JDN. Pourquoi Cita
a-t-il soutenu le dossier de reprise d'AlloCiné ?
François
Véron. C'est la qualité
du projet et du management qui a attiré notre attention. AlloCiné
est leader sur son secteur. En pages vues par mois, le site fait mieux
que ses concurrents sectoriels réunis. L'éqipe dirigeante
d'AlloCiné a constitué un beau projet de reprise sous forme
de buy out qui a motivé Cita Gestion. Nous ne communiquons pas
sur l'investissement, mais je peux vous dire qu'il est significatif pour
nous (lire à ce sujet l'encadré en
bas).
Quels sont vos nouveaux projets en matière
d'investissement ?
Nous allons participer au financement d'un nouveau hebdomadaire gratuit
sur les sports dont le premier numéro va sortir en octobre. C'est
de l'amorçage autour d'un projet innovant sur le secteur de la
presse qui est dynamique en termes de rendement et de risque. Depuis le
début de l'année, le ryhtme des opérations est assez
soutenu pour nous avec cinq projets dont 1001 Listes et La Toulousaine,
une société spécialisée dans les fermetures
de sécurité.
Que représente
les participations "nouvelles technologies" dans le portefeuille
global de Cita ?
Cela représente entre 20 et 30 % en nombre
de dossiers. En montant d'investissement, la hauteur est légérement
inférieure à cette fourchette.
Quelle sont vos critères pour sélectionner
un projet Internet ?
La qualité du projet et du management, la pertinence de la rencontre
développement d produit et marché. Prenons l'exemple de
Travelprice.com. Lorsque nous avons investi dans la société
fin 2001, elle n'était pas en équilibre. En revanche, le
modèle économique était extrêmement clair avec
un management solide et un tour de table de qualité. Certes, la
période pour investir dans l'e-tourisme n'était pas forcément
la meilleure, mais le secteur du voyage en ligne est promis à un
bel avenir.
Quels montants investissez-vous par dossier
?
C'est très large : entre 1 et 12 millions d'euros.
Pour le capital-risque, le montant se situe entre 1 et 3 millions d'euros.
Quel taux de rendement
interne affichez-vous sur vos participations Internet ?
Nous n'isolons pas les rendements par activité.
Internet n'est pas une classe de risque en tant que telle.
Ressentez-vous aujourd'hui
un regain d'intérêt de la part des investisseurs dans les
projets Internet ?
Le secteur de l'Internet, en particulier le commerce électronique
et la publicité, est très dynamique. On se rend compte que
le Net méritait ni les excès d'honneur du départ,
ni l'indignité des années 2001-2002. On reparle du Net dans
les médias, mais je ne vois pas encore de frémissement avec
des levées de fonds significatives. Nous sommes aujourd'hui repartis
dans une logique entrepreneuriale plus saine avec les nouveaux projets
qui émergent : les sociétés développent leurs
technologies avec leurs propres fonds puis décident d'effectuer
un tour de table pour leur déploiement. Mais il faut prendre en
compte l'héritage Internet avec, quelques fois, des actionnaires
divisés. Pour des raisons d'inertie, cela prend donc du temps de
relancer la machine.
Quels sont les plus beaux "coups"
auxquels Cita Gestion a participé ?
On peut citer deux exemples : nous avons investi au tour
précédant l'introduction en Bourse de la société
de biotechnologie Actelion. Principalement financée au départ
par Sofinova et Atlas Venture, elle est désormais côtée
à la Nourse de Zürich. Lorsque nous sommes arrivés,
Actelion réalisait un chiffre d'affaires proche de zéro.
Maintenant, son résultat se compte en centaine de millions de francs
suisses. C'est remarquable pour une société de biotechnologie.
Travelprice, soutenu par Apax Partners et AGF Private Equity, est également
une très bonne opération financière. La société
de voyage en ligne s'est très bien redressée et a été
très bien vendue à LastMinute.com. Entretemps, le cours
du nouveau propriétaire britannique s'est envolé. Au moment
de la transaction, Cita avait cédé ses parts par échange
d'actions. Nous avions récupéré 1 % de LastMinute.
Maintenant, nous cédons au fur et à mesure nos parts.
Parmi les sociétés que vous avez
soutenues, combien de "start-downs" recensez-vous ?
Nous ne communiquons pas dessus. Je vous rappelle que l'activité
de venture-capital comporte des risques. On peut disposer de bonnes idées
mais sans trouver de marché ou de moyens pour se développer.
En investissant dans
NPTV vous vous placez sur le secteur de la télévision interactive.
Est-ce un secteur réellement mûr ?
Les solutions de NPTV sont pleinement opérationnelles.
La société propose déjà ses solutions de chat
à des opérateurs satellites. Il est vrai que la demande
en télévision interactive évolue moins vite que celle
de l'Internet, que le marché met du temps à décoller.
