JDNet. Pouvez-vous
présenter les activités du Groupe i&e ?
Sandrine Place.
i&e est un groupe indépendant de communication de 200 personnes.
Spécialisés dans le management des stratégies d'opinion, nous accompagnons
au quotidien plus de 100 entreprises et institutions dans la conception
et la mise en oeuvre des stratégies les plus efficaces pour développer,
renforcer et protéger leur image et leur réputation. Une partie de notre
activité couvre la communication sensible des entreprises. Nous
avons identifié deux niveaux d'intervention : la prévention
et la gestion de crise. Dans le domaine de la prévention, les trois-quarts
de nos actions se font sur le long terme. Cela couvre notamment la veille
à partir de bases de données nationales et internationales et Internet,
grâce à des moteurs de recherche spécifiques. Nous nous appuyons sur la
technologie de notre partenaire Vigidata pour cela. Il y a trois types
de veille : la veille opérationnelle (avec un système
de mots-clés), la veille tactique, qui porte sur le moyen terme,
et la veille stratégique qui est plus analytique et prospective.
Sur ce point, nous nous rapprochons de l'intelligence économique.
Concrètement,
cette veille porte sur quels domaines ?
Il y a trois domaines d'intervention :
le tracking des marques ou d'appellation des entreprises, la veille sur
les actualités des publics qui gravitent autour de l'entreprise
et l'issue monitoring, qui est le fait d'appréhender les
évolutions de l'opinion sur les problématiques sensibles de l'entreprise.
Dans ces domaines, notre travail consiste principalement à évaluer
les risque. Toutes information diffusée sur le Net n'est pas forcément
à risque. Nous avons quatre critères d'évaluation :
la sensibilité du sujet, la légitimité des sources,
la perfection de l'argumentaire et la crédibilité de l'émetteur.
Concernant
le deuxième volet de votre intervention, c'est-à-dire la
gestion de crise, de quelle manière conseillez-vous à vos
clients d'utiliser Internet ?
il faut tout d'abord
souligner que, depuis 1995-96, date à laquelle la gestion de crise
en ligne sur Internet a commencé à se développer,
nous avons beaucoup évolué. Nous avons aujourd'hui atteint
un niveau de maturité. Nous conseillons tout d'abord à nos
clients de tenir prêts des sites fantômes qui peuvent être
activés à tout moment en cas de crise. Ainsi, quelques heures
après l'accident de Concorde en juillet 2000, un site spécifique
a été mis en ligne avec des informations pour l'ensemble
des communautés : journalistes, grand public (avec un numéro
vert), actionnaires, etc. Le site doit être le plus simple possible
et ne fournir que de l'information percutante. Au plus fort de la crise,
la mise à jour doit se faire heure par heure. Ce qu'il faut savoir,
c'est que le public jugera plus l'entreprise sur la façon dont
elle procède dans la gestion de crise que sur le fait générateur.
Typiquement, le cas de l'Erika est révélateur de ce phénomène.
Il
faut donc créer un nouveau site dédié à la
crise ?
Non, ce n'est pas toujours
nécessaire, d'autant que les journalistes ont tendance à
taper l'URL habituel de l'entreprise pour trouver des informations. L'espace
dédié à la crise peut donc être un sous-site
du site institutionnel et être appelé de manière visible
en page d'accueil. Ce système de reroutage vers un sous-site est
une bonne solution car il permet de ne pas encombrer le site institutionnel
et de gérer plsu aisément la montée en charge de
l'audience.
Quelles
autres solutions que ces sites dédiés ?
L'utilisation de liens
sponsorisés est une bonne réponse car c'est un système
très réactif. Il est aussi utile de penser à faire
des liens avec des partenaires qui pourront mettre des informations sur
leur site en cas de crises. La première expérience dans
ce domaine a eu lieu aux Etats-Unis en 1996. Le producteur de jus de fruits
Odwalla a été amené à faire un rappel produits.
A cette occasion, il a mis sur son sites de liens vers des expertises
extérieures donnant des informations nutritionnelles er réglementaires.
Mais il faut avoir prévu cela en amont. Lorsque la crise est commencée,
il est trop tard.
Faut-il
différencier les informations fournies selon les différentes
cibles ?
C'est absolument nécessaire
de prioriser les publics. Le premier public auquel s'adresser, c'est en
interne. Via l'Intranet, il faut donner toutes les informations aux employés
car ce sont eux les premiers ambassadeurs de l'entreprise. Et il faut
leur fournir un message identique à celui donné à
l'extérieur. Dernièrement, un de nos clients, une entreprise
appartenant au domaine de la chimie, a connu une crise. Elle a immédiatement
informé ses employés via son Intranet mondial. Là
encore, il faut prévoir le dispositif en amont. Les journalistes
sont un autre public : les trois quarts utilisent Internet pour s'informer.
Il faut leur donner tous les communiqués, dossiers de presse en
ligne, faire des questions-réponses et mettre des liens vers des
zones d'expertise. Pour le grand public, nous voyons de plus en plus se
développer des web call centers. Je crois que c'est Carrefour qui
a été le premier à l'utiliser en France, au moment
de la crise de la vache folle. C'est aussi très utile pour des
rappels produits. Le web call center donne la possibilité à
l'internaute de poser une question par mail. C'est plus facile à
gérer pour l'entreprise mais cela dénature aussi la relation
rassurante du téléphone. Ce n'est donc pas toujours préconisé
pour des situations très passionnelles (accident, etc.).
Faut-il systématiquement
intégrer un volet Internet dans sa communication de crise ?
C'est aujourd'hui indispensable. L'Internet et l'Intranet
doivent être systématiquement intégrés dans
la stratégie de communication de crise d'une entreprise. Internet
est un outil réellement complémentaire avec les autres médias
et un outil que nous ne pouvons plus contourner aujourd'hui. Même
pour les entreprises qui n'auraient pas de site Internet, le Web doit
être intégré dans la stratégie car il sera
important de veiller aux informations qui seront postées sur les
sites et forums de discussion et d'y répondre le cas échéant.
Pour
résumer, quelles sont les règles d'or de la communication
de crise en ligne ?
Bien se préparer
avant. Mieux l'entreprise aura anticipé les crises, mieux elle
pourra réagir. Cela permet aussi ensuite de ses concentrer sur
l'issue monitoring, c'est-à-dire sur l'identification de
situations potentiellement dangereuses et le désamorçage
de crises en amont. Une autre règle d'or est la gestion du site
de crise par la direction de la communication. C'est capital pour assurer
une cohérence dans la communication on et offline.
Pouvez-vous
nous citer des cas de bonne gestion de crise ?
Air France est réellement
à la pointe dans ce domaine. La compagnie sait parfaitement gérer
du début à la fin la cohérence de sa communication.
Plusieurs événements dans le passé nous ont montré
sa capacité à anticiper et à réagir, notamment
via son site Internet. C'est vraiment un cas d'école.
A
contrario, quelles sont les erreurs à ne surtout pas commettre ?
Manquer de cohérence
et de clarté dans le message. Ne pas communiquer de manière
identique on et offline. Attendre dix jours avant de communiquer sur Internet.
Ne pas savoir s'adapter aux situations. La flexibilité et la réactivité
sont essentielles dans la gestion de crise.