émergence
d'un secteur d'activité.
Même Microsoft, qui avait prévu d'intégrer
à Windows XP une application semblable à
ContextPro, baptisée SmartTags, s'est empressé
d'abandonner son bébé au cours de son
procès antitrust.
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