DNet. Quel est exactement
le métier de SR Consult?
Yannick Petit.
Je suis parti d'un constat que j'avais dressé lorsque
je dirigeais le Nouveau marché (NM). Certains patrons d'entreprises me
confiaient souvent après leur introduction en Bourse : "On s'est fait
balader par les différents acteurs et il est évident que l'on procéderait
autrement si c'était à refaire". La Bourse est en effet devenue de plus
en complexe, avec une inflation de dossiers et une masse d'informations
à fournir de plus en plus importante de la part des entreprises candidates.
Il faut savoir qu'à l'heure actuelle, on demande davantage à une entreprise
du Nouveau marché qu'à une entreprise du Premier marché. Il suffit de
comparer le prospectus d'introduction d'Orange à celui des sociétés introduites
récemment sur le NM pour s'en persuader. Notre rôle est donc de conseiller
les entreprises avant même la rencontre avec les banquiers pour réaliser
un travail de préparation comptable, juridique et surtout pédagogique.
On répond ainsi aux questions que tous les patrons se posent, de la plus
simple à la plus compliquée. Lorsque j'étais au NM, j'étais par exemple
sidéré par le fait que certains chefs d'entreprises cotées ne savaient
même pas comment fonctionnait la bourse. SR Consult est donc le copilote
de l'entrepreneur pour rendre la maîtrise du processus d'introduction
aux entreprises.
Comment vous rémunérez-vous?
En prime de succès, c'est à dire en prenant
un pourcentage de la levée de fonds opérée lors de l'introduction.
Vous avez donc intérêt à ce que la valorisation soit élevée pour être
encore plus profitable. Les intermédiaires n'ont-ils pas, l'an dernier,
largement profité de ce système en gonflant artificiellement les valorisations
?
Je sais que l'an dernier, on a beaucoup
reproché cela aux banques introductrices (ITM) mais c'est faux. Contrairement
aux idées reçues, le client de l'ITM, ce n'est pas l'entreprise mais bel
et bien l'investisseur final. Gonfler la valorisation d'une entreprise
ne fait pas le jeu de l'ITM, car cela reviendrait à se mettre à dos ses
propres clients. Par ailleurs, une banque tire ses revenus du courtage.
Elle a donc intérêt à ce que le cours soit au bon prix pour favoriser
les transactions, fidéliser les investisseurs et ainsi encaisser des gains
supplémentaires. En règle générale, il n'est pas bon d'avoir une société
sur-valorisée ou même sous-valorisée. Quand le titre d'une entreprise
double le jour de l'introduction, je ne trouve pas cela très sain.
Les introductions ne
se bousculent pas en ce moment sur le Nouveau marché. Et lorsqu'il y en
a, elles concernent des sociétés de plus en plus matures et qui ont d'énormes
besoins en fonds. Le NM répond-il toujours à sa vocation première?
Très certainement, mais attention à l'embourgeoisement.
Je rappelle que la création du Nouveau marché est née de la nécessité
d'offrir un marché permettant à des projets jeunes et innovants de se
financer et d'avoir plus de visibilité. En adoptant une politique qui
consisterait à ne faire rentrer que des sociétés plus matures, on s'écarte
du but originel. Comme le Nasdaq, dont il s'inspire, le NM a besoin d'opérations
d'envergure internationale, mais il faut aussi savoir laisser la place
aux petits. En fait, les autorités comme les banques introductrices ont
tendance à faire cela pour protéger l'investisseur après la correction
de l'an dernier. Je pense pour ma part que c'est une erreur, pour deux
raisons. D'abord,
il n'est pas démontré que ce sont
les entreprises les plus petites qui présentent les contre-performances.
Ensuite, cela revient à considérer que l'investisseur n'est pas assez
mature pour mesurer le risque de son investissement. Avec toutes les informations
fournies par les sociétés lors de leur introduction en Bourse l'an dernier,
je considère que l'investisseur avait des outils pour mesurer le risque.
