INTERVIEW
 
Président du directoire
Europe Finance et Industrie
Rémy Thannberger
"Titre"

Europe Finance et Industrie (EFI) est une société pionnière en France dans les opérations d'introduction en Bourse notamment sur le Marché Libre de la Bourse de Paris. EFI, qui a déjà conduit neuf opérations sur ce compartiment depuis le début de l'année 2001, s'apprête dans les semaines qui viennent à réaliser huit introductions supplémentaires, dont celle du marchand en ligne Nomatica. Présidée par le volubile et souvent provocant Louis Thannberger, la société a réalisé 46 introductions en Bourse en 2000 pour un chiffre d'affaires de 83 millions de francs. Rémy Thannberger, président du directoire d'EFI, détaille sa méthode et affirme sa croyance dans l'avenir du Marché Libre, un compartiment souvent décrié et qui vit à première vue dans l'ombre du Nouveau Marché.

25 mai 2001
 
          

JDNet. Sept introductions de sociétés technologiques sur le Marché Libre depuis le début de l'année, seulement deux sur le Nouveau Marché. Le Marché Libre joue-t-il désormais le rôle du Nouveau Marché ?
Rémy Thannberger. C'est évident. La position du Nouveau Marché n'est pas tenable à long terme. En théorie vous pouvez vous introduire sur ce compartiement en procédant à une augmentation de capital de 10 millions de francs mais aucune banque n'accepte de travailler pour ce prix là. Le tarif est donc désormais de 10 millions d'euros ce qui écarte trop d'entreprises de la course. Par ailleurs les investisseurs ont le sentiment d'avoir été floués par les introductions sur ce compartiment l'an dernier. Les gens en ont marre des hold-up où l'on donne 300 millions de francs dès l'intro à des gamins et où les cours s'effondrent ensuite. Cette politique du chèque en blanc est révolue à notre sens. Sur le Marché Libre on commence petit, mais les cours disposent d'un potentiel de hausse. Rien à voir avec le Nouveau Marché sur lequel les banques ne se soucient guère du cours de Bourse futur.

Vous pensez que les grandes banques introductrices sont les principales responsables de la période mouvementée que traverse le Nouveau Marché ?
Oui ! Regardez certaines introductions l'an dernier qui ont permis aux banques d'engranger de copieux bénéfices. Le phénomène en 2000 n'est d'ailleurs pas nouveau. On avait déjà eu le même en 1997 ou une mini-bulle s'était formée sur certaines valeurs du Nouveau Marché comme Infonie. Dès qu'il y a emballement, les banques se précipitent pour réaliser des augmentations de capital. Tout le problème vient du changement de domaine d'intervention des banques. Auparavant elles étaient cantonnées dans les prêts aux entreprises. Désormais elles interviennent massivement sur le marché des capitaux. Comme elles prélèvent des commissions sur les levée de fonds, elles ont intérêt à gonfler au maximum la valorisation lors de l'introduction en Bourse, ce qui a pour effet d'emballer la machine financière. Nous considérons pour notre part que les investisseurs doivent déjà avoir gagné de l'argent avant de souscrire à une augmentation de capital. Il est donc préférable pour une société de s'inscrire, grâce à une cession de titres sur le Marché Libre. Si le business de la société fonctionne, le titre montera, les investisseurs gagneront de l'argent et ensuite vous pourrez procéder à une augmentation de capital dans de bonnes conditions. C'est l'approche par le bas et une montée du cours qui va crescendo.

Selon les investisseurs, le Marché Libre présente tout de même des défauts. Tout d'abord le fait qu'il soit considéré comme non réglementé ?
C'est une erreur. Les conditions d'entrée sur le Marché Libre sont autant voir plus sévères que sur le Nouveau Marché. Il n'y a qu''à voir l'épaisseur des dossiers présentés lors d'une inscription. Les autorités de marché font d'ailleurs tout pour durcir toujours plus les règles sur le Marché Libre. Ce faisant, elles le crédibilisent chaque jour un peu plus.

