JDNet. Comment fonctionne
concrètement CPG Market ?
Marie-Pierre Rogers.
Nous sommes centrés sur l'optimisation de la relation entre l'industriel
et son fournisseur, l'industriel en question étant à la
fois notre client et notre actionnaire. Par exemple, dans le cas où
un de nos clients souhaite renouveler un appel d'offre pour une matière
première, pour de l'informatique ou quoi que ce soit d'autre, il
remplit en ligne son appel d'offre dans lequel il met toutes ses spécifications
techniques, qualitatives, en terme de logistique, etc. Une fois que cela
est fait, il envoie cet appel d'offre à tous les fournisseurs qu'il
souhaite voir participer. Ce procédé permet d'optimiser
son temps car l'acheteur ne remplit ces informations qu'une fois mais
aussi de donner les mêmes chances, le même niveau d'information
et de transparence à tous les fournisseurs. Ensuite, les fournisseurs
disposent d'un délai prédéfini pour répondre.
Et cela se fait selon un format préétabli dans les outils
de la place de marché. Cette étape permet de faire une première
sélection. L'acheteur décide ensuite de lancer une enchère
en ligne qui a lieu à un moment très précis. Dans
ce cadre, les fournisseurs, une dizaine en moyenne et qui ont déjà
donné des spécifications techniques et qualitatives, doivent
donner leurs tarifs.
Cela
se passe entièrement en ligne ou y a-t-il des prises de contact
par d'autres canaux de communication ?
La relation commerciale
entre les clients et leurs fournisseurs continue d'être la même.
Mais toute la partie opérationnelle se fait à travers l'outil
CPG Market de manière à rendre le processus beaucoup plus
rigoureux. Cette nouvelle approche réduit le nombre de coups de
téléphones, d'envoi de fax, de questions posées car
l'appel d'offre est de cette façon très encadré.
CPG Market automatise une grande partie du travail répétitif
et administratif des appels d'offre tandis que les acheteurs de nos grands
groupes actionnaires peuvent consacrer davantage de temps au sourcing,
à la recherche des meilleurs fournisseurs et à un travail
qualitatif, notamment par exemple sur tout ce qui est sécurité
alimentaire...
Est-ce
que vous vous positionnez également du côté de la
distribution des produits de vos actionnaires ?
Non. Nous nous positionnons
exclusivement sur la partie amont même s'il y a une volonté
de créer de la connectivité entre notre place de marché
et celles de la grande distribution. Mais tout cela en est encore à
un stade très initial.
Quels
sont vos derniers résultats en terme d'activité ?
En terme d'activité,
à la fin de cette année nous aurons fait entre 800 et 1 000
appels d'offres ou enchères inversées. Nous sommes toujours
sur la tendance prévue initialement et nous continuons à
tabler sur une rentabilité début 2003. Le volume moyen par
transaction augmente au fur et à mesure que les produits qui transitent
par la plate-forme sont plus sophistiqués. Nous avons commencé
avec des choses très simples : les fournitures de bureau.
Aujourd'hui, nous sommes capables de faire des appels d'offres et des
enchères pour des produits comme l'huile, la viande, le sucre.
Des choses qui sont beaucoup plus stratégiques.
Tous
vos actionnaires sont clients de CPG Market. Comment voyez-vous évoluer
cette situation ?
Pour l'instant nous
avons 28 clients-actionnaires. Parmi eux, 25 sont des industriels. Cela
représente déjà une certaine taille, sachant que
dans les larges entités que sont nos actionnaires, chaque pays
ou chaque business unit est un client différent. Cela représente
un total de 508 acheteurs en ligne. Nous ne recherchons pas particulièrement
de nouveaux investisseurs puisque nous avons une situation financière
plutôt bonne. Nous souhaitons surtout à déployer tous
nos outils au sein de nos grands investisseurs puisque nous savons que
c'est de là que viendra la profitabilité de CPG Market et
les économies pour nos clients. Nous nous sommes aussi posés
la question de l'intégration de nouveaux clients qui ne seraient
pas investisseurs. En fait, nous avons déjà fait des opérations
pilotes avec des clients non actionnaires et nous sommes actuellement
approchés par plusieurs groupes dans ce sens. Mais ce sont nos
investisseurs qui restent prioritaires.
Comment
se passe la cohabitation entre vos différents clients qui sont
aussi parfois concurrents ?
La cohabitation est
très simple à gérer, à la grande surprise
de tout le monde, y compris des acteurs eux-mêmes. En fait, il n'y
a rien de secret qui soit mis en commun dans la place de marché.
Ce sont plutôt des "best practices", l'amélioration
des processus en amont, le passage d'un mode relationnel classique à
un mode collaboratif dans la relation avec les fournisseurs. CPG Market
assure aussi la confidentialité des informations traitées
par chacun. Les clients ne peuvent pas voir les appels d'offre et les
enchères lancées par leurs concurrents. Et puis les objectifs
de nos actionnaires étaient vraiment de mettre en commun, de mutualiser
l'investissement pour s'offrir cet outil. Et cela reste encore vrai aujourd'hui.
Combien
de fournisseurs participent à CPG Market et quels sont les critères
de sélection de ces fournisseurs ?
Nous avons environ
2 000 fournisseurs enregistrés sur notre plate-forme. Jusqu'à
maintenant, la majorité d'entre eux a été
amenée par nos clients mais nous commençons à voir
arriver des fournisseurs qui prennent directement contact avec nous et
demandent à figurer dans le moteur de recherche de la base fournisseurs
de CPG Market. Certains sont déjà fournisseurs pour un des
clients de la place de marché et souhaient apparaître sur
le moteur pour être accessible à l'ensemble des acheteurs.