Mais nous avons des signes très encourageants. La reprise de Mediahighway,
ex-Canal Plus Technologies, par NDS, la filiale télévision
numérique payante de News Corp, prouve que le secteur n'est pas
dénué d'intérêt. Les marchés ne sont
pas très importants mais ils représentent de gros enjeux.
La prochaine télévision numérique terrestre permettra
de démultiplier les applications.
Au premier semestre 2001, vous avez finalisé
le financement de Cita FCPR 1, à hauteur de 76,3 millions d'euros.
A quand Cita FCPR 2 ?
Je n'en sais rien. Sachant que nous avons investi un tiers
du fond FCPR 1 pour le moment, nous ne sommes pas pressés.
Cita Gestion compte parmi ses actionnaires une
institution financière koweitienne. Quels liensavez-vous tissé
avec elle ?
C'est une structure de l'Etat du Koweit : la Koweit Investment
Authority, une sorte de direction du trésor du Koweit. Elle est
intervenue dès la création de Cita Gestion à la demande
du ministère des Finances français dans les années
80. Le projet a été soutenu par Jacques Delors [Ndlr,
ministredes Finances entre 1981 et 1984]. A l'origine, il s'agissait
de créer un joint-venture Etat français-Etat koweitien.
Cette actionnaire koweitien joue pleinement son rôle.
Que pensez-vous des mesures gouvernementales
d'incititation à la création d'entreprises ?
Malgré les efforts du gouvernement, tout ne peut
pas être réglé par son intermédiaire. Nous
nous droguons aux dispositifs fiscaux ponctuels comme les FCPI. Cela crée
des coups d'accordéon sur le marché qui sont néfastes.
La meilleure façon d'inciter au développement du capital-risque
est l'investissement dans la recherche en amont. En France, nous devons
faire face à un mécanisme défaillant du financement
des start-ups par les grandes entreprises d'un côté et des
marchés financiers de l'autre. La problématique du capital-risque
ne repose pas sur l'offre de fonds car l'argent est là. Il manque
en fait un chaînon dans la vie de l'entreprise : que deviennent
les sociétés que nous n'avons pas vocation à porter
éternellement ? Au bout de cinq ans maximum, les entreprises doivent
trouver d'autres relais que nous. En France, les grands groupes sont très
peu acheteurs de sociétés innovantes parce qu'ils ont leurs
propres laboratoires intégrés. Côté marché,
il manque un réel Nasdaq chez nous.
En tant qu'ancien PDG de C-MesCourses, observez-vous
l'évolution du monde des cybermarchés ?
Je suis un client fréquent des cybermarchés,
toutes enseignes confondues. Je suis un accro des courses en ligne. Je
remarque que le paysage évolue peu car le business-model de ces
sociétés est très difficile.
Vous avez débuté votre carrière
à l'inspection des finances. Ce qui peut paraître décaler
par rapport à votre intérêt pour les nouvelles technologies...
Auparavant, je suis passé par HEC. Ce qui m'intéresse
le plus, c'est la création d'entreprises, pas forcément
dans le domaine des nouvelles technologies. Honnêtement, je ne suis
pas un expert high-tech.
Quelle est la dernière
"application tueuse" qui vous a bluffé ?
Nous sommes en train de digérer les innovations
qui sont apparues il y a trois-quatre ans. Le téléchargement
de jeux vidéos et la musique en ligne sont des domaines intéressants
à suivre.
Qu'aimez-vous sur Internet ?
Regarder les bandes annonces cinéma sur le service
AlloCiné-Vision.com.
Que détestez-vous
sur Internet ?
Le spam. Mais je viens d'installer le spamm killer McAfee
pour mon PC. Ca marche à 95 %.
AlloCiné : la vie après VU
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Le 15 septembre dernier, AlloCiné a annoncé sa sortie du
giron du groupe Vivendi Universal. Le service d'information multi-canal
(Internet, téléphone, mobile...) a été
repris par ses deux dirigeants directs, Bertrand Stephann et Grégoire
Lassalle. Pour cette opération de management buy out (MBO)
soutenue par Cita Gestion, une nouvelle holding a été
créée, Financière AlloCiné ,qui reprend
à son compte les sociétés AlloCiné.com
et Cinestore.com, le site marchand de produits dérivés
du cinéma. En 2002, AlloCiné et Cinestore, alors sous
pavillon VU, ont réalisé chacun de leur côté
un chiffre d'affaires de 7 millions d'euros. AlloCiné tire
ses revenus en commercialisant des espaces publicitaires, des prestations
de services (comme la création de sites cinéma) et
de la billeterie en ligne (500 000 billets vendus par Internet
et par téléphone l'année dernière).
Malgré tout, le portail ciné n'était pas rentable
: à fin 2002, il affichait un excédent brut d'exploitation
négatif de 5,7 millions d'euros.
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