INTERVIEW
 
Directeur du pôle informatique
Michael Page France
Franck Pasquet
"Titre"

Michael Page France emploie environ 600 personnes, parmi lesquelles 350 consultants missionnés par les entreprises pour le recrutement de leur cadres et dirigeants. Le pôle informatique est l'une des 14 divisions de la filiale française. Il se revendique comme étant le principal pôle de recrutement informatique en Europe avec une quarantaine de consultants dédiés. Centralisée à Paris, la structure dispose également d'implantations à Nantes, à Strasbourg, à Lille, à Lyon et à Aix en Provence. Co-directeur opérationnel de la division, Franck Pasquet dresse un bilan du marché de l'emploi dans le secteur informatique, notamment avec la montée en puissance des dotcorps face aux dotcoms.

29 mai 2001
 
          

JDNet. Pouvons-nous encore parler de pénurie de compétences dans le secteur informatique ?
Franck Pasquet. Oui, toujours, même si la presse commence à parler de retournement de tendance, nous ne le ressentons pas aujourd'hui. Les entreprises se posent peut-être plus de questions, mais il y a toujours autant de demandes et le nombre de candidats n'a pas augmenté. La tension du marché reste identique.

Quels profils sont les plus recherchés ?
Cela reste toujours les environnements de développement pour les nouvelles technologies avec notamment les ingénieurs de développement objet Java ou C++. Là, la situation est dramatique, tout le monde cherche ce type de profils. En paraIlèle, y a également une pénurie de chefs de projets à double compétence, à la fois technique et métier, en particulier pour accompagner des projets e-commerce. Beaucoup de gens se disent chefs de projets e-commerce mais très peu ont une expérience significative. Il y a aussi des problèmes pour les environnements systèmes Linux et surtout Unix. En fait, il n'y a pas de profil facile en informatique. Simplement, plus on s'éloigne de la technique moins ça paraît difficile. Par ailleurs quand on monte en compétence, en expérience et en salaire, il y a moins de postes et moins de candidats. La situation est donc moins tendue.

Pourquoi cette rareté sur ces profils ?
Prenons le cas de l'ingénieur de développement objet. Généralement, au bout d'un an ou un an et demi, il ne veut plus en faire. Dans le même temps le jeune ingénieur qui sort de l'école ne veut pas en faire non plus ou bien avec des niveaux de salaires qui repoussent les entreprises. Le nombre de candidats pour ces métiers est donc très faible.

L'ajustement se fait-il toujours avec des salaires tirés vers le haut ?
Oui, globalement les salaires augmentent. On est même sur des niveaux de salaire qui vont au-delà des profils qui sont déjà eux-mêmes très largement surévalués. Par exemple un ingénieur développement objet junior sur un environnement basique comme le C++, en sortant de son école d'ingénieur va trouver des offres à 240 kf alors qu'il n'a aucune expérience. C'est évidemment surévalué. L'entreprise devra le former tout en sachant que dans un an il ne voudra plus en faire. De même pour l'ingénieur sécurité embauché à 800 kf à 28 ans. Il doit savoir que son salaire est également surévalué.

Quels conseils donneriez-vous aux candidats ?
Il leur faut garder la tête froide. Il faut que les candidats sachent qu'il ne s'agit pas d'une situation normale. Quand un jeune sort de l'école à 240 kf en pensant que c'est normal, il va souhaiter trouver un poste à 270 kf six mois plus tard puis à 300 kf au bout d'un an et demi, et à chaque fois dans des sociétés différentes. Ce type de candidat n'apporte rien de plus à l'entreprise que sa compétence technologique. Quand le marché deviendra plus difficile, il n'acceptera plus de s'ajuster et aura toutes les peines du monde à se replacer sur le marché. L'entreprise sur le long terme recherche des gens qui s'impliquent et lui apportent une plus-value plus que de simples pompiers qui interviennent pour régler des difficultés ponctuelles. Mais je suis confiant car l'image donnée par les médias du ralentissement américain conduit les informaticiens à plus de sagesse et de recul sur leurs carrières.

Vous recevez beaucoup de candidatures par l'intermédiaire du site Michael Page ?
Il faut distinguer deux choses : le taux de retour par mail qui est aujourd'hui de 99%. Le mail est devenu l'outil essentiel permettant aux candidats de rentrer en contact avec nous.
Par contre l'évaluation du rôle du site dans les réponses aux candidatures par rapport aux réponses suscitées par la presse ou par d'autres outils est difficile à connaître. La division informatique reçoit au total un millier de candidatures par mail chaque semaine.

Etes-vous encore souvent missionné pour des recherches d'informaticiens par des entreprises du secteur Internet ?
Sur l'année 2000, nous étions très sollicités par les dotcoms. Ce mouvement est complètement retombé aujourd'hui. Celles qui restent sont celles qui sont devenues des grands noms de l'Internet et qui ont survécu à la fin d'année difficile. Mais les deux tiers des demandes proviennent aujourd'hui d'entreprises traditionnelles qui se sont dotées de filiales Internet.

Eprouvez-vous aujourd'hui des difficultés à convaincre les candidats de rejoindre les dotcoms ?
Absolument, le candidat souhaite désormais être rassuré. C'est le cas pour les dotcoms mais aussi pour les entreprises de taille réduite en général. Les candidats souhaitent d'abord regarder vers les grands groupes qu'ils jugent plus rassurants. La logique est un peu de se dire: "j'arrête la frénésie dans mon parcours et je me calme un peu !" Je pense que ce phénomène est très lié à l'amplification médiatique des risques de retournement de marché. Elle génère une sorte de peur intuitive.

