Hervé Soymié (Conseil
supérieur de la télématique) :
"Les plaintes autour de services Internet/Audiotel sont de plus en plus
courantes"
Par le Journal
du Net (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/itws/it_soymie.shtml
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12 janvier 2004
Les services Internet ont de plus en plus recours
aux numéros surtaxés (comme l'Audiotel) ou au kiosque micro.
Un domaine dont la régulation est exercée par le Conseil supérieur
de la télématique (CST) et l'un de ses branches, le Comité de la télématique
anonyme (CTA). Depuis juin 2002, le rôle du CST s'est étendu
au dispositif SMS +. En novembre 2003, le CST a émis de nouvelles
recommandations concernant les éditeurs de contenu et de services
sur Internet. Hervé Soymié, secrétaire général
du CST, revient sur les moyens d'encadrer les services mixant Internet et
Audiotel et de prévenir les dérapages.
Propos recueillis par Philippe Guerrier le 12/01/2004
JDN. Quelles nouveautés
apportent les recommandations du CST relatives aux contenus sur Internet
?
Hervé Soymié. Le CST a pris
acte de l'utilisation par les éditeurs de sites Internet de services
avec des numéros surtaxés et kiosques micro. Ces services
peuvent être utilisés comme moyen de rémunération
pour des contenus, ce qui peut se révéler intéressant
pour les webmasters. C'est une démarche pragmatique destinée
à généraliser les recommandations déontologiques
liées aux contrats Audiotel et kiosques de France Télécom
à l'ensemble des fournisseurs français de solutions similaires.
Nous sommes partis de l'existant avec l'opérateur national, qui
détenait auparavant un monopole, et nous avons étendu les
dispositions aux nouveaux opérateurs de téléphones
fixes et mobiles qui sont entrés depuis 2002 au CST. Nous avons
validé le cadre déontologique des contrats kiosques d'une
dizaine d'opérateurs alternatifs qui développent des kiosques
autres que ceux émanant de France Télécom.
L'opérateur national reste notre
interlocuteur principal sur le marché des numéros surtaxés
et des kiosques micro.
Concrètement,
de quelle manière les sites Internet peuvent-ils exploiter des
services Audiotel et kiosque micro ?
L'ensemble des nouvelles dispositions concernant le contenu
sur Internet figurent dans l'annexe 2 des nouvelles recommandations déontologiques
relatives aux services télématiques en date du 6 novembre. Il y a un parallélisme
du champ des possibles en terme d'exploitation et des obligations. Les
sites Internet peuvent exploiter les mêmes contenus que sur un serveur
Audiotel ou accès équivalents.
A contrario, quelles sont les interdictions
?
Essentiellement la pornographie, les jeux avec espérance
de gains et les services destinés aux enfants et les jeunes.
Pour quels tarifs d'accès du côté
du consommateur ?
Dans les nouvelles recommandations, on a pris acte d'un accès forfaitisé
pour des paiements à l'acte. Ce qui revient à faire payer
l'accès via Audiotel à un contenu Internet pour un montant
forfaitisé d'1,69 euro TTC pour une communication d'une durée
d'une minute maximum [NDLR : sachant que le prix global de communication
peut comprendre une partie forfait + une partie durée]. Dans
tous les cas, la communication ne peut pas dépasser 15 euros. On
s'est aperçu que ce type d'accès forfaitisé par le
biais d'un service Audiotel est moins dangereux pour le portefeuille des
consommateurs qu'un service kiosque micro proposant un kit de connexion
avec des taux souvent élevés de communication. Ce dernier
cas pose moins de problèmes depuis que France Télécom
a supprimé les tarifs les plus élevés.
La jurisprudence
du CTA est intéressante à décortiquer en matière
de sites Internet. Pourquoi trois services Audiotel liés à
des sites immobiliers ont-ils été suspendus pour trois mois
en décembre dernier ?
Ces services en ligne immobiliers aboutissaient à
la consultation annonce par annonce par le biais d'un numéro Audiotel.
En clair, le consommateur devait débourser 1,69 euro pour consulter
une seule annonce. Cela revient cher pour une recherche immobilière.
Compte tenu de l'ergonomie de ces services, même le nouveau cadre
des recommandation du CST en matière de contenus sur Internet ne
conviendrait pas à ce type d'exploitation. Dans le respect des
nouvelles dispositions, le CST autoriserait l'exploitation de ses services
Audiotel à partir du moment où le forfait d'1,69 euro permet
la consultation des annonces de manière globale et complète.
Quel est le cadre d'exploitation des jeux Audiotel
à partir des sites Internet ?
Tous les jeux sont autorisés. Par exemple, les sites
Internet peuvent autoriser les jeux en téléchargement à
partir d'un numéro Audiotel. Seuls les jeux avec espérance
de gains (comme les loteries) sont interdits.
Pourtant, cette dernière catégorie
de jeux ne manque pas sur Internet...
Il y en a malheureusement beaucoup. Mais c'est contraire
à nos recommandations déontologiques.
Comment gérez-vous les demandes d'intervention
portant sur les services pornographiques, un secteur qui est exclu du
cadre déontologique ?
Le CST/CTA peut émettre des avis et des recommandations,
mais nous ne disposons d'aucun pouvoir de sanctions. Cela dépend
de la responsabilité de l'opérateur qui doit effectuer un
contrôle sur la manière dont les numéros Audiotel
sont exploités. De notre côté, les dossiers sont envoyés
au procureur de la République parce qu'ils tombent sous le coup
de l'article L.227-24 du code pénal (messages à caractère
violent ou pornographique susceptible d'être vus par des mineurs).
