INTERVIEW
 
Directrice générale
CPG Market
Marie-Pierre Rogers
"Titre"

Créée en mars 2000, CPG Market est une place de marché dite verticale dont le principe est d'optimiser les achats des grands groupes qui sont ses actionnaires par un système d'appel d'offres et d'enchères inversées. CPG Market compte parmi ses utilisateurs Nestlé, Danone, L'Oréal, Henkel, Pechiney, Hewlett-Packard Europe ou encore Accenture. Pour Marie-Pierre Rogers, qui dirige le projet depuis le mois de décembre 2000, l'heure de l'expérimentation est passée : place à l'industrialisation.

21 novembre 2001
 
          

JDNet. Comment fonctionne concrètement CPG Market ?
Marie-Pierre Rogers. Nous sommes centrés sur l'optimisation de la relation entre l'industriel et son fournisseur, l'industriel en question étant à la fois notre client et notre actionnaire. Par exemple, dans le cas où un de nos clients souhaite renouveler un appel d'offre pour une matière première, pour de l'informatique ou quoi que ce soit d'autre, il remplit en ligne son appel d'offre dans lequel il met toutes ses spécifications techniques, qualitatives, en terme de logistique, etc. Une fois que cela est fait, il envoie cet appel d'offre à tous les fournisseurs qu'il souhaite voir participer. Ce procédé permet d'optimiser son temps car l'acheteur ne remplit ces informations qu'une fois mais aussi de donner les mêmes chances, le même niveau d'information et de transparence à tous les fournisseurs. Ensuite, les fournisseurs disposent d'un délai prédéfini pour répondre. Et cela se fait selon un format préétabli dans les outils de la place de marché. Cette étape permet de faire une première sélection. L'acheteur décide ensuite de lancer une enchère en ligne qui a lieu à un moment très précis. Dans ce cadre, les fournisseurs, une dizaine en moyenne et qui ont déjà donné des spécifications techniques et qualitatives, doivent donner leurs tarifs.

Cela se passe entièrement en ligne ou y a-t-il des prises de contact par d'autres canaux de communication ?

La relation commerciale entre les clients et leurs fournisseurs continue d'être la même. Mais toute la partie opérationnelle se fait à travers l'outil CPG Market de manière à rendre le processus beaucoup plus rigoureux. Cette nouvelle approche réduit le nombre de coups de téléphones, d'envoi de fax, de questions posées car l'appel d'offre est de cette façon très encadré. CPG Market automatise une grande partie du travail répétitif et administratif des appels d'offre tandis que les acheteurs de nos grands groupes actionnaires peuvent consacrer davantage de temps au sourcing, à la recherche des meilleurs fournisseurs et à un travail qualitatif, notamment par exemple sur tout ce qui est sécurité alimentaire...

Est-ce que vous vous positionnez également du côté de la distribution des produits de vos actionnaires ?
Non. Nous nous positionnons exclusivement sur la partie amont même s'il y a une volonté de créer de la connectivité entre notre place de marché et celles de la grande distribution. Mais tout cela en est encore à un stade très initial.

Quels sont vos derniers résultats en terme d'activité ?
En terme d'activité, à la fin de cette année nous aurons fait entre 800 et 1 000 appels d'offres ou enchères inversées. Nous sommes toujours sur la tendance prévue initialement et nous continuons à tabler sur une rentabilité début 2003. Le volume moyen par transaction augmente au fur et à mesure que les produits qui transitent par la plate-forme sont plus sophistiqués. Nous avons commencé avec des choses très simples : les fournitures de bureau. Aujourd'hui, nous sommes capables de faire des appels d'offres et des enchères pour des produits comme l'huile, la viande, le sucre. Des choses qui sont beaucoup plus stratégiques.

Tous vos actionnaires sont clients de CPG Market. Comment voyez-vous évoluer cette situation ?
Pour l'instant nous avons 28 clients-actionnaires. Parmi eux, 25 sont des industriels. Cela représente déjà une certaine taille, sachant que dans les larges entités que sont nos actionnaires, chaque pays ou chaque business unit est un client différent. Cela représente un total de 508 acheteurs en ligne. Nous ne recherchons pas particulièrement de nouveaux investisseurs puisque nous avons une situation financière plutôt bonne. Nous souhaitons surtout à déployer tous nos outils au sein de nos grands investisseurs puisque nous savons que c'est de là que viendra la profitabilité de CPG Market et les économies pour nos clients. Nous nous sommes aussi posés la question de l'intégration de nouveaux clients qui ne seraient pas investisseurs. En fait, nous avons déjà fait des opérations pilotes avec des clients non actionnaires et nous sommes actuellement approchés par plusieurs groupes dans ce sens. Mais ce sont nos investisseurs qui restent prioritaires.

Comment se passe la cohabitation entre vos différents clients qui sont aussi parfois concurrents ?
La cohabitation est très simple à gérer, à la grande surprise de tout le monde, y compris des acteurs eux-mêmes. En fait, il n'y a rien de secret qui soit mis en commun dans la place de marché. Ce sont plutôt des "best practices", l'amélioration des processus en amont, le passage d'un mode relationnel classique à un mode collaboratif dans la relation avec les fournisseurs. CPG Market assure aussi la confidentialité des informations traitées par chacun. Les clients ne peuvent pas voir les appels d'offre et les enchères lancées par leurs concurrents. Et puis les objectifs de nos actionnaires étaient vraiment de mettre en commun, de mutualiser l'investissement pour s'offrir cet outil. Et cela reste encore vrai aujourd'hui.

