L'innovation dans
l'informatique (1): la saga Xerox
Par JDNet
Solutions (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/solutions/0210/021011_sagaxerox.shtml
Lancer l'impression
Vendredi 11 octobre 2002
Trop avant-gardiste, Xerox ? Peut-être...
Mal gérée par le passé ? Sans doute... L'entreprise
a fait l'objet d'une abondante littérature commentant le décalage
entre les innovations majeures issues du Xerox Palo Alto Research Center
(PARC), fondé en 1970, et l'incapacité de l'entreprise à
en tirer profit - laissant d'autres acteurs commercialiser ces avancées
technologiques dont le management de Xerox n'a pas su voir le potentiel.
Si l'histoire est devenue exemplaire, elle ne doit pas faire oublier que
le géant de la photocopieuse aura largement contribué aux
avancées technologiques de l'informatique.
Le
PARC, berceau d'innovation
Mentionnons pour fixer les idées quelques unes des réalisations
élaborées ou étendues par le Xerox PARC dans les
années 70: notamment la première interface graphique utilisateur
(GUI), dont les éléments constitutifs nous sont aujourd'hui
devenus familiers (fenètres, menus, boutons, icones), et avec laquelle
l'utilisateur interagissait soit avec le clavier, soit avec un dispositif
de pointage comme la souris. La souris, justement, inventée en
fait au début des années 60 par Douglas Engelhart au Stanford
Research Institute, a été redessinée au PARC (après
y avoir été introduite par Bill English, qui a travaillé
avec Engelhart) où elle a pris grosso modo la forme que
nous lui connaissons.
Mais restons un instant sur le PUI (PARC User Interface), premier WIMP
(Windows Icons Menus Pointing device), qui comprenait de multiples
inventions, toutes dues au Xerox PARC: l'affichage bitmap, les changements
d'apparence du curseur suivant le mode d'utilisation, les menus "pop-ups"
et hiérarchiques, les fenètres superposées, les scroll
bars, les boutons poussoirs, les boutons radions, les cases à
cocher, les boites de dialogues, les concepts de "Déplacer,
copier, effacer" et "Couper, copier, coller à la souris",
etc.
L'interface et la souris ont équipé notamment l'un des premiers
ordinateurs de bureau, la station de travail Star commercialisée
(ce fut un échec) en 1981.
Le protocole réseau Ethernet est également sorti du PARC,
où Bob Metcalfe et son assistant David Boggs ont travaillé
plusieurs années (de 1973 à 1976, surtout) à parfaire
le principe.
Citons également le langage orienté-objet Smalltalk, précurseur
des Objective-C ou autres Java; ou encore le premier éditeur de
texte WYSIWYG, Bravo, développé pour l'ordinateur Alto en
septembre 1974.
Actes manqués
Hélas, derrière cette liste impressionnante
se cache une série d'actes manqués, dont les deux exemples
les plus marquants sont certainement les suivants:
- En 1979, Metcalfe (l'inventeur d'Ethernet)
quitte Xerox pour forme 3Com et parvient à imposer son protocole
comme un standard: l'objectif est atteint et 3Com prospère, alors
que l'idée aurait pu être exploitée par Xerox des
années plus tôt.
- Au tout début des années 80, Steve Jobs visite le PARC
et - selon la légende - récupère les concepts du
Star (GUI, souris) pour l'Apple Lisa et plus tard (1984) le Macintosh...
Tandis qu'en 1985 sont Windows 1.0, largement inspiré de ce même
Macintosh. On connait la suite et le succès des deux plates-formes,
là où Xerox n'avait connu que des flops commerciaux - quand
tentative commerciale il y avait.
Peu à peu, Xerox va donc perdre de sa superbe, et continuer de
passer à côté de nouvelles opportunités de
croissance, notamment en sous-estimant, plus tard, le marché des
imprimantes jet d'encre, où l'entreprise laissera HP une marge
d'avance trop importante.
Des hauts et des bas financiers
Issue de Haloid Co., entreprise
de matériel photographique fondée en 1906, Xerox s'est rendue
célèbre avec le 914, premier copieur xérographique,
développé pendant 14 ans et commercialisé en 1959.
Le succès est tel qu'en 1973, alors que le 914 est retiré
de la vente, Xerox est pratiquement devenu le synonyme de "photocopie".
Détenteur de brevets ayant expirés
au début des années 70, Xerox voit sa part de marché
s'éroder considérablement, passant de 95% vers 1973 à
13% en 1982 - l'époque ou les innovations du PARC commencent à
véritablement profiter à d'autres... Se reprenant au tournant
des années 90, sous la direction de David Kearns puis de Paul Allaire,
l'action Xerox atteint un record en mai 1999, à 64 dollars, peu
avant le départ d'Allaire, remplacé par Richard Thoman.
Dès lors, plus rien ne va: 198 millions
de dollars de perte sur le dernier trimestre 2000, des fondations tellement
ébranlées pour que l'entreprise passe près de la banqueroute,
et, treize mois après sa nomination, Thoman est remercié.
Son erreur principale: trop de dépenses dans l'espoir de concurrencer
HP sur le marché du jet d'encre. Si, en 2002, et malgré la
crise, la situation financière s'est quelque peu assainie, elle reste
instable et marquée par la dette.
D'un autre côté, Thoman souhaitait modernisé l'image
de Xerox, ne pas lui faire rater un train supplémentaire - celui
de l'ère Internet.
Il n'y sera pas parvenu.
[Jérôme Morlon, JDNet]
Pour tout problème de consultation, écrivez au Webmaster
Copyrights
et reproductions . Données
personnelles
Copyright 2006 Benchmark Group - 69-71 avenue Pierre Grenier
92517 Boulogne Billancourt Cedex, FRANCE
|
|