Ensuite, la justice prend le relais pour enquêter.
Pour déposer une réclamation,
quelles sont les modalités de saisine du CST/CTA ?
Il n'existe pas d'auto-saisine du CTA. Le texte de création
du CST/CTA n'a pas prévu cette possibilité. En revanche,
les opérateurs télécoms (fixes et mobiles), les associations
de consommateurs et même les particuliers peuvent nous saisir directement.
Des organismes représentatifs comme l'Aforst, l'Afom
ou l'Afutt et UFC sont représentés au sein du CST. Nous
constatons avec regret une diminution du nombre de saisines en provenance
des opérateurs. Un phénomène qui s'explique en partie
par la concurrence accrue entre eux. Pour les particuliers, il suffit
d'envoyer un courrier ou un mail adressé directement au président
du CST. Celui-ci examine si la réclamation est fondée ou
non. Si l'objet de la réclamation lui paraît clairement établi,
il transmet le dossier litigieux au CTA. Après la parution d'un
avis du CTA, c'est à l'opérateur télécom qui
a passé le contrat avec le fournisseur de services Internet de
prendre le relais pour régulariser la situation. Dans 90% des cas,
nos recommandations sont suivies par France Télécom.
Combien d'avis a émis le CTA pour les
services Internet en 2003 ?
Nous avons rendu un total de 250 avis, tous services confondus.
Une douzaine concernaient le kiosque micro. Pour la partie Audiotel, il
y a eu une centaine d'avis rendus mais je ne peux pas vous dire la proportion
de services Internet liés à un accès Audiotel. Mais
on ne peut pas nier que les réclamations concernant Audiotel et
Internet deviennent de plus en plus courantes. Alors que la France est
encore épargnée par le phénomène de dialers
(kit de connexions), très développé au Royaume-Uni.
Des fournisseurs
de solutions de paiement Audiotel (AlloPass ou Magikbiz par exemple) sont
régulièrement épinglés dans les avis du CTA.
Comment parviennent-ils à poursuivre leurs activités sans
être réellement inquiétés ?
Ils recoivent des pénalités financières
de la part de l'opérateur. Celui-ci peut prélever une compensation
sur les reversements dûs aux fournisseurs de solutions de kiosque
micro pour le volume de consommation de télécommunication
écoulée. En cas de récidive, les périodes
de suspension peuvent être plus longues. Pour les abus graves, il
existe des dispositions contractuelles qui permettent aux opérateurs
de résilier un contrat avec un fournisseur de solutions type numéros
surtaxés ou kiosque micro. Mais il existe des tactiques d'esquive
: certains fournisseurs de services incriminés achètent
un stock conséquent de numéros aux opérateurs. Si
un numéro tombe, un autre de réserve prend la place. Il
arrive fréquemment que l'objet initial du service soit complétement
dévié au bout du compte. Il est dommage de voir une batterie
de services Internet proposant des services de logos et sonnerie ou de
conventions collectives qui semblent irréprochables sur le papier
mais qui donnent finalement accès à des contenus pornographiques.
Dans les avis rendus
par le CTA, pourquoi les noms des fournisseurs de serveurs vocaux ou de
kiosques micro sont-ils occultés ?
Les activités d'édition d'un service Internet
et de fournisseur d'un service Audiotel peuvent être distinctes.
Dans un avis, nous pouvons révéler le code de services (numéro
Audiotel par exemple), le nom de l'éditeur du site Internet voire
la marque de la solution technique Audiotel ou kiosque micro utilisée.
Mais nous ne divulguons pas le nom des sociétés qui fournissent
les services de communication Audiotel. C'est un choix qui date du décret
fondateur du CST/CTA en 1993. A l'origine, le système a été
conçu pour répondre à deux objectifs : protéger
les fournisseurs de services Audiotel contre un supposé arbitraire
de l'opérateur qui détenait à l'époque une
position monopolistique, France Télécom en l'occurence,
et pérenniser le marché. Dans les textes, cela demeure toujours
l'objet du CST/CTA. C'est peut-être une limite maintenant.
Mixte Internet et Audiotel : quelques dérapages
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Entre octobre et décembre 2003, le Comité de la télématique
anonyme (CTA) a émis plusieurs avis favorable de suspension
de trois mois concernant le domaine de l'immobilier en ligne. Immostreet.com,
SeLoger.fr et LeSiteImmobilier.com ont été pointés
du doigt pour avoir lancé des services Audiotel litigieux qui
permettaient aux internautes d'obtenir les seules coordonnées
de l'annonceur. Une exploitation qui ne respecte pas les recommandations
déontologiques du CTA : les services doivent permettre la consultation
d'une liste d'annonces "précises et complètes"
(hors emploi et rencontres entre personnes). Sur le volet des jeux,
le CTA a émis un avis favorable à la résiliation
des services Audiotel des sites Cinejeux.com, Bingopoly.fr et LePratique.fr
au motif de "diffusion de codes destinés à rétribuer
un service de jeux". |
Hervé Soymié, 46
ans, titulaire d'une maîtrise de droit (1979) et d'un DESS de gestion de
télécom (Dauphine 1988), est le secrétaire du Conseil supérieur de la télématique
depuis 1993.
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