Pierre Briançon
: "Pour Messier, le Net n'a été qu'un moyen de faire gonfler son cours de
Bourse"
Par le Journal
du Net (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/0211/021106messier.shtml
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Mercredi 6 novembre 2002
Alors que
Vivendi Universal - et ses nouveaux dirigeants - ne manque pas une occasion
de faire parler de lui, de projets de cession en procès d'actionnaires,
son ancien maître (du
monde) se fait aussi discret que possible. Prélude peut-être
à une offensive médiatique accompagnant la parution prochaine
d'un livre qui porterait sa signature. En attendant, c'est dans les pages
de celui que vient de lui consacrer le journaliste Pierre Briançon
que l'on commence à découvrir les vrais dessous de l'aventure
du premier "reality-patron" qu'ait connu la France, celui dont
presque tous les faits et gestes ont été soigneusement médiatisés
(et jamais à l'insu de son plein gré...). "Pendant six
ans, Jean-Marie Messier a séduit, parlé, manipulé,
joué, manoeuvré à la tête d'un groupe français
qui n'aurait pas existé sans lui, et dont il a voulu faire le premier
groupe mondial de la communication, écrit Pierre Briançon.
(...) Six ans à la tête du premier groupe privé français,
et six, mois, à la fin, pour y perdre la boussole". Ce sont
ces six ans - et ces six mois -, mais aussi le parcours qui a conduit Messier
au coeur du cyclone que ce livre, fruit d'une longue enquête, raconte.
Convergence,
tuyaux, contenus
Messier était le roi des "e-concepts". Est-ce
qu'il savait vraiment de quoi il parlait ?
Pas au début, mais il apprend
vite... Le concept, chez lui, n'a jamais posé problème. Ce qui lui a manqué,
c'est une perception concrète, vivante, de la réalité de la net-économie
et du nouveau modèle d'entrepreneur qu'elle exigeait. Un groupe aussi
protéiforme que la vieille Générale des Eaux pouvait-il générer en son
sein une culture de "start-up" ? Sans doute pas. Mais le plus sérieux
est sans doute que le Net, pour Messier, n'a dans le fond jamais été qu'un
moyen de faire gonfler son cours de Bourse. Derrière les concepts et les
présentations "Powerpoint", derrière les envolées lyriques sur les nouvelles
manières de consommer la musique ou le cinéma, le but a toujours été de
se constituer, grâce à un cours de Bourse dopé par le ".com", une monnaie
d'acquisition en vue de "deals" toujours possibles...
Sans
bulle, aurait-on eu Vivendi Universal, J6M, son ascension et sa chute
?
L'ascension n'aurait pas été jusqu'à Paris-Match, et la chute aurait sans
doute été plus discrète. Sans la bulle, Messier n'aurait pas pu racheter
un studio hollywoodien avec ses seuls actifs français. On peut aussi envisager
des scénarios alternatifs : quid par exemple d'une stratégie européenne
(plutôt que transatlantique) qui aurait pu oeuvrer à constituer un grand
groupe continental autour d'un Canal Plus dont les problèmes financiers
auraient été détectés à temps ? D'une part, ce n'est pas seulement "la
bulle" qui explique la sur-médiatisation de Messier : c'est aussi la nature
même de l'industrie dans laquelle il voulait lancer Vivendi. D'autre part,
la bulle n'est pas seule en cause : la personnalité de Messier a évidemment
joué un rôle central dans sa chute. Dans ce livre, j'essaie justement
de distinguer, dans cette histoire, la part de l'époque et la part des
propres qualités, des défauts ou des insuffisances psychologiques et caractérielles
du personnage Messier.
Au
final, Jean-Marie Messier... Trop mégalo, trop dépensier, trop solitaire,
trop maladroit ou trop en avance ? [NDLR
: nous avions posé la même question aux lecteurs du JDNet
dans un sondage
en ligne en septembre]
Mégalo et dépensier : c'est ce que j'appelle son complexe d'enfant gâté
(rien n'est trop cher, dès lors que j'ai envie de quelque chose...). Solitaire
assurément - c'est son déficit principal de PDG, entouré de courtisans
ou de maires du palais plutôt que de vrais managers. Maladroit à l'évidence,
comme un Le Trouhadec saisi trop tardivement par la débauche. En avance
? Sur quoi ?
[François Bourboulon, JDNet]
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