JDNet. Pouvons-nous
encore parler de pénurie de compétences dans le secteur
informatique ?
Franck Pasquet. Oui, toujours, même si la presse commence
à parler de retournement de tendance, nous ne le ressentons pas
aujourd'hui. Les entreprises se posent peut-être plus de questions,
mais il y a toujours autant de demandes et le nombre de candidats n'a
pas augmenté. La tension du marché reste identique.
Quels profils sont
les plus recherchés ?
Cela reste toujours les environnements de développement pour les
nouvelles technologies avec notamment les ingénieurs de développement
objet Java ou C++. Là, la situation est dramatique, tout le monde
cherche ce type de profils. En paraIlèle, y a également
une pénurie de chefs de projets à double compétence,
à la fois technique et métier, en particulier pour accompagner
des projets e-commerce. Beaucoup de gens se disent chefs de projets e-commerce
mais très peu ont une expérience significative. Il y a aussi
des problèmes pour les environnements systèmes Linux et
surtout Unix. En fait, il n'y a pas de profil facile en informatique.
Simplement, plus on s'éloigne de la technique moins ça paraît
difficile. Par ailleurs quand on monte en compétence, en expérience
et en salaire, il y a moins de postes et moins de candidats. La situation
est donc moins tendue.
Pourquoi cette rareté
sur ces profils ?
Prenons le cas de l'ingénieur
de développement objet. Généralement, au bout d'un
an ou un an et demi, il ne veut plus en faire. Dans le même temps
le jeune ingénieur qui sort de l'école ne veut pas en faire
non plus ou bien avec des niveaux de salaires qui repoussent les entreprises.
Le nombre de candidats pour ces métiers est donc très faible.
L'ajustement se fait-il
toujours avec des salaires tirés vers le haut ?
Oui, globalement les salaires
augmentent. On est même sur des niveaux de salaire qui vont au-delà
des profils qui sont déjà eux-mêmes très largement
surévalués. Par exemple un ingénieur développement
objet junior sur un environnement basique comme le C++, en sortant de
son école d'ingénieur va trouver des offres à 240
kf alors qu'il n'a aucune expérience. C'est évidemment surévalué.
L'entreprise devra le former tout en sachant que dans un an il ne voudra
plus en faire. De même pour l'ingénieur sécurité
embauché à 800 kf à 28 ans. Il doit savoir que son
salaire est également surévalué.
Quels conseils donneriez-vous
aux candidats ?
Il leur faut garder la tête froide.
Il faut que les candidats sachent qu'il ne s'agit pas d'une situation
normale. Quand un jeune sort de l'école à 240 kf en pensant
que c'est normal, il va souhaiter trouver un poste à 270 kf six
mois plus tard puis à 300 kf au bout d'un an et demi, et à
chaque fois dans des sociétés différentes. Ce type
de candidat n'apporte rien de plus à l'entreprise que sa compétence
technologique. Quand le marché deviendra plus difficile, il n'acceptera
plus de s'ajuster et aura toutes les peines du monde à se replacer
sur le marché. L'entreprise sur le long terme recherche des gens
qui s'impliquent et lui apportent une plus-value plus que de simples pompiers
qui interviennent pour régler des difficultés ponctuelles.
Mais je suis confiant car l'image donnée par les médias
du ralentissement américain conduit les informaticiens à
plus de sagesse et de recul sur leurs carrières.
Vous recevez beaucoup
de candidatures par l'intermédiaire du site Michael Page ?
Il faut distinguer deux choses :
le taux de retour par mail qui est aujourd'hui de 99%. Le mail est devenu
l'outil essentiel permettant aux candidats de rentrer en contact avec
nous.
Par contre l'évaluation du rôle du site dans les réponses
aux candidatures par rapport aux réponses suscitées par
la presse ou par d'autres outils est difficile à connaître.
La division informatique reçoit au total un millier de candidatures
par mail chaque semaine.
Etes-vous encore souvent
missionné pour des recherches d'informaticiens par des entreprises
du secteur Internet ?
Sur
l'année 2000, nous étions très sollicités
par les dotcoms. Ce mouvement est complètement retombé aujourd'hui.
Celles qui restent sont celles qui sont devenues des grands noms de l'Internet
et qui ont survécu à la fin d'année difficile. Mais
les deux tiers des demandes proviennent aujourd'hui d'entreprises traditionnelles
qui se sont dotées de filiales Internet.
Eprouvez-vous aujourd'hui
des difficultés à convaincre les candidats de rejoindre
les dotcoms
?
Absolument,
le candidat souhaite désormais être rassuré. C'est
le cas pour les dotcoms mais aussi pour les entreprises de taille réduite
en général. Les candidats souhaitent d'abord regarder vers
les grands groupes qu'ils jugent plus rassurants. La logique est un peu
de se dire: "j'arrête la frénésie dans mon parcours
et je me calme un peu !" Je pense que ce phénomène
est très lié à l'amplification médiatique
des risques de retournement de marché. Elle génère
une sorte de peur intuitive.