Techniquement, la participation de nouveaux fournisseurs à notre
service est très simple car il n'y a pas d'intégration technique
à installer. Tout est en ligne.
Jusqu'il
y a un an, la question technologique était encore dominante pour
les places de marché. Ce cap est-il franchi ?
Au démarrage
des places de marché, il y avait des incertitudes techniques, aussi
bien côté place de marché que côté client
parce qu'il a fallu upgrader les infrastructures. Aujourd'hui, nous sommes
clairement passés à la phase d'utilisation de la place de
marché, et à une utilisation récurrente. Au cours
des six derniers mois, nous avons dépassé la phase pilote
pour une utilisation quotidienne de l'outil. Cela s'est fait à
mesure que nos clients ont constaté les gains de temps, les améliorations
de processus et la transparence qu'offrait l'outil. Et puis les gains
financiers ne sont pas négligeables. Ils se situent en moyenne
entre 10 et 15 % et peuvent parfois monter jusqu'à 60 %.
Cependant, nos efforts technologiques se poursuivent puisque nous travaillons
maintenant à des problématiques d'intégration technique
pour les outils d'e-procurement (les catalogues) et pour la Supply Chain
(gestion en ligne des processus de la chaîne d'approvisionnement).
Comment
analysez-vous le marché, notamment en ce qui concerne le clivage
entre les places de marché verticales et horizontales ?
Une place de marché
requiert des investissements en capitaux initiaux qui sont assez forts
et des investissements permanents pour conserver une technologie de pointe.
Le gros avantage des places de marché verticales, quand les actionnaires
s'entendent bien et qu'il y a une bonne corporate governance, ce
qui est notre cas, c'est que nos actionnaires sont nos clients. Et que
nos très gros actionnaires sont de très gros clients. Il
y a une capacité à amortir et à rentabiliser qui
est là. En échange de cela, nous devons développer
des services à valeur ajoutée parce que nos actionnaires
ne nous soutiendront pas financièrement si nous ne leurs proposons
pas des gains en processus et des gains financiers intéressants.
Pour ce qui est des places de marché horizontales, c'est effectivement
beaucoup plus dur parce qu'il n'y a pas l'actionnariat, et donc la population
cliente, qui vient naturellement à vous.
Les horizontales résisteront si elles sont sur un marché
de niche qui est très porteur et très spécifique
et qu'elles offrent un service à vraie valeur ajoutée. Il
faut aussi qu'elles arrivent à se mettre dans le giron des grandes
verticales, à créer des alliances.
Qu'est-ce
que vous aimez particulièrement sur internet ?
Je trouve que Internet
est assez imparfait, en fait. Mais les services bancaires sur le Web sont
un domaine qui est assez avancé depuis quelques années.
Personnellement, je ne vais plus dans une agence depuis des années.
Cela me fait gagner du temps et puis ça me permet d'y accéder
à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. J'utilise les services
de banque en ligne de CitiBank dont j'ai aidé à monter une
partie du projet et que donc je connais assez bien. Mais je le fais aussi
avec une banque traditionnelle.
A
contrario, qu'est-ce que vous n'aimez pas sur Internet ?
Je n'aime pas les déconnexions
intempestives, la publicité outrageuse et le côté
aguicheur d'Internet.
Quel
est votre site préféré ?
J'aime bien le site
de Dilbert. Je trouve
qu'il y a des choses assez drôles et qui sont assez vraies sur nos
métiers.
Titulaire d'un diplôme de Commerce international
et d'un Master of Business Administration de l'Université de Chicago,
Marie-Pierre Rogers a débuté sa carrière chez DHL Worldwide Express en
tant que "Airport Operations Manager", puis comme directeur pour le secteur
Paris. Elle a ensuite rejoint TNT Express en tant que Directeur des opérations
nationales et internationales. De 1992 à 1997, elle intègre Federal Express,
où elle devient vice-présidente pour l'Europe du Sud. En 1998,
elle rejoint Citibank en tant que Head of Operations and Technology pour
la région Europe, Moyen-Orient, Afrique. En 2000, Marie-Pierre Rogers
rejoint le groupe Danone en tant que Vice President Internet Business
Initiatives. Elle est notamment chargée de développer la stratégie Internet
du groupe en matière de e-marketing, ainsi que de piloter la participation
de Danone dans la place de marché CPGmarket.com. Marie-Pierre Rogers a
été nommée Chief Executive Officer de CPGmarket.com en décembre 2000.
Sur CPG Market. Le montant total
des investissements consacrés à CPG Market s'élève
à 110 millions d'euros (80 millions à l'origine puis un
nouvel apport en capital de 30 millions). CPG Market a choisi un type
de rémunération fixe annuelle selon le nombre d'événements
(appels d'offres) mis en place par les clients ce qui permet d'encourager
la croissance des volumes échangés et des montants des appels
d'offre et enchères, qui pourraient être freinés dans
le cas d'un commissionnement. Parmi les produits échangés
sur la place de marché,
on distingue de l'emballage, des services (contrat
d'électricité, de télécommunication), des
matières premières (sucre, fruits, huiles), du matériel
informatique et du matériel de bureau. CPG Market compte une soixantaine
de salariés auxquels s'ajoute une trentaine de consultants.