Didier Mathus (PS) : "Les dispositifs anti-copie sur les CD sont parfaitement illégaux"
Par le Journal du Net (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/0310/031014mathus.shtml
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Mardi 14 octobre 2003

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Didier Mathus, député socialiste de Saône-et-Loire, a déposé la semaine dernière une proposition de loi à l'Assemblée nationale afin que les systèmes anti-copie utilisés sur le CD des maisons ne nuisent pas au droit à la copie privée. Didier Mathus estime que ce droit, prévu par le Code de la propriété intellectuelle dans le cadre des exceptions aux droits exclusifs du producteur, est aujourd'hui bafoué. Son combat rejoint celui des associations de consommateurs, qui ont réussi à faire condamner pour ce procédé la major EMI, mais qui ont été récemment déboutées face à BMG et à Sony.

JDN. Qu'est-ce qui vous a conduit à déposer cette proposition de loi ?
Didier Mathus. Ce que je souhaite, c'est qu'on réaffirme, parce que c'est déjà écrit dans la loi de 1985, le droit à la copie privée, et qu'on rappelle que les dispositifs du type "copy-control" sur les CD sont parfaitement illégaux. On ne peut pas faire abstraction de ce droit dans la réflexion sur le piratage et les droits d'auteur. L'action unilatérale des producteurs de disque dans ce domaine est inacceptable. Non seulement les systèmes anti-copie actuels ne sont pas compatibles avec la loi, mais en plus, comme ils rendent les CD illisibles sur un autoradio ou un PC, c'est une double infraction car il y a tromperie sur la marchandise. Ce qui est choquant, c'est d'entendre dire que ces dispositions sont marginales, alors qu'elles touchent la moitié des disques édités en France et qu'elles ont été imposées sans la moindre discussion. Par ailleurs, l'usager paie une taxe sur les supports vierges : il est donc doublement perdant. C'est un mépris du consommateur qui est inadmissible. Le procédé de "copy-control" est en fait absurde. D'une part, il n'interdit pas le piratage à l'échelle industrielle car les pirates peuvent aisément venir à bout du code de protection. D'autre part, il pousse à l'illégalité : quand on ne peut pas lire son disque sur un autre support que la chaîne hi-fi, on finit par faire un double du disque grâce à un logiciel de peer-to-peer, pour pouvoir l'écouter. Cela produit donc l'inverse de l'effet escompté.

Quelle solution proposez-vous pour protéger à la fois les droits d'auteur et le droit à la copie privée ?
La proposition de loi consiste à modifier l'article L 122-5 du Code de la propriété intellectuelle, pour préciser que les techniques de protection des droits ne peuvent avoir pour conséquence d'interdire les copies strictement réservées à l'usage privé. Si les producteurs veulent à tous prix imposer des dispositifs anti-copie, il faut un système qui permette la copie privée, en gérant techniquement le nombre de copies réalisables par le consommateur. Ensuite, il faudrait évidemment définir par décret ou autre les limites de la copie privée. Celle-ci étant légalement limitée au cercle familial, le chiffre de quatre ou cinq copies me parait raisonnable. De manière globale, il faut à la fois reconnaître la rémunération de la création et prendre acte de la dématérialisation de la musique. Il faut donc imaginer des systèmes de distribution de musique en ligne simples, attractifs et proposant des prix raisonnables dans la mesure où il n'y a plus de support.

Dans un contexte où la transposition de la directive européenne sur les droits d'auteur va bientôt donner lieu à un projet de loi, quelle est la place de votre proposition ?
Sur la copie privée, la directive est extrêmement vague. Elle indique seulement que ce principe existe dans certains pays européens, et que sa transposition peut en tenir compte. Si le projet de loi du ministère de la Culture, qui s'apprête à transposer la directive, fait le jeu des majors, on va se retrouver avec des contradictions légales. Aujourd'hui, il n'y a qu'un seul lobby qui s'exprime, celui des majors. La directive européenne a d'ailleurs largement été écrite sous leur dictée, puisque ce lobby est puissant à Bruxelles. Il faut faire entendre la voix des usagers. Cette proposition de loi est une façon de prendre part au débat, de rétablir la réalité, car les majors ont entretenu la confusion entre piratage, droits d'auteur et copie privée. Ce débat, je le réclame depuis plusieurs mois mais le gouvernement n'a toujours pas réagi. Si la proposition de loi ne parvient pas jusqu'à l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée, je la transformerai en amendement du projet de loi sur la transposition.

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Didier Mathus est maire de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire). Il est aussi membre de la commission des affaires culturelles, vice-président de la Mission d'information commune sur la création d'une télévision française d'information à vocation internationale, membre titulaire du conseil d'administration de l'INA, et vice-président du groupe d'études sur la presse.

[Raphaële Karayan, JDNet]