Et si la
disparition de KPNQwest assainissait le marché ?
Par le JDNet
Solutions (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/solutions/0206/020606_kpnqreactions.shtml
Jeudi 6 juin 2002
Le malheur des uns fait le bonheur des
autres. Quand l'opérateur moribond KPNQwest
relâche plus de 100 000 clients dans la nature, les carnets
de commande tendent naturellement à s'emplir chez les concurrents.
De là à envisager ce bénéfice de façon
durable, il n'y aurait qu'un pas qu'aucun acteur du marché
ne se hâte à franchir aussi vite. En revanche, la banqueroute
du principal opérateur de données en Europe après
son rachat d'Ebone fin 2001 paraît initier une nouvelle donne.
D'autant plus que la nouvelle a succédé à l'extinction
des feux programmée deux semaines plus tôt pour le
30 juin par Teleglobe, un autre géant des réseaux
de données pan-européen.
Une profonde mutation paraît donc s'être engagée
dans le monde resserré des services IP, et la cadence de
progression de ce marché vers la maturité traduit
une impression d''accélération de plus en plus nette.
C'est, en tout cas, ce que rapportent à leurs niveaux les
dirigeants français de l'opérateur Colt
Telecom, de l'hébergeur IX Europe
et de l'intégrateur réseaux spécialiste de
la sécurité Via
Net.Works. Avec sa propre analyse, chacun pèse les conséquences
- positives et négatives - des derniers soubressauts du "hollandais
volant". Un surnom possible pour KPNQwest dont le sort du réseau
et des équipes est aujourd'hui suspendu à la décision
finale des repreneurs potentiels, l'opérateur global AT&T
en tête. Un porte-parole a en effet révélé
mardi à l'agence Reuters la participation officielle du géant
américain aux négociations.
Colt Telecom : les
clients veulent d'abord la pérennité
"Nous avons été
contactés par des clients de KPNQwest dans la plupart des
pays où nous sommes présents", déclare
Philippe Charaix, directeur général adjoint de Colt
Telecom France. "Nous avons donc mis en place une cellule spécifique
pour leur répondre. Nous maintenons active 24 heures
sur 24 notre capacité de prendre des appels, de procéder
aux analyses techniques et de formuler des propositions commerciales."
Colt Telecommunications, dont les activités d'opérateur
couvrent en même temps la voix, les données et un panel
très large de services à valeur ajoutée, rend
ainsi compte d'un mouvement de clientèle en trois vagues.
D'après Philippe Charaix, "les opérateurs (et
xSP) ont été les plus prompts à réagir.
Dès l'annonce jeudi, nous avons reçu de leur part
des demandes de cotation. Ils devaient être une vingtaine
dans la capitale à travailler avec KPNQwest, presque tous
les vivants de la place. Puis nous avons accueilli les grandes entreprises,
soit une cinquantaine sur Paris qui correspondent selon moi à
la majorité de ses clients grands comptes. Cela s'est surtout
fait le vendredi, sauf pour certains que nous avons contactés
proactivement car nous sommes déjà fournisseurs chez
eux. Enfin, il y a toute la base de PMEs, et là nous essayons
de gérer le flux entrant des appels."
Compte tenu des coûts induits par la migration de leurs architectures,
et du fait notamment de l'insécurité générée
par KPNQwest qui n'a pas donné de date précise pour
la mise hors tension de ses équipements, "la pérennité
de l'opérateur est devenu le premier critère de sélection
des clients" souligne Philippe Charaix. "Ceux qui ont
réussi à créer un flux d'affaires et à
maintenir une trésorerie positive tirent leur épingle
du jeu. C'est le fameux Ebitda
positif. En ce qui nous concerne, nous le sommes depuis 1999, et
nous disposons d'une trésorerie d'environ 2 milliards
d'euros."
IX Europe : les prix vont remonter (ou stagner
?)
Dans le même temps,
certains clients sont également allés sonner à
la porte de l'hébergeur IX Europe, en partie concurrent
de Colt Telecom sur son coeur d'activité. Prêt à
accueillir de son côté une portion des réfugiés
en provenance du centre de KPNQwest à Clichy (92), son directeur
général France Bruno Paolini rapporte que le datacenter
"contenait de gros clients comme HP et EuroNext. On y trouvait
aussi de grands noms d'entreprises Internet comme AOL, qui avait
décidé de s'y installer il y a près de six
mois."
