INTERVIEW
 
Responsable
de la communication sensible

Groupe i&e
Sandrine Place
"Internet est devenu incontournable dans la communication de crise"
La communication de crise connaît un véritable essor depuis le début des années 90, et les multiples événements ayant émaillé ces dix dernières années (listéria, vache folle, marées noires, crise financière, etc.) ont montré qu'aucune entreprise n'était à l'abri. L'arrivée d'Internet, support idéal pour la propagation des rumeurs mais aussi outil de communication, a encore compliqué la problématique. En réaction, de nombreuses agences ont développé une activité dans le domaine de la communication de crise. Responsable de la "communication sensible" au sein du groupe de relations publiques i&e, Sandrine Place revient sur l'utilité d'Internet dans le domaine de la veille et sur son mode d'utilisation en cas de crise. Son credo : "Mieux vaut prévenir que guérir".26 mars 2003
 
          
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JDNet. Pouvez-vous présenter les activités du Groupe i&e ?
Sandrine Place. i&e est un groupe indépendant de communication de 200 personnes. Spécialisés dans le management des stratégies d'opinion, nous accompagnons au quotidien plus de 100 entreprises et institutions dans la conception et la mise en oeuvre des stratégies les plus efficaces pour développer, renforcer et protéger leur image et leur réputation. Une partie de notre activité couvre la communication sensible des entreprises. Nous avons identifié deux niveaux d'intervention : la prévention et la gestion de crise. Dans le domaine de la prévention, les trois-quarts de nos actions se font sur le long terme. Cela couvre notamment la veille à partir de bases de données nationales et internationales et Internet, grâce à des moteurs de recherche spécifiques. Nous nous appuyons sur la technologie de notre partenaire Vigidata pour cela. Il y a trois types de veille : la veille opérationnelle (avec un système de mots-clés), la veille tactique, qui porte sur le moyen terme, et la veille stratégique qui est plus analytique et prospective. Sur ce point, nous nous rapprochons de l'intelligence économique.

Concrètement, cette veille porte sur quels domaines ?
Il y a trois domaines d'intervention : le tracking des marques ou d'appellation des entreprises, la veille sur les actualités des publics qui gravitent autour de l'entreprise et l'issue monitoring, qui est le fait d'appréhender les évolutions de l'opinion sur les problématiques sensibles de l'entreprise. Dans ces domaines, notre travail consiste principalement à évaluer les risque. Toutes information diffusée sur le Net n'est pas forcément à risque. Nous avons quatre critères d'évaluation : la sensibilité du sujet, la légitimité des sources, la perfection de l'argumentaire et la crédibilité de l'émetteur.

Concernant le deuxième volet de votre intervention, c'est-à-dire la gestion de crise, de quelle manière conseillez-vous à vos clients d'utiliser Internet ?
il faut tout d'abord souligner que, depuis 1995-96, date à laquelle la gestion de crise en ligne sur Internet a commencé à se développer, nous avons beaucoup évolué. Nous avons aujourd'hui atteint un niveau de maturité. Nous conseillons tout d'abord à nos clients de tenir prêts des sites fantômes qui peuvent être activés à tout moment en cas de crise. Ainsi, quelques heures après l'accident de Concorde en juillet 2000, un site spécifique a été mis en ligne avec des informations pour l'ensemble des communautés : journalistes, grand public (avec un numéro vert), actionnaires, etc. Le site doit être le plus simple possible et ne fournir que de l'information percutante. Au plus fort de la crise, la mise à jour doit se faire heure par heure. Ce qu'il faut savoir, c'est que le public jugera plus l'entreprise sur la façon dont elle procède dans la gestion de crise que sur le fait générateur. Typiquement, le cas de l'Erika est révélateur de ce phénomène.

Il faut donc créer un nouveau site dédié à la crise ?
Non, ce n'est pas toujours nécessaire, d'autant que les journalistes ont tendance à taper l'URL habituel de l'entreprise pour trouver des informations. L'espace dédié à la crise peut donc être un sous-site du site institutionnel et être appelé de manière visible en page d'accueil. Ce système de reroutage vers un sous-site est une bonne solution car il permet de ne pas encombrer le site institutionnel et de gérer plsu aisément la montée en charge de l'audience.