On constate à cet égard que le renouveau du Marché libre auprès des investisseurs
est dû en partie à une certaine frilosité du Nouveau marché. Sur le Marché
libre, le niveau de risque est plus important mais le rendement est désormais
souvent meilleur que sur le NM. Le problème du Nouveau marché est en fait
désormais d'ordre financier. Il y a quatre ans les introductions s'effectuaient
avec des levées moyennes de 20 à 50 millions de francs. Aujourd'hui, peu
d'ITM sont prêts à intervenir pour ce type de montants car le montage
d'un dossier d'introduction pour 20 millions de francs ou pour 200 millions
est le même pour les intermédiaires. Le calcul est donc vite fait. C'est
dommage, car si vous regardez les vedettes actuelles du NM, telles que
Egide ou BVRP, ce ne sont pas celles qui ont levé le plus d'argent lors
de leur introduction.
Les sociétés qui sont
rentrées l'an dernier en Bourse, notamment dans le domaine d'Internet,
étaient-elles bien préparées. En clair, avaient-elles leur place en Bourse
?
Oui, je crois que globalement, au plan juridique
comptable ou financier, tout était bien ficelé. Quant aux investisseurs,
je le répète, ils avaient toute l'information en lisant les documents
de la COB. Je pense que le problème est venu davantage de la pression
rencontrée par les patrons lorsque leur entreprise est cotée. Ils ont
tendance à sous-estimer la vie du titre et donc l'impact de la communication.
En lisant certains communiqués de sociétés cotées sur le NM, j'avoue que
j'ai été parfois surpris de la maladresse avec laquelle ils avaient été
formulés.
La valorisation était
également en cause. N'y a t il pas d'autres méthodes que celles des comparables
ou des cash flows actualisés, qui restent très aléatoires dans le cas
de sociétés internet ? Malheureusement,
il semble que les analystes conservent ces méthodes d'évaluation. En revanche,
ce que l'on peut corriger, ce sont les prévisions de croissance sur lesquelles
sont basées les futures évaluations. Je recommande pour ma part aux sociétés
de minorer leurs prévisions, surtout la première année. C'est fondamental
pour éviter les désillusions. D'ailleurs, sur huit sociétés que nous avons
conseillées cette année, une seule, Cyberdeck, a affiché des résultats
inférieurs aux prévisions. Mais il faut arrêter de croire que les patrons
ont menti sur leur taux de croissance et donc sur leur valorisation. Les
chefs d'entreprise sont par essence des gens toujours très optimistes
car ils sont très attachés à leur société et veulent réussir. Ils
ont donc souvent tendance à "s'enflammer", notamment sur leurs perspectives
financières. Notre rôle est de les aider à formaliser cet enthousiasme
sans toutefois s'exonérer des réalités.
Beaucoup de sociétés
sont valorisées en fonction de leurs comparables cotées sur le Nasdaq.
Est-ce bien normal, notamment quand on voit la volatilité actuelle de
ce marché ?
C'est sûr que cela n'aide pas à établir
des valorisations stables. Pour les introductions actuelles, nous conseillons
dés le départ une forte décote par rapport aux comparables américains.
Mais la volatilité est tellement grande qu'on a du mal à s'ajuster. Je
pense toutefois que le découplage avec le Nasdaq va se faire progressivement.
Avec la généralisation de l'Euro dans le grand public, d'excellents fondamentaux
économiques et de belles perspectives de croissance, il n'y a pas de raison
que les sociétés européennes continuent à avoir l'il vissé sur le Nasdaq
lors de leur introduction en Bourse. Surtout quand elles ne font aucune
partie de leur business aux Etats-Unis.
Est-ce qu'une fusion
des Bourses ne réglerait finalement pas plus vite le problème?
Oui, et c'est le sens de l'histoire. A l'heure
d'Internet, plus aucune barrière technologique ne s'y oppose. La seule
contrainte est pour l'instant d'ordre culturelle. Les Bourses ont à mon
avis plus de retard que les investisseurs sur ce plan là. L'euro dans
le portefeuille des ménages devrait d'ailleurs accélérer le processus,
car il sera certainement plus facile pour un particulier français par
exemple d'investir dans une société en Allemagne ou en Italie. Il aura
une monnaie qui lui permettra de mieux comparer les prix.
Quels sites aimez vous sur Internet ?
Je consulte souvent Boursorama
et Fimatex pour
les cours de Bourse. Sur le plan des loisirs, j'apprécie Cityvox.
Et qu'est ce que vous n'aimez pas sur Internet ?
Les inepties que l'on peut lire sur les
forums des sites boursiers, écrites par des auteurs utilisant des pseudos.