Fondée par Claude Berri, la Société civile des
Auteurs, Réalisateurs et Producteurs (ARP) regroupe plus de 150 réalisateurs
qui ont la particularité d'être aussi auteurs et producteurs. Elle a pour
mission de percevoir et répartir les droits au titre de la rémunération
pour copie privée (qui viennent des taxes sur les supports vierges) et de
la retransmission des oeuvres sur le câble. Ces ressources lui permettent
de développer des actions d'intérêt général. Michel Gomez, délégué général
de l'ARP, revient sur les différentes problématiques posées par le piratage
des uvres cinématographiques sur Internet.
JDN.
Quelles sont, selon vous, les bonnes solutions pour lutter contre le piratage
sur Internet ? Que fait l'ARP dans ce domaine ?
Michel Gomez. La
défense des ayant-droits du cinéma fait partie de notre rôle, mais nous
n'agissons pas de manière directe contre la piraterie. Nous soutenons
l'ALPA [NDLR : Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle],
nous avons d'ailleurs invité son président, Nicolas Seydoux, aux Rencontres
cinématographiques de Beaune, que nous organisons, pour participer à un
débat sur le secteur du DVD. Nous sommes également en relation permanente
avec les pouvoirs publics : le ministère de la Culture et Bercy.
Par rapport à la piraterie, il y a plusieurs réponses possibles. Celle
que je qualifierais de répressive, qui doit signifier que le piratage
est interdit, que c'est du vol. La deuxième, la plus importante, consiste
à responsabiliser les fournisseurs d'accès. Ca n'est pas facile, car ils
se considèrent comme responsables ou irresponsables, selon que ça les
arrange ou pas. Ils doivent mesurer que s'ils ne font rien, ils seront
responsables de la fourniture du piratage. Du point de vue des techniques
anti-copie, des initiatives sont actuellement prises par l'ensemble des
ayant-droits français et internationaux concernant le tatouage et le marquage
des uvres pour mieux les suivre. Il faut conduire ces expérimentations.
La dernière réponse est plus positive : il s'agit d'organiser la distribution
des films sur Internet. Internet peut aussi être un extraordinaire moyen
de diffusion, si l'offre est bien construite et raisonnable financièrement.
Des sites existent déjà, il faut encourager leur développement. Mais pour
qu'ils fonctionnent, il faut que l'offre soit très large.
Comment
les professionnels du cinéma abordent-ils le problème du piratage ? Considèrent-ils
que le piratage est susceptible de remettre en cause les business models
du cinéma ?
Globalement, dans la profession, tout le monde a les mêmes analyses,
même si les plus inquiets sont les plus gros. Matrix a plus de chance
d'être piraté qu'un documentaire. Mais à terme, la menace porte sur tout
le monde. S'il n'y a plus d'entrée en salles, ou si demain les chaînes
n'achètent plus de films à cause du téléchargement, il n'y a plus de financement
du cinéma. C'est pourquoi le piratage met en danger l'ensemble de l'économie
du cinéma. Nous avons la chance de voir les conséquences du piratage sur
l'industrie du cinéma à l'avance, en regardant l'industrie du disque.
Pour l'instant, nous ne sommes pas confrontés aux mêmes risques car étant
donné le poids des fichiers vidéo, moins de gens sont en mesure de les
télécharger. Mais le problème risque de se poser, avec les développements
combinés du haut-débit et des techniques de compression. Le piratage ne
devrait pas bouleverser l'industrie du cinéma comme il risque de la faire
pour la musique. Il peut en revanche "altérer" un certain nombre de modes
de diffusion du film. Est-ce que ce sera le DVD, les chaînes payantes,
je n'ai pas de vision claire là-dessus.
Le
prix des CD est une des raisons avancées pour expliquer le succès du piratage
de fichiers musicaux sur Internet. Qu'en est-il pour la vidéo ?
Une baisse du taux de la TVA sur
les biens culturels serait une bonne chose. Cela permettrait une baisse
de prix de 15%. Cependant, nous ne sommes pas confrontés à la même problématique
que la musique, car le DVD apporte une vraie valeur ajoutée. Le DVD est
une énorme révolution. Le cinéma est plutôt un service, la VHS est un
produit qui a une durée de vie limité. Avec le DVD, c'est la première
fois qu'on peut acheter quelque chose de pérenne, ce qui convient particulièrement
aux Français. En ce qui concerne les DVD, les Français sont en effet plus
acheteurs que loueurs. Ils aiment bien se constituer leur petite DVDthèque.
Ce qui ne veut pas dire que les marchés de la vente et de la location
sont antagonistes. On peut très bien louer un film, sur Internet par exemple,
puis l'acheter si on le trouve bien.
[Raphaële Karayan, JDNet]