Ensuite il y a le problème du manque de liquidités sur les titres de la cote ?
C'est faux pour les grandes valeurs. Regardez une société comme Multimedia Network Computer (inscrite sur le Marché Libre au mois d'avril 2001, NDLR). Cette valeur est en ce moment plus échangée que la plupart des titres du Nouveau Marché. Par ailleurs, il faudrait changer la règle et ne plus raisonner en terme de volume d'échanges mais en nombre d'actionnaires intervenant sur une société. Vaut-il mieux 2 joueurs qui s'échangent 100.000 titres que 10 qui en échangent 20.000 ? Je penche pour la deuxième solution. Vous remarquerez qu'aucune société du Nouveau Marché ne donne le nombre d'investisseurs particuliers présents dans son capital. L'élément ne serait pourtant pas forcément défavorable aux valeurs du Marché Libre. Des sociétés comme Groupe Cyber ou Telemedia.fr ont par exemple plus de 10.000 actionnaires particuliers, c'est énorme. Le problème est que le Nouveau Marché ne s'apparente plus à de la Bourse pour certaines valeurs mais plus à du capital développement entre gros investisseurs institutionnels.

Enfin, dernier problème,le peu de communication des sociétés cotées sur ce compartiment puisque la règle oblige seulement à publier ses résultats annuels ?
C'est exact mais nous pensons, en préambule, que moins les entrepreneurs s'expriment, mieux c'est. Gérer une société est déjà difficile surtout quand elle est jeune. Si en plus l'entrepreneur a la pression des résultats trimestriels, cela devient infernal. La transparence est un trompe l'oeil sur le Nouveau Marché. Cela n'a pas empêché les titres de s'effondrer au cours de l'année passée. Par ailleurs dans les cas graves, comme un dépôt de bilan par exemple, les sociétés du Marché Libre ont le même impératif que celle du Nouveau Marché. Il faut donc que les gens changent de mentalités. Le Marché Libre n'est plus le Far-West que l'on a connu. La communication s'est ainsi largement améliorée en même temps que la qualité des entreprises.

A l'heure actuelle, assistez-vous à une augmentation du nombre de sociétés souhaitant s'inscrire sur le Marché Libre et avez-vous des critères précis de sélection?
Chez EFI nous ne constatons pas vraiment d'augmentation même si il est clair que cette année encore le Marché Libre accueillera plus de sociétés que le Nouveau Marché. En revanche, nous voyons de plus en plus d'entreprises européennes, notamment en Allemagne, qui souhaitent venir sur ce compartiment unique en Europe. Elles en ont assez des critères excessifs sur les marchés réglementés comme le Neuer Mark ou le Nouveau Marché fixés en réalité par les banques américaines. En ce qui concerne les critères il est difficile d'en fixer car justement le Marché Libre n'en a pas. Cela relève plus de l'auto-discipline. La personnalité des entrepreneurs est importante par exemple. Nous avons également du mal à inscrire une société qui ne réalise pas ou peu de chiffre d'affaires comme un certain nombre du Nouveau Marché. Nous préférons également qu'elle ait prouvé sa capacité à dégager des bénéfices, même si nous sommes plus indulgents sur ce point là. Pour les modalités nous privilégions une cession de titres et une période d'acclimatation. Si ensuite tout se passe bien, on procède à une augmentation de capital au bout de six mois, voire à un transfert simultané sur un marché réglementé.

Vous avez déjà procédé à neuf inscriptions sur le Marché Libre depuis le début de l'année. Est-ce que trop d'inscriptions ne vont pas tuer ce marché que vous dîtes en pleine croissance ?
L'excès par le nombre n'est pas à craindre. Il n'y a d'ailleurs pas de surenchères sur les modalités et c'est cela le plus important. Quand les investisseurs gagnent de l'argent sur les inscriptions et qu'ils estiment ne pas avoir été floués ils en redemandent. Pour l'instant c'est le cas.

 
Propos recueillis par Jérôme Batteau

PARCOURS
 
Rémy Thannberger est avocat de formation. Inscrit au barreau de Lyon, Il a ensuite rejoint son père à la tête d'Europe Finance et Industrie.

   
 
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