Combien de fournisseurs participent à CPG Market et quels sont les critères de sélection de ces fournisseurs ?
Nous avons environ 2 000 fournisseurs enregistrés sur notre plate-forme. Jusqu'à maintenant, la majorité d'entre eux a été amenée par nos clients mais nous commençons à voir arriver des fournisseurs qui prennent directement contact avec nous et demandent à figurer dans le moteur de recherche de la base fournisseurs de CPG Market. Certains sont déjà fournisseurs pour un des clients de la place de marché et souhaient apparaître sur le moteur pour être accessible à l'ensemble des acheteurs. Techniquement, la participation de nouveaux fournisseurs à notre service est très simple car il n'y a pas d'intégration technique à installer. Tout est en ligne.

Jusqu'il y a un an, la question technologique était encore dominante pour les places de marché. Ce cap est-il franchi ?
Au démarrage des places de marché, il y avait des incertitudes techniques, aussi bien côté place de marché que côté client parce qu'il a fallu upgrader les infrastructures. Aujourd'hui, nous sommes clairement passés à la phase d'utilisation de la place de marché, et à une utilisation récurrente. Au cours des six derniers mois, nous avons dépassé la phase pilote pour une utilisation quotidienne de l'outil. Cela s'est fait à mesure que nos clients ont constaté les gains de temps, les améliorations de processus et la transparence qu'offrait l'outil. Et puis les gains financiers ne sont pas négligeables. Ils se situent en moyenne entre 10 et 15 % et peuvent parfois monter jusqu'à 60 %. Cependant, nos efforts technologiques se poursuivent puisque nous travaillons maintenant à des problématiques d'intégration technique pour les outils d'e-procurement (les catalogues) et pour la Supply Chain (gestion en ligne des processus de la chaîne d'approvisionnement).

Comment analysez-vous le marché, notamment en ce qui concerne le clivage entre les places de marché verticales et horizontales ?
Une place de marché requiert des investissements en capitaux initiaux qui sont assez forts et des investissements permanents pour conserver une technologie de pointe. Le gros avantage des places de marché verticales, quand les actionnaires s'entendent bien et qu'il y a une bonne corporate governance, ce qui est notre cas, c'est que nos actionnaires sont nos clients. Et que nos très gros actionnaires sont de très gros clients. Il y a une capacité à amortir et à rentabiliser qui est là. En échange de cela, nous devons développer des services à valeur ajoutée parce que nos actionnaires ne nous soutiendront pas financièrement si nous ne leurs proposons pas des gains en processus et des gains financiers intéressants. Pour ce qui est des places de marché horizontales, c'est effectivement beaucoup plus dur parce qu'il n'y a pas l'actionnariat, et donc la population cliente, qui vient naturellement à vous. Les horizontales résisteront si elles sont sur un marché de niche qui est très porteur et très spécifique et qu'elles offrent un service à vraie valeur ajoutée. Il faut aussi qu'elles arrivent à se mettre dans le giron des grandes verticales, à créer des alliances.

Qu'est-ce que vous aimez particulièrement sur internet ?
Je trouve que Internet est assez imparfait, en fait. Mais les services bancaires sur le Web sont un domaine qui est assez avancé depuis quelques années. Personnellement, je ne vais plus dans une agence depuis des années. Cela me fait gagner du temps et puis ça me permet d'y accéder à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. J'utilise les services de banque en ligne de CitiBank dont j'ai aidé à monter une partie du projet et que donc je connais assez bien. Mais je le fais aussi avec une banque traditionnelle.

A contrario, qu'est-ce que vous n'aimez pas sur Internet ?
Je n'aime pas les déconnexions intempestives, la publicité outrageuse et le côté aguicheur d'Internet.

Quel est votre site préféré ?
J'aime bien le site de Dilbert. Je trouve qu'il y a des choses assez drôles et qui sont assez vraies sur nos métiers.

 
Propos recueillis par Florence Santrot

PARCOURS
 

Titulaire d'un diplôme de Commerce international et d'un Master of Business Administration de l'Université de Chicago, Marie-Pierre Rogers a débuté sa carrière chez DHL Worldwide Express en tant que "Airport Operations Manager", puis comme directeur pour le secteur Paris. Elle a ensuite rejoint TNT Express en tant que Directeur des opérations nationales et internationales. De 1992 à 1997, elle intègre Federal Express, où elle devient vice-présidente pour l'Europe du Sud. En 1998, elle rejoint Citibank en tant que Head of Operations and Technology pour la région Europe, Moyen-Orient, Afrique. En 2000, Marie-Pierre Rogers rejoint le groupe Danone en tant que Vice President Internet Business Initiatives. Elle est notamment chargée de développer la stratégie Internet du groupe en matière de e-marketing, ainsi que de piloter la participation de Danone dans la place de marché CPGmarket.com. Marie-Pierre Rogers a été nommée Chief Executive Officer de CPGmarket.com en décembre 2000.

Sur CPG Market. Le montant total des investissements consacrés à CPG Market s'élève à 110 millions d'euros (80 millions à l'origine puis un nouvel apport en capital de 30 millions). CPG Market a choisi un type de rémunération fixe annuelle selon le nombre d'événements (appels d'offres) mis en place par les clients ce qui permet d'encourager la croissance des volumes échangés et des montants des appels d'offre et enchères, qui pourraient être freinés dans le cas d'un commissionnement. Parmi les produits échangés sur la place de marché, on distingue de l'emballage, des services (contrat d'électricité, de télécommunication), des matières premières (sucre, fruits, huiles), du matériel informatique et du matériel de bureau. CPG Market compte une soixantaine de salariés auxquels s'ajoute une trentaine de consultants.


   
 
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