Marc Vincent
(PTC) : "
"L'entreprise doit pouvoir coordonner les différents systèmes de PLM
et de CAO""
Par le JDNet
Solutions (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/solutions/itws/020514_it_ptc_vincent.shtml
Avec environ 4 000 collaborateurs répartis
dans plus de 150 bureaux autour de la planète, PTC
est un véritable poids lourd de la conception assistée
par ordinateur (CAO) et de la gestion du cycle de vie des produits
(PLM). Fondé en 1985, l'éditeur compte à présent
plus de 33 000 références autour de ses progiciels,
en tête desquels Pro/Engineer (CAO) et WindChill (PLM). Pour
évoquer les besoins des entreprises en la matière, et
resituer des domaines tels que la gestion des relations fournisseurs,
nous nous sommes tournés vers son directeur Europe du Sud.
Peut-on raisonnablement se lancer dans une gestion du cycle de vie
de ses produits sans intégrer ses systèmes d'informations ?
Et comment ? Marc Vincent dévoile un peu plus le dessous des
cartes d'un marché qui, sans être nouveau, est promis
selon une majorité d'analystes à un avenir très
florissant.
Propos recueillis par François Morel le 14/05/2002
JDNet Solutions:
Quel est aujourd'hui le positionnement précis de PTC ?
Marc Vincent: En tant qu'éditeur
de logiciels, PTC se dédie exclusivement au développement
produits au travers de trois domaines : Create, Collaborate et Control.
Sur la première partie, PTC est à l'origine un éditeur
de la CAO (conception assistée par ordinateur), avec sa gamme
Pro/Engineer. Partant de là, nous avons étendu notre
offre avec un environnement de collaboration. Celui-ci implique
plusieurs acteurs internes à l'entreprise, mais aussi à
l'extérieur des bureaux d'études et toutes sortes
d'autres partenaires.
Les sociétés aujourd'hui ne vivent pas de façon
autarcique. Il faut savoir que sur des marchés comme l'aéronautique
et l'automobile, 80 % des composants qui servent à élaborer
le produit fini sont développés en externe. Par ailleurs,
les acteurs du développement produit ne sont pas les seuls
dans la boucle. Pour gérer un cycle de vie complet des produits,
il faut aussi intégrer des acteurs du marketing, des ventes,
de l'industrialisation et de la production, ainsi que de la maintenance.
Enfin, avant de pouvoir lancer les produits sur le marché,
il faut pouvoir contrôler le contenu et le processus. Ici,
nos outils ont pour but de structurer les informations et le processus
de développement produits.
Quelle
différence faites-vous entre un système de conception
assistée par ordinateur, et un système de gestion
du cycle de vie des produits ? Est-ce une question de collaboration
?
Le logiciel de
CAO est l'outil dédié à la conception des géométries
et des assemblages. A côté, le logiciel de PLM va permettre
à l'utilisateur de la CAO d'aller rechercher des composants
dans des catalogues, et va proposer au client un configurateur.
Celui-ci pourra, par exemple, commander des meubles qui seront adaptés
à la taille de sa cuisine. Le progiciel va donc prendre ces
données émises par le client final, les remonter au
bureau d'études, adapter la géométrie du produit,
et transférer toutes ces informations à la production.
En même temps, le système de gestion du cycle de vie
des produits comprend un outil de collaboration pour faire communiquer
le marketing, la production, l'industrialisation, la maintenance
et le SAV, la logistique, etc. L'objectif est que tous les acteurs
ayant une influence sur le processus, ou qui sont impactés
par le cahier des charges, puissent collaborer ensemble en bénéficiant
du même niveau d'informations en temps réel.
De plus en plus d'éditeurs
d'horizons différents, en particulier ceux de la gestion
de la chaîne logistique comme I2, s'intéressent au
PLM. Comment expliquez-vous cet engouement ?
PTC a lancé une campagne "Product First"
en partant d'un constat évident. Après l'éclatement
de la bulle "dotcom", tous les économistes se sont
rendus compte que l'avantage concurrentiel d'une entreprise est
intimement lié à la compétitivité de
ses produits et des services qu'elle prodigue à ses clients.
Que ce soit dans le domaine de l'aéronautique, du meuble
ou de l'électronique, ce constat simple et pragmatique reflète
la réalité. C'est pourquoi les éditeurs de
logiciels, les cabinets de conseil, les intégrateurs et les
producteurs de contenus sont tous convaincus que le marché
du PLM va connaître une forte croissance dans l'avenir.
Plus concrètement, pourquoi ? Et
quelles catégories d'acteurs sont, selon vous, les mieux
armées pour affronter la demande du marché en matière
de PLM ?
PTC est le seul éditeur sur le marché
à être positionné uniquement sur la gestion
du cycle de vie des produits. Nous avons 33 000 clients
qui sont autant des grandes entreprises que des sociétés
de taille moyenne et des PMEs. Nous leur fournissons des outils
dans les domaines de la CAO mécanique et du PLM. Tous font
partie d'une chaîne de valeur liée au développement
produit, et tous ressentent le besoin de créer et de collaborer
de façon contrôlée.