Comment cherchez-vous à vaincre ces inquiétudes ?
Aujourd'hui la plupart de nos clients du monde Internet sont filiales de grands groupes et dans ce cas il est facile de rassurer en mettant en avant cette appartenance. Pour les doctoms qui recrutent, nous disposons d'éléments chiffrés qui permettent de démontrer au candidat les atouts de ces sociétés car seules les plus solides ont survécu.

Les stock-options ne permettent plus de séduire aujourd'hui un candidat ?
Le postulat initial pour le recrutement des dotcoms était plutôt de compenser des salaires relativement bas par une implication dans l'entreprise via les stock-options. Depuis février-mars 2000 les choses ont changé. Les candidats n'acceptent plus de poste avec une baisse de salaire. Actuellement le candidat recherche d'abord une certaine plus-value. Les stock-options éventuelles sont perçus comme un élément supplémentaire très hypothétique. Les candidats refusent donc qu'ils jouent un rôle de compensation d'une baisse de salaire.

Commencez-vous à voir refluer des salariés de la nouvelle-économie vers les entreprises traditionnelles ? Tout à fait. Il y a d'ailleurs deux cas de figure : d'une part les salariés qui quittent une entreprise qui va mal et qui laisse partir ses salariés, et, d'autre part, la dotcom qui a survécu mais qui a des difficultés à garder ses salariés. Ces derniers recherchent davantage de sécurité et de sérénité.

Le fait d'avoir connu une expérience dans une dotcom est -il un élément de plus-value pour un candidat ?
C'est exact et les candidats le savent. Venir d'un environnement start-up n'est qu'un élément positif pour le candidat. C'est également un facteur qui conduit certains des salariés de ces entreprises à rechercher du travail ailleurs. Lorsque vous avez quelqu'un qui a passé deux ans dans une dotcom en devant jouer un rôle moteur au quotidien, c'est une plus-value évidente pour un grand groupe. La volonté de créer quelque chose et de s'impliquer dans un développement d'entreprise est un élément très intéressant de la psychologie de ces candidats. Quand un grand groupe souhaite créer une structure, il a besoin de la présence de quelques individus animés de l'esprit start-up. Ils sont des éléments moteurs dans ces projets.

Quels sont les principaux avantages de l'expérience start-up ?
C'est d'abord être capable de mettre la priorité sur un objectif plus que sur les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir. Ce sont des gens capables de souplesse dans leur situation personnelle avec un niveau de présence fort pour faire aboutir un projet. Ils sont aussi davantage capables de gérer des projets multiples. Enfin, et surtout, ils ont appris à s'adapter aux besoins et à sortir du cadre strict de leur poste. On a ainsi des gens diplômés, voire sur-diplômés, qui acceptent de prendre en charge des tâches qui ne correspondent pas à leur niveau hiérarchique. C'est un élément très présent dans les PME mais qui avait un peu disparu dans les grands groupes. Cela permet de faire avancer les projets beaucoup plus vite.

Vous utilisez Internet depuis longtemps ?
J'ai commencé en 1993 à la fois sur le plan personnel et professionnel. J'utilise aujourd'hui les services de gestion de comptes en ligne, les services d'analyse boursière et les services de communication en général comme le Chat, ICQ ou le mail. J'aime bien également le site du Monde Diplomatique et ses archives. Pour mes achats j'aime bien utiliser les sites de comparaison de prix. J'en ai rangé 4 ou 5 parmi mes favoris. Sinon j'ai trouvé hier soir un excellent site sur le musée de la coutellerie de Thiers. J'utilise régulièrement Zicweb pour trouver des sites marrants.

Et vous achetez en ligne?
J'achète des DVD sur Dvdexpress, et j'utilise également Houra. J'ai testé Telemarket, mais je préfère Houra sur lequel j'ai créé une liste type qui me permet de gagner du temps.
En revanche, j'ai tenté l'achat de chemises et de costumes sur mesure, je vous le déconseille ! Surtout pour la chemise, moins pour le costume car ils se déplacent...

Il y a des choses que vous n'aimez pas sur Internet ?
Et bien j'ai une fille qui a maintenant 18 mois et je suis un peu agacé quand je vois sur un site s'ouvrir un pop-up pour un site porno. Je n'ai pas encore vraiment examiné la question du filtrage et je me demande comment je vais pouvoir filtrer sans bloquer son accès à l'information. Je n'aime pas non plus le site de Tchooze dont on me parle parfois, même chez nos propres candidats. Ce site qui invite les salariés à s'exprimer sur leurs entreprises ne me semble pas fournir suffisamment de garanties et de recul en terme de représentativité et de fiabilité des opinions exprimées.
La volonté pour un candidat de connaître une entreprise est légitime, mais les contributions de Tchooze peuvent être également le fait de concurrents malveillants (La société Michael Page a fait l'objet de 31 contributions sur le site, NDLR)

 
Propos recueillis par Fabien Claire

PARCOURS
 
Né en 1970, Franck Pasquet s'investi d'abord dans le bénévolat et prend une responsabilité National au sein d'une association politique jusqu'en 1995. Il devient alors directeur multimédia associé du groupe 3G2P. Il rejoint ensuite Michael Page en 1998

   
 
  Nouvelles offres d'emploi   sur Emploi Center
Chaine Parlementaire Public Sénat | Michael Page Interim | 1000MERCIS | Mediabrands | Michael Page International