Participant aux mêmes appels d'offres que Colt Telecom autour
de l'hébergement, le constat d'IX Europe est le même
concernant les nouvelles priorités des clients. "Le
critère numéro un est aujourd'hui la pérennité,
devant le prix", affirme Bruno Paolini. "La situation
nous permet maintenant d'être clair par rapport au client.
[...] De notre côté tout va bien. Nous avons il y a
peu signé un partenariat avec RWE, l'équivalent d'EDF
en Allemagne (avec un financement de 7,3 millions d'euros à
la clef, ndlr) afin de récupérer de l'énergie
à moindre coût. Nous sommes Ebitda positif et nous
sommes financés au delà du premier trimestre 2003."
A propos de prix, tant mieux si les clients sont moins regardants
car selon Bruno Paolini, ils "ne vont pas baisser mais remonter",
du moins en ce qui concerne la location d'espace dans les centres.
"L'impact est provoqué par les fermetures successives
de CityReach, puis Exodus et maintenant KPNQwest". De son côté,
Philippe Charaix de Colt Telecom estime qu'une augmentation générale
des tarifs (bande passante, hébergement, services...) en
direction du client final serait "illusoire. Mais l'événement
marque en tout cas une pause dans la baisse des prix. La disparition
d'acteurs va vers un assainissement du marché. Ceux qui rencontrent
des difficultés font généralement n'importe
quoi. Nous allons donc vers des pratiques saines, très concurrentielles."
Notons au passage que les variations prévues par ces acteurs
dépendent en partie du périmètre de leurs activités,
et de leurs politiques tarifaires menées jusqu'à présent.
Via Net.Works
: l'indépendance pour la continuité
Plutôt positionné
sur la tranche des services à valeur ajoutée dans
le domaine de la sécurité où est également
présent Colt, Via Net.Works propose aussi des accès
et de l'hébergement infogéré dans les centres
d'opérateurs de surface comme IX Europe, avec qui il
partage un certain désarroi au sujet du rétrécissement
du marché. L'ISP estime aussi de son côté que
"ce ne sont pas les prix qui vont augmenter" dixit le
directeur général de sa filiale française Philippe
Moity. "Cela fait des années que l'on dit que l'accès
ne vaut plus rien, et nous sommes quand même arrivés
à des niveaux de tarification relativement bas. Peut-être
qu'à présent, nous allons tous mieux dissocier la
partie infrastructure de la partie services. Cela peut amener une
hausse de prix de la prestation complète, si le client achète
des services à valeur ajoutée comme la répartition
de charge entre plusieurs centres, le backup ou l'archivage."
Mais il est clair, aussi, qu'une présence combinée
dans plusieurs centres évite pour le client de se retrouver
à la rue si son hébergeur unique met la clef sous
la porte. C'est, en gros, le message que veut faire passer Philippe
Moity : "nous sommes responsables en tant qu'intégrateur
d'assurer la continuité du service. Les nôtres sont
fournis hors du cadre de l'infrastructure d'un opérateur,
mais sur le réseau public Internet à partir des infrastructures
de plusieurs opérateurs. [...] Les entreprises comme HP qui
avait confié 100 % de son réseau à KPNQwest
sont aujourd'hui dans l'expectative." La pérennité
? Il pense aussi que "c'est un point important. [...] Via a
une situation un peu atypique. C'est une société qui
n'a quasiment pas de dettes. Depuis notre réorganisation
il y a quelques mois, notre consommation de liquidités est
devenue très faible. Chaque filiale a pour objectif de devenir
Ebitda positif dès cet été."
A présent, le marché se tourne vers l'opérateur
de réseaux global Worldcom (groupe MCI), deuxième
aux Etats-Unis derrière AT&T. Celui-ci affronte aujourd'hui
des rumeurs selon lesquelles il serait sur le point de procéder
dès cette semaine ou la suivante à une annonce retentissante
à propos de difficultés financières. D'ores
et déjà, les mauvaises nouvelles se sont succédées
depuis lundi : abandon des activités mobiles (1,7 millions
d'abonnés), revente d'une filiale... Et maintenant jusqu'à
16 000 emplois supprimés, soit 20 % de son
effectif, a rapporté mercredi l'agence Associated Press.
[François Morel, JDNet]
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