Pour répondre à votre question sur les acteurs les
mieux positionnés, je dirais d'abord que ce sont ceux qui
viennent de l'environnement de la CAO, dont PTC, mais aussi EDS
après son rachat de Unigraphics, et SDRC. Ensuite, nous retrouvons
Dassault Systèmes et d'autres recouvrant uniquement la gestion
du cycle de vie des produits. Parmi ceux-ci, citons Agile et MatrixOne
qui se distingue par son approche PDM (product data management),
ou gestion des données produits. Après, nous retrouvons
encore d'autres acteurs.
D'une manière générale, vous pouvez dessiner
quatre cercles sur une feuille de papier : en haut le CRM (gestion
de la relation client), en bas le SCM (gestion de la chaîne
logistique), à droite les ERP (progiciels de gestion intégrés)
comme SAP, et à gauche la gestion du cycle de vie des produits.
Cette approche est un peu conceptuelle, mais c'est une image de
la réalité car elle rend compte des quatre grands
systèmes d'informations de l'entreprise.
Certes, mais les progiciels PLM proposés
par des éditeurs aux positionnements historiques différents
répondent-ils de la même façon aux mêmes
besoins ?
Vous citiez I2 qui, par exemple, n'aborde pas complètement
le marché du PLM mais doit s'intégrer au développement
produit. Leurs solutions sont davantage tournées vers la
logistique que vers une forte valeur sur du contenu. Aujourd'hui,
tous ces systèmes d'informations doivent pouvoir communiquer,
d'où l'importance de l'interopérabilité.
Dans ce domaine, PTC a des accords avec des partenaires de poids
sur le marché, comme Siebel dans le domaine du CRM, mais
aussi EDS qui est un concurrent. Nous avons procédé
à un échange de connecteurs API (Application programming
interface) car le maître mot d'un environnement de CAO est
l'hétérogénéité. Et il faut donc
permettre à l'entreprise de coordonner les différents
systèmes, les siens et ceux de ses partenaires. De ce point
de vue, nous avons notamment signé un accord avec Tibco autour
de leur plate-forme EAI (Enterprise application integration) qui
nous permet de nous connecter à d'autres systèmes
d'informations.
Entre le PLM et les trois autres piliers
applicatifs que vous avez cités, existe-t-il des noeuds d'intégration
absolument critiques et incontournables ?
Prenons par exemple le CRM. Imaginez une société
qui commercialise des équipements servant à la production.
Son client a besoin des informations de maintenance et d'évolution
de la machine qu'il a achetée. Pour cela, il appelle le revendeur
dont le centre d'appels est géré par Siebel. Si ce
dernier est interfacé avec notre produit WindChill, l'agent
du centre va tout de suite savoir qui est son client et faire basculer
la requête dans WindChill. Il pourra ainsi disposer d'une
vision concrète de la problématique avec le prototype
à l'écran. De plus, il pourra le partager électroniquement
avec son client en ligne afin d'échanger des informations
pour mieux comprendre le sens de la question posée.
De quel type d'intégration s'agit-il
?
Dans ce cas, ce sont des informations comme des données
géométriques ou des graphiques. Il est important que
le système puisse fédérer des informations
et les mettre en forme de façon exploitable. Pour accéder
à ces informations, les utilisateurs dans les entreprises
vont utiliser différents systèmes. Les personnes du
bureau d'études vont principalement se servir des outils
de conception assistée par ordinateur et de gestion des données
produits. Et Celles qui sont en charge de la gestion de la relation
client y accèderont à travers Siebel, dans l'écran
duquel une fenêtre va s'ouvrir avec les données transmises
par WindChill.
En parallèle, un autre noeud critique de l'intégration
se situe entre le système de PLM et l'ERP. Les personnes
dans les bureaux d'études vont devoir transférer des
informations à leur progiciel de gestion intégré,
comme par exemple tout ce qui concerne la structure du produit.
Du côté de l'industriel, le produit aura une nomenclature
telle qu'il faudra transférer cette information du module
de gestion de production au sein du système de PLM, dans
l'ERP. Concernant l'intégration entre la gestion de la chaîne
logistique et la gestion du cycle de vie des produits, enfin, il
sera important de pouvoir suivre la disponibilité en stock
de certaines pièces.
Vous avez évoqué un exemple
d'intégration avec Siebel. Cela fonctionne-t-il de la même
manière lorsque vous devez vous interfacer avec des progiciels
concurrents en environnement hétérogène ?
C'est l'un des atouts de PTC que d'être capable
de gérer des données hétérogènes
au niveau de la CAO. Notre client peut visualiser dans notre interface
des modèles qui ont été conçus avec
les progiciels de Dassault Systèmes, Unigraphics, etc. Nous
donnons accès à tous ces environnements à travers
un navigateur intégré, comme si ce dernier était
l'extension logique du poste de travail. Le client WindChill est
directement intégré à Pro/Engineer. Mais si
vous utilisez Catia de Dassault, nous fournissons des interfaces
qui permettent justement d'intégrer les modèles de
pièces et d'assemblages, et les méta-données
référencées dans WindChill.
