JDNet. Sept introductions
de sociétés technologiques sur le Marché Libre depuis
le début de l'année, seulement deux sur le Nouveau Marché.
Le Marché Libre joue-t-il désormais le rôle du Nouveau
Marché ?
Rémy Thannberger.
C'est évident. La position du Nouveau
Marché n'est pas tenable à long terme. En théorie
vous pouvez vous introduire sur ce compartiement en procédant à
une augmentation de capital de 10 millions de francs mais aucune banque
n'accepte de travailler pour ce prix là. Le tarif est donc désormais
de 10 millions d'euros ce qui écarte trop d'entreprises de la course.
Par ailleurs les investisseurs ont le sentiment d'avoir été
floués par les introductions sur ce compartiment l'an dernier.
Les gens en ont marre des hold-up où l'on donne 300 millions de
francs dès l'intro à des gamins et où les cours s'effondrent
ensuite. Cette politique du chèque en blanc est révolue
à notre sens. Sur le Marché Libre on commence petit, mais
les cours disposent d'un potentiel de hausse. Rien à voir avec
le Nouveau Marché sur lequel les banques ne se soucient guère
du cours de Bourse futur.
Vous pensez que les
grandes banques introductrices sont les principales responsables de la
période mouvementée que traverse le Nouveau Marché ?
Oui ! Regardez certaines introductions l'an dernier qui ont permis
aux banques d'engranger de copieux bénéfices. Le phénomène
en 2000 n'est d'ailleurs pas nouveau. On avait déjà eu le
même en 1997 ou une mini-bulle s'était formée sur
certaines valeurs du Nouveau Marché comme Infonie. Dès qu'il
y a emballement, les banques se précipitent pour réaliser
des augmentations de capital. Tout le problème vient du changement
de domaine d'intervention des banques. Auparavant elles étaient
cantonnées dans les prêts aux entreprises. Désormais
elles interviennent massivement sur le marché des capitaux. Comme
elles prélèvent des commissions sur les levée de
fonds, elles ont intérêt à gonfler au maximum la valorisation
lors de l'introduction en Bourse, ce qui a pour effet d'emballer la machine
financière. Nous considérons pour notre part que les investisseurs
doivent déjà avoir gagné de l'argent avant de souscrire
à une augmentation de capital. Il est donc préférable
pour une société de s'inscrire, grâce à une
cession de titres sur le Marché Libre. Si le business de la société
fonctionne, le titre montera, les investisseurs gagneront de l'argent
et ensuite vous pourrez procéder à une augmentation de capital
dans de bonnes conditions. C'est l'approche par le bas et une montée
du cours qui va crescendo.
Selon les investisseurs,
le Marché Libre présente tout de même des défauts.
Tout d'abord le fait qu'il soit considéré comme non réglementé
?
C'est une erreur. Les conditions d'entrée sur le Marché
Libre sont autant voir plus sévères que sur le Nouveau Marché.
Il n'y a qu''à voir l'épaisseur des dossiers présentés
lors d'une inscription. Les autorités de marché font d'ailleurs
tout pour durcir toujours plus les règles sur le Marché
Libre. Ce faisant, elles le crédibilisent chaque jour un peu plus.
Ensuite il y a le
problème du manque de liquidités sur les titres de la cote
?
C'est faux pour les grandes valeurs. Regardez une société
comme Multimedia
Network Computer (inscrite sur le Marché Libre au mois d'avril
2001, NDLR). Cette valeur est en ce moment plus échangée
que la plupart des titres du Nouveau Marché. Par ailleurs, il faudrait
changer la règle et ne plus raisonner en terme de volume d'échanges
mais en nombre d'actionnaires intervenant sur une société.
Vaut-il mieux 2 joueurs qui s'échangent 100.000 titres que 10 qui
en échangent 20.000 ? Je penche pour la deuxième solution.
Vous remarquerez qu'aucune société du Nouveau Marché
ne donne le nombre d'investisseurs particuliers présents dans son
capital. L'élément ne serait pourtant pas forcément
défavorable aux valeurs du Marché Libre. Des sociétés
comme Groupe Cyber ou Telemedia.fr
ont par exemple plus de 10.000 actionnaires particuliers, c'est énorme.
Le problème est que le Nouveau Marché ne s'apparente plus
à de la Bourse pour certaines valeurs mais plus à du capital
développement entre gros investisseurs institutionnels.
Enfin, dernier problème,le
peu de communication des sociétés cotées sur ce compartiment
puisque la règle oblige seulement à publier ses résultats
annuels ?
C'est exact mais nous pensons, en
préambule, que moins les entrepreneurs s'expriment, mieux c'est.
Gérer une société est déjà difficile
surtout quand elle est jeune. Si en plus l'entrepreneur a la pression
des résultats trimestriels, cela devient infernal. La transparence
est un trompe l'oeil sur le Nouveau Marché. Cela n'a pas empêché
les titres de s'effondrer au cours de l'année passée. Par
ailleurs dans les cas graves, comme un dépôt de bilan par
exemple, les sociétés du Marché Libre ont le même
impératif que celle du Nouveau Marché. Il faut donc que
les gens changent de mentalités. Le Marché Libre n'est plus
le Far-West que l'on a connu. La communication s'est ainsi largement améliorée
en même temps que la qualité des entreprises.
A l'heure actuelle,
assistez-vous à une augmentation du nombre de sociétés
souhaitant s'inscrire sur le Marché Libre et avez-vous des critères
précis de sélection?
Chez EFI nous ne constatons pas vraiment
d'augmentation même si il est clair que cette année encore
le Marché Libre accueillera plus de sociétés que
le Nouveau Marché. En revanche, nous voyons de plus en plus d'entreprises
européennes, notamment en Allemagne, qui souhaitent venir sur ce
compartiment unique en Europe. Elles en ont assez des critères
excessifs sur les marchés réglementés comme le Neuer
Mark ou le Nouveau Marché fixés en réalité
par les banques américaines. En ce qui concerne les critères
il est difficile d'en fixer car justement le Marché Libre n'en
a pas. Cela relève plus de l'auto-discipline. La personnalité
des entrepreneurs est importante par exemple. Nous avons également
du mal à inscrire une société qui ne réalise
pas ou peu de chiffre d'affaires comme un certain nombre du Nouveau Marché.
Nous préférons également qu'elle ait prouvé
sa capacité à dégager des bénéfices,
même si nous sommes plus indulgents sur ce point là. Pour
les modalités nous privilégions une cession de titres et
une période d'acclimatation. Si ensuite tout se passe bien, on
procède à une augmentation de capital au bout de six mois,
voire à un transfert simultané sur un marché réglementé.
Vous avez déjà
procédé à neuf inscriptions sur le Marché
Libre depuis le début de l'année. Est-ce que trop d'inscriptions
ne vont pas tuer ce marché que vous dîtes en pleine croissance
?
L'excès par le nombre n'est
pas à craindre. Il n'y a d'ailleurs pas de surenchères sur
les modalités et c'est cela le plus important. Quand les investisseurs
gagnent de l'argent sur les inscriptions et qu'ils estiment ne pas avoir
été floués ils en redemandent. Pour l'instant c'est
le cas.