Quelles autres solutions que ces sites dédiés ?
L'utilisation de liens sponsorisés est une bonne réponse car c'est un système très réactif. Il est aussi utile de penser à faire des liens avec des partenaires qui pourront mettre des informations sur leur site en cas de crises. La première expérience dans ce domaine a eu lieu aux Etats-Unis en 1996. Le producteur de jus de fruits Odwalla a été amené à faire un rappel produits. A cette occasion, il a mis sur son sites de liens vers des expertises extérieures donnant des informations nutritionnelles er réglementaires. Mais il faut avoir prévu cela en amont. Lorsque la crise est commencée, il est trop tard.

Faut-il différencier les informations fournies selon les différentes cibles ?
C'est absolument nécessaire de prioriser les publics. Le premier public auquel s'adresser, c'est en interne. Via l'Intranet, il faut donner toutes les informations aux employés car ce sont eux les premiers ambassadeurs de l'entreprise. Et il faut leur fournir un message identique à celui donné à l'extérieur. Dernièrement, un de nos clients, une entreprise appartenant au domaine de la chimie, a connu une crise. Elle a immédiatement informé ses employés via son Intranet mondial. Là encore, il faut prévoir le dispositif en amont. Les journalistes sont un autre public : les trois quarts utilisent Internet pour s'informer. Il faut leur donner tous les communiqués, dossiers de presse en ligne, faire des questions-réponses et mettre des liens vers des zones d'expertise. Pour le grand public, nous voyons de plus en plus se développer des web call centers. Je crois que c'est Carrefour qui a été le premier à l'utiliser en France, au moment de la crise de la vache folle. C'est aussi très utile pour des rappels produits. Le web call center donne la possibilité à l'internaute de poser une question par mail. C'est plus facile à gérer pour l'entreprise mais cela dénature aussi la relation rassurante du téléphone. Ce n'est donc pas toujours préconisé pour des situations très passionnelles (accident, etc.).

Faut-il systématiquement intégrer un volet Internet dans sa communication de crise ?
C'est aujourd'hui indispensable. L'Internet et l'Intranet doivent être systématiquement intégrés dans la stratégie de communication de crise d'une entreprise. Internet est un outil réellement complémentaire avec les autres médias et un outil que nous ne pouvons plus contourner aujourd'hui. Même pour les entreprises qui n'auraient pas de site Internet, le Web doit être intégré dans la stratégie car il sera important de veiller aux informations qui seront postées sur les sites et forums de discussion et d'y répondre le cas échéant.

Pour résumer, quelles sont les règles d'or de la communication de crise en ligne ?
Bien se préparer avant. Mieux l'entreprise aura anticipé les crises, mieux elle pourra réagir. Cela permet aussi ensuite de ses concentrer sur l'issue monitoring, c'est-à-dire sur l'identification de situations potentiellement dangereuses et le désamorçage de crises en amont. Une autre règle d'or est la gestion du site de crise par la direction de la communication. C'est capital pour assurer une cohérence dans la communication on et offline.

Pouvez-vous nous citer des cas de bonne gestion de crise ?
Air France est réellement à la pointe dans ce domaine. La compagnie sait parfaitement gérer du début à la fin la cohérence de sa communication. Plusieurs événements dans le passé nous ont montré sa capacité à anticiper et à réagir, notamment via son site Internet. C'est vraiment un cas d'école.

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A contrario, quelles sont les erreurs à ne surtout pas commettre ?
Manquer de cohérence et de clarté dans le message. Ne pas communiquer de manière identique on et offline. Attendre dix jours avant de communiquer sur Internet. Ne pas savoir s'adapter aux situations. La flexibilité et la réactivité sont essentielles dans la gestion de crise.

 
Propos recueillis par Florence Santrot

PARCOURS
 

Sandrine Place, 34 ans, est responsable de la "Communication sensible au sein du Groupe i&e. Juriste en droit des affaires et formée à la London School of Economics, elle a débuté comme consultant à l'agence Burson Marsteller en 1992 avant de prendre la responsabilité du service communication d'un organisme public. Entrée dans le groupe i&e en 1997, elle coordonne l'ensemble des missions de prévention et gestion de ccrise pour des groupes industriels internationaux, des marques du secteur agro-alimentaire et des sociétés de services.

Groupe i&e : Groupe de communication spécialisé dans le management des stratégies d'opinion, i&e revendique une clientèle de plus de 100 entreprises et institutions et emploie près de 200 collaborateurs. Le groupe repose sur trois entités : i&e Consultants (management des relations avec les publics), i&e Décision (étude et veille des systèmes d'opinion) et i&e Expressions (conseil en presse et édition d'entreprise).


   
 
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