Ensuite, pour la relation entre la CAO et le PLM, nous avons besoin
d'une application PDM (product data management) qui va prendre en
charge la gestion des demandes de modification, que l'on appelle
les ECR (Engineering change requests). Une fois approuvées,
les ECR deviennent des ECO (Engineering change orders). Dans le
PDM, nous retrouvons aussi la gestion de la configuration avec des
options variantes. Ceci est du PDM pur. Et en aval du cycle de vie
se trouveront toutes les applications de maintenance, avec le SAV
qui est une des composantes du PLM.
...et aussi la gestion du retour des produits
en fin de vie, si je ne me trompe. Comment gérez-vous ces
aspects ?
Après, nous retrouvons en effet le démantèlement.
Et là, nous pouvons utiliser de la même façon
l'outil PLM pour pouvoir définir les processus de démantèlement
et de stockage de toutes les données liées à
la fin de vie du produit et à sa traçabilité.
Parmi nos clients français, Air France Industries utilise
WindChill pour ses applications de maintenance. Quand un avion rentre
pour ce qu'ils appellent les "grandes visites", il est
complètement démonté pour examen des composants
avant d'être remonté. Dans ce cadre, toutes les étapes
sont gérées et documentées dans WindChill.
Avec vos outils axés "Collaborate",
vous êtes un acteur situé
en amont de la gestion des relations fournisseurs (SRM). De
quelle continuité l'entreprise a-t-elle besoin avec la partie
en aval de ce processus ?
Il doit forcément y avoir un lien entre les
deux, et nous nous devons de nous connecter avec les systèmes
de gestion de la chaîne logistique. A côté, nous
proposons aussi des outils comme PartsLink qui permet aux sociétés
d'exploiter un catalogue dans lequel vont cohabiter des composants
standards et d'autres "semi-customisables" (semi-paramétrables).
Parmi nos références autour de cet outil figure SKF
qui fabrique des roulements. Quand l'entreprise cliente de fournisseurs
a trouvé un composant dont elle a besoin, elle peut en télécharger
le modèle géométrique issu de la CAO, et avec
lui toutes les méta-données qui caractérisent
ce composant. Là encore, il est important d'avoir un lien
pour voir si le produit est référencé aux achats
d'une part, et s'il est référencé aussi dans
le système de gestion de la chaîne logistique.
Vous avez récemment signé
un partenariat avec Groove. Comment leurs technologies de collaboration
peer-to-peer se combinent-elles avec vos produits ?
Cet accord permet aux utilisateurs de notre logiciel
Pro/Engineer de pouvoir travailler simultanément et en temps
réel à travers le web sur un modèle CAO, que
ce soit d'une pièce ou d'un assemblage. Le peer-to-peer apporte
un niveau de performance qui est sans équivalent. Et quand
je dis performance, cela s'applique à la manipulation de
ces modèles géométriques.
A présent, quelles orientations
produits allez-vous poursuivre dans le développement de votre
offre ?
Aujourd'hui, nous proposons d'ores et déjà
la suite applicative la plus complète du marché. Au
premier niveau, nous travaillons sur des solutions prépackagées
comme PDMLink qui est un ensemble compact dérivé de
WindChill à l'attention des industries manufacturières.
Nous y avons inclus par défaut des options de demande de
modification et de gestion de configuration qui sont adaptées
aux spécificités du marché. Pour la gestion
des demandes de modification, par exemple, ce sont trois processus
différents qui sont pris en charge.
L'ensemble est combiné avec une offre de services qui va
nous permettre d'implémenter ce type de solutions en cinq
semaines, ce qui est extrêmement rapide. Cela va nous permettre
de répondre à des besoins précis de la part
de grandes entreprises, mais aussi de nous adresser à des
sociétés plus petites. Et ce, tout en offrant un retour
sur investissement (ROI) et un coût total de possession (TCO)
très compétitifs. Maintenant, il faut bien comprendre
que ce type de solutions ne va pas combler de façon globale
les besoins d'une société comme Airbus, mais répondre
à des demandes spécifiques ou à des attentes
de PMEs.
En parallèle, nous travaillons aussi sur les aspects qui
ont trait à la conduite du changement, avec de grands cabinets
de conseil. Nos partenaires ont ici pour noms Accenture, Cap Gemini
Ernst & Young, CSC, PricewaterhouseCoopers, Deloitte
et Andersen. Pour nous, c'est une orientation très importante
car nous sommes un éditeur indépendant. Et travailler
de concert avec des sociétés de conseil nous permet
d'apporter un meilleur service à nos clients.
Aujourd'hui
directeur Europe du Sud de PTC, Marc Vincent, 38 ans,
a rejoint l'éditeur en avril 1993 pour créer sa filiale
espagnole, avant d'être nommé en France directeur régional
puis directeur général. Diplômé de l'Ecole
Supérieure d'Informatique Electronique Automatique (ESIEA),
il a également travaillé chez Control Data pendant 6 ans
au poste de directeur commercial de la ligne de produits ICEM.
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