Comment cherchez-vous
à vaincre ces inquiétudes ?
Aujourd'hui
la plupart de nos clients du monde Internet sont filiales de grands groupes
et dans ce cas il est facile de rassurer en mettant en avant cette appartenance.
Pour les doctoms qui recrutent, nous disposons d'éléments
chiffrés qui permettent de démontrer au candidat les atouts
de ces sociétés car seules les plus solides ont survécu.
Les stock-options ne
permettent plus de séduire aujourd'hui un candidat ?
Le postulat initial pour le recrutement des dotcoms était plutôt
de compenser des salaires relativement bas par une implication dans l'entreprise
via les stock-options. Depuis février-mars 2000 les choses ont
changé. Les candidats n'acceptent plus de poste avec une baisse
de salaire. Actuellement le candidat recherche d'abord une certaine plus-value.
Les stock-options éventuelles sont perçus comme un élément
supplémentaire très hypothétique. Les candidats refusent
donc qu'ils jouent un rôle de compensation d'une baisse de salaire.
Commencez-vous
à voir refluer des salariés de la nouvelle-économie
vers les entreprises traditionnelles ? Tout
à fait. Il y a d'ailleurs deux cas de figure : d'une part
les salariés qui quittent une entreprise qui va mal et qui laisse
partir ses salariés, et, d'autre part, la dotcom qui a survécu
mais qui a des difficultés à garder ses salariés.
Ces derniers recherchent davantage de sécurité et de sérénité.
Le fait d'avoir connu
une expérience dans une dotcom est -il un élément
de plus-value pour un candidat ?
C'est exact et les candidats le savent. Venir d'un environnement start-up
n'est qu'un élément positif pour le candidat. C'est également
un facteur qui conduit certains des salariés de ces entreprises
à rechercher du travail ailleurs. Lorsque vous avez quelqu'un qui
a passé deux ans dans une dotcom en devant jouer un rôle
moteur au quotidien, c'est une plus-value évidente pour un grand
groupe. La volonté de créer quelque chose et de s'impliquer
dans un développement d'entreprise est un élément
très intéressant de la psychologie de ces candidats. Quand
un grand groupe souhaite créer une structure, il a besoin de la
présence de quelques individus animés de l'esprit start-up.
Ils sont des éléments moteurs dans ces projets.
Quels sont les principaux
avantages de l'expérience start-up ?
C'est d'abord être capable de mettre la priorité sur un objectif
plus que sur les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir. Ce
sont des gens capables de souplesse dans leur situation personnelle avec
un niveau de présence fort pour faire aboutir un projet. Ils sont
aussi davantage capables de gérer des projets multiples. Enfin,
et surtout, ils ont appris à s'adapter aux besoins et à
sortir du cadre strict de leur poste. On a ainsi des gens diplômés,
voire sur-diplômés, qui acceptent de prendre en charge des
tâches qui ne correspondent pas à leur niveau hiérarchique.
C'est un élément très présent dans les PME
mais qui avait un peu disparu dans les grands groupes. Cela permet de
faire avancer les projets beaucoup plus vite.
Vous utilisez Internet
depuis longtemps ?
J'ai commencé en 1993 à la fois sur le plan personnel et
professionnel. J'utilise aujourd'hui les services de gestion de comptes
en ligne, les services d'analyse boursière et les services de communication
en général comme le Chat, ICQ ou le mail. J'aime bien également
le site du Monde Diplomatique et ses archives. Pour mes achats j'aime
bien utiliser les sites de comparaison de prix. J'en ai rangé 4
ou 5 parmi mes favoris. Sinon j'ai trouvé hier soir un excellent
site sur le musée de la coutellerie de Thiers. J'utilise régulièrement
Zicweb pour trouver des sites marrants.
Et
vous achetez en ligne?
J'achète des DVD sur Dvdexpress, et j'utilise également
Houra. J'ai testé Telemarket, mais je préfère Houra
sur lequel j'ai créé une liste type qui me permet de gagner
du temps.
En revanche, j'ai tenté l'achat de chemises et de costumes sur
mesure, je vous le déconseille ! Surtout pour la chemise,
moins pour le costume car ils se déplacent...
Il y a des choses que
vous n'aimez pas sur Internet ?
Et bien j'ai une fille qui a maintenant 18 mois et je suis un peu agacé
quand je vois sur un site s'ouvrir un pop-up pour un site porno. Je n'ai
pas encore vraiment examiné la question du filtrage et je me demande
comment je vais pouvoir filtrer sans bloquer son accès à
l'information. Je n'aime pas non plus le site de Tchooze dont on me parle
parfois, même chez nos propres candidats. Ce site qui invite les
salariés à s'exprimer sur leurs entreprises ne me semble
pas fournir suffisamment de garanties et de recul en terme de représentativité
et de fiabilité des opinions exprimées.
La volonté pour un candidat de connaître une entreprise est
légitime, mais les contributions de Tchooze peuvent être
également le fait de concurrents malveillants (La société
Michael Page a fait l'objet de 31 contributions sur le site, NDLR)