(Modification 03/12/03 à 10h24) L'offensive
est partie d'AOL France via une initiative ludico-pédagogique : en
fin de semaine dernière, le fournisseur d'accès a ouvert un
site grand public dédié à la lutte anti-spam : Antispam.aol.fr.
Derrière ce projet en apparence isolé se dessine une manoeuvre
beaucoup plus ambitieuse, relayée par l'Association des fournisseurs
d'accès et des services Internet (AFA). Objectif : sensibiliser les
pouvoirs publics aux préjudices liés au spam que les FAI subissent
et renforcer le cadre législatif français en facilitant les
poursuites pénales à l'encontre des spammeurs.
L'association
des FAI s'était déjà engagée dans ce sens
à l'occasion du Forum Anti-Spam, début novembre à
Paris. D'ici la mi-décembre, l'AFA
va prendre une position officielle sur le sujet et présenter un
amendement aux députés dans la perspective de la deuxième
lecture du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique (LEN).
L'examen de ce texte de loi a d'ailleurs été repoussé
en début d'année prochaine (les 7 et 8 janvier, en théorie).
Initialement, selon le calendrier prévisionnel de l'Assemblée
nationale, il était prévu de passer la LEN en deuxième
lecture dans la première quinzaine de décembre. (Lire
l'article
du JDN)
A l'heure actuelle, ce sont les abonnés
des FAI qui semblent le mieux armés pour riposter au spam par la
voie juridique. La direction juridique d'AOL France a décortiqué
la procédure : à ce jour, seuls les abonnés peuvent agir
sur le fondement de l'article 226-18 du Code pénal ("collecte déloyale
d'informations nominatives") ou de l'article R 10-1 du décret n°2003-752
"annuaires universels" qui sanctionne le non respect des dispositions
de l'alinéa 1 de l'article L. 33-4-1 du Code des postes et télécommunications,
lequel alinéa ne concerne pas les courriers électroniques. Mais, plutôt
que de se lancer dans des actions hasardeuses contre des spammeurs, les
abonnés préfèrent souvent se rabattre sur leur FAI
en leur demandant de renforcer leurs solutions anti-spam.
"La proposition de l'AFA permettrait aux
FAI de se substituer aux abonnés pour agir contre le spam",
poursuit Stéphane Markovitch, le délégué général
de l'AFA. Concrètement, lors des débats à l'Assemblée
nationale portant sur l'adoption définitive de la LEN, l'AFA souhaite
faire passer un amendement permettant de faciliter les recours au pénal
en provenance des prestataires de messagerie électronique (FAI
et service de webmails) à l'encontre des spammeurs. Cette amendement
porte sur l'article 12 de la LEN, ce qui modifierait à terme l'article
L. 33-4-1 du code des postes et télécommunications. En cas d'adoption,
un spammeur pourrait être condamné à cinq ans de prison
et à 300.000 euros d'amendes.
Actuellement, les FAI français s'estiment démunis dans la
lutte anti-spam. Certes, ils peuvent engager une action au pénal
en s'appuyant sur la loi Godfrain relatif au piratage informatique (datant
de 1988). Mais les conditions requises sont rédhibitoires pour
un FAI. "Il faut montrer qu'une plate-forme de messagerie électronique
tombe vraiment sous le coup d'un spam. On arrive rarement à ces
extrêmités. Mais les FAI subissent des préjudices
au quotidien à cause du spam", indique Stéphane Markovitch
.
Le nombre de condamnation pour spam à l'issue d'une plainte déposée
par un FAI est encore minime. En juin 2002, c'est une affaire de mailbombing
qui a fait grand bruit : un internaute a été condamné à
quatre mois de prison avec sursis pour avoir envoyé en une nuit plus de
300.000 e-mails vers les serveurs de Noos. A l'époque, le câblo-opérateur
avait porté plainte pour entrave au fonctionnement d'un système de traitement
automatisé de données (article 323-2 du code pénal).
Pour les FAI, les dégâts du spam
sont difficiles à chiffrer. A titre indicatif, AOL déclare intercepter
quotidiennement plus de 2,4 milliards de courriers indésirables à travers
ses 33 millions d'abonnés dans le monde (dont 1,4 million d'abonnés
en France), soit... 72 spams par jour et par abonné.
[Philippe Guerrier, JDNet]