JDNet. Un an après
avoir mené des acquisitions tambour battant, où en est le
chantier d'intégration des nouvelles entités comme Belgacom
France ou 9 Telecom ?
Serge Schoen. C'est un chantier que nous avons
achevé. Chaque entité dispose désormais de son propre
métier. Les actifs ont été
fusionnés, les équipes regroupées et le management
repositionné. Mais notre oganisation laisse une très grande
indépendance à chacun de nos pôles : nous ne
voulons pas que LDCom devienne une structure sclérosée. Nous voulons rester
réactifs.
La
fusion technique des différents réseaux télécoms
que vous avez récupérés a-t-elle été
douloureuse ?
Nous avons vécu des nuits très courtes
l'année dernière. Il nous fallait intégrer
des réseaux et des équipements hétérogènes
et disparates. Mais aujourd'hui tout est bouclé.
Que représente
désormais le groupe LDCom consolidé ?
Notre groupe compte 2 000 salariés. Nous
avons réalisé en 2002 un chiffre d'affaires de 550 millions
d'euros et nous avons dégagé un Ebitda positif. C'est un
tour de force : les entités que nous avons rachetées
dégageaient en cumulé des pertes de près de 20 millions
d'euros par mois. Cette année, nous tablons sur un chiffre d'affaires
d'environ un milliard d'euros.
En novembre dernier,
9 Online a lancé une offre ADSL dégroupée. Quels
objectifs poursuivez-vous en vous attaquant à ce marché ?
Nous avons deux objectifs avec notre offre ADSL dégroupée.
Premièrement démontrer aux FAI alternatifs, et aux acteurs
intéressés par un positionnement sur le marché de
l'accès, que le concept de dégroupage est désormais
viable. Deuxièmement, démontrer que le haut débit
est valable si, et seulement si, les opérateurs font l'effort d'offrir
du 1 Mbt/s à un prix accessible. Faire croire que de l'ADSL à
128 Kbt/s est du haut débit décrédibilise le haut
débit. C'est à partir de 1 Mbt/s qu'il est possible de soutenir
de nouveaux développements multimédias sur Internet.
Votre offre ADSL dégroupée
n'est donc qu'une vitrine pour votre métier de vente de services
et de trafic auprès des opérateurs et FAI...
C'est une vitrine, mais cela ne nous empêche pas
de poursuivre des objectifs commerciaux. Notre offre ADSL compte à
ce jour près de 10 000 abonnés, dont 5 000 en
dégroupé. D'ici la
fin de l'année nous espérons nous situer entre 50 000
et 100 000 abonnés ADSL. S'y ajoutent, aujourd'hui, les 120 000
clients à l'offre RTC de 9 Online, ce qui forme en tout un
million de clients grand public. Mises bout à bout, toutes ces
offres devraient nous permettre d'atteindre les 2 millions de clients
d'ici quinze à dix-huit mois.
La Poste vient d'annoncer
le lancement de ses offres d'accès Internet. Des offres qui sont
techniquement opérées par LDCom. Cherchez-vous à
séduire cette clientèle
de FAI entrants avec le dégroupage ?
Tout à fait, et dans les mois qui viennent nous
allons multiplier ce type d'annonces avec les signatures de plusieurs
clients FAI. Des FAI qui seront des nouveaux entrants en France.
Qui seront ces nouveaux
clients FAI ?
Il y a trois types d'acteurs aujourd'hui intéressés
par une entrée sur le marché de l'accès : les
acteurs qui disposent d'une large clientèle, les acteurs qui disposent
d'une marque et les acteurs qui disposent de contenu. Autrement dit, ces
nouveaux FAI pourront être aussi
bien des groupes de grande distribution
que des groupes médias.
Début février,
le JDN indiquait dans ses confidentiels
que Yahoo avait signé un accord avec LDCom pour lancer son offre
d'accès en France. Qu'en est-il ?
Désolé, mais je ne fais aucun commentaires
sur ce sujet.
Le contrat qui liait
PPR à 9 Online pour la distribution de kits d'accès
a été abandonné l'année dernière. PPR
a depuis signé des accords avec AOL et Club-Internet. Pourquoi
ce revirement ?
L'accord de distribution remonte à novembre 2000.
A l'époque, PPR avait cédé son FAI Magéos
à 9 Telecom, alors détenu
par Telecom Italia. Puis LDCom a racheté
9 Telecom. L'arrêt de cet
accord de distribution s'explique essentiellement par ces mouvements capitalistiques.
Mais nous sommes loin d'être perdants dans cette affaire :
les deux FAI distribués par PPR s'appuient en partie sur le réseau
LDCom.
Pronez-vous le haut
débit à 1 Mbt/s pour favoriser des initiatives comme DreamTV,
l'offre pilote de TV sur ADSL lancée en début d'année
par TF1 et dont vous êtes le FAI ?
L'arrivée de la télévision sur ADSL
fait partie des développements naturels dès que les débits
proposés le permettent. Nous suivons attentivement ce marché
qui va permettre à terme aux FAI de se positionner comme des nouveaux
câblo-opérateurs. Mais faut-il encore trouver les bons modèles
économiques et le bon timing en matière de lancement.
Estimez-vous que le
paysage français des télécoms est désormais
favorable à la concurrence ?
Le cadre réglementaire a évolué
et permet aujourd'hui à des nouveaux acteurs, comme LDCom, de se
positionner. Maintenant, dans les faits, France Télécom
défend son pré carré. On ne peut pas dire que le
marché de l'ADSL, avec quelques milliers de ligne dégroupées
contre plus d'un million de lignes France Télécom, soit
passé sous le régime de la concurrence. Il faut certes du
temps, mais il faut également que l'opérateur historique
joue le jeu. Au début du dégroupage, France Télécom
nous faisait patienter six semaines pour que nos équipes reçoivent
leurs badges afin d'accéder aux salles de colocalisation où
est opéré le câblage. Il y a dix jours, France Télécom
nous a prévenu qu'en raison des vacances de février et d'effectifs
réduits, il ne pouvait pas nous servir sur les demandes de dégroupage.
Au quotidien, la concurrence est encore faussée.
S'agit-il, selon vous,
d'une situation strictement française ?
La France affiche un retard certain en matière
d'ouverture à la concurrence sur les télécoms. Mais
il est remarquable de noter que cette mutation se fait en douceur, sans
qu'il n'y ait un gros crash dans les télécoms.
Siris,
la filiale française de Deutsche Telekom, cherche malgré tout un
repreneur depuis des mois. Etudiez-vous le dossier ?
Désolé, mais
je ne fais également aucun commentaires sur ce sujet.
Où en sont les
activités de boucle locale radio (BLR) chez LDCom ?
La BLR fait partie des différentes technologies
d'accès que nous proposons aux entreprises. Elle nous permet notamment
de compléter les trous de la couverture ADSL au plan national et
d'offrir des débits élevés. Aujourd'hui, nous avons
1 500 points en activité.
La BLR ne risque-t-elle
pas de se retrouver dans l'ombre du Wi-Fi ?
Plusieurs technologies d'accès peuvent cohabiter
sur le marché, selon les besoins des clients finaux. Concernant
le Wi-Fi, nous sommes davantage intéressés par les applications
"in house", c'est-à-dire un point d'accès domestique
couplé à une offre ADSL. Pour le "outdoor", c'est-à-dire
les hotspots, nous sommes moins engagés, même si nous préparons,
évidemment, notre propre programme d'expérimentation.
LDCom dispose d'une
forte implantation sur le marché entreprises. Que représente
aujourd'hui ce métier ?
En cumulant l'ensemble de nos activités, notre
portefeuille compte à ce jour 60 000 entreprises clientes.
L'hébergement de services représente un quart de notre chiffre
d'affaires. LDCom fait partie des principaux acteurs sur ce marché
qui a connu une très forte concentration. Cette concentration implique
d'ailleurs une nouvelle carte de l'Internet en France, le trafic ayant
lui aussi tendance à se concentrer sur quelques points physiques.
Quelles sont les relations
entre Louis Dreyfus et LDCom ?
Louis Dreyfus détient 42 % du capital de LDCom.
Le groupe, qui dispose d'une histoire de 150 ans, nous apporte de la pérennité
et une vision sur la durée. Robert Louis-Dreyfus est également
très présent et dispose d'un bureau dans nos locaux. Il
nous apporte du pragmatisme et nous permet de nous focaliser sur les fondamentaux,
dans un univers où l'on peut très vite être entièrement
absorbé par les développements technologiques.
Qu'est-ce que vous
appréciez le plus sur Internet ?
Le fait de ne
m'être pas rendu à ma banque
depuis deux ans ! Sinon, culture du groupe oblige, le site de l'OM
fait partie de mes favoris.
Et ce que vous détestez
le plus ?
La face sombre du Net, c'est-à-dire les attaques
et le spam.