Alors
que
Vivendi Universal - et ses nouveaux dirigeants - ne
manque pas une occasion de faire parler de lui, de projets
de cession en procès d'actionnaires, son ancien
maître (du
monde) se fait aussi discret que possible. Prélude
peut-être à une offensive médiatique
accompagnant la parution prochaine d'un livre qui porterait
sa signature. En
attendant, c'est dans les pages de celui que vient de
lui consacrer le journaliste Pierre Briançon
que l'on commence à découvrir les vrais
dessous de l'aventure du premier "reality-patron"
qu'ait connu la France, celui dont presque tous les
faits et gestes ont été soigneusement
médiatisés (et jamais à l'insu
de son plein gré...). "Pendant six ans,
Jean-Marie Messier a séduit, parlé, manipulé,
joué, manoeuvré à la tête
d'un groupe français qui n'aurait pas existé
sans lui, et dont il a voulu faire le premier groupe
mondial de la communication, écrit Pierre Briançon.
(...) Six ans à la tête du premier groupe
privé français, et six, mois, à
la fin, pour y perdre la boussole". Ce sont ces
six ans - et ces six mois -, mais aussi le parcours
qui a conduit Messier au coeur du cyclone que ce livre,
fruit d'une longue enquête, raconte.
Convergence,
tuyaux, contenus
Messier était le roi des "e-concepts".
Est-ce qu'il savait vraiment de quoi il parlait ?
Pierre
Briançon Pas au début, mais il apprend vite...
Le concept, chez lui, n'a jamais posé problème. Ce qui
lui a manqué, c'est une perception concrète, vivante,
de la réalité de la net-économie et du nouveau modèle
d'entrepreneur qu'elle exigeait. Un groupe aussi protéiforme
que la vieille Générale des Eaux pouvait-il générer
en son sein une culture de "start-up" ? Sans doute pas.
Mais le plus sérieux est sans doute que le Net, pour
Messier, n'a dans le fond jamais été qu'un moyen de
faire gonfler son cours de Bourse. Derrière les concepts
et les présentations "Powerpoint", derrière les envolées
lyriques sur les nouvelles manières de consommer la
musique ou le cinéma, le but a toujours été de se constituer,
grâce à un cours de Bourse dopé par le ".com", une monnaie
d'acquisition en vue de "deals" toujours possibles...
Sans
bulle, aurait-on eu Vivendi Universal, J6M, son ascension
et sa chute ?
L'ascension n'aurait pas été jusqu'à Paris-Match, et
la chute aurait sans doute été plus discrète. Sans la
bulle, Messier n'aurait pas pu racheter un studio hollywoodien
avec ses seuls actifs français. On peut aussi envisager
des scénarios alternatifs : quid par exemple d'une stratégie
européenne (plutôt que transatlantique) qui aurait pu
oeuvrer à constituer un grand groupe continental autour
d'un Canal Plus dont les problèmes financiers auraient
été détectés à temps ? Ce n'est pas seulement "la bulle"
qui explique la sur-médiatisation de Messier : c'est
aussi la nature même de l'industrie dans laquelle il
voulait lancer Vivendi. Et la bulle n'est pas seule
en cause : la personnalité de Messier a évidemment joué
un rôle central dans sa chute. Dans ce livre, j'essaie
justement de distinguer, dans cette histoire, la part
de l'époque et la part des propres qualités, des défauts
ou des insuffisances psychologiques et caractérielles
du personnage Messier.
Au
final, Jean-Marie Messier... Trop mégalo, trop dépensier,
trop solitaire, trop maladroit ou trop en avance ? [NDLR
: nous avions posé la même question aux
lecteurs du JDNet dans un sondage
en ligne en septembre]
Mégalo et dépensier : c'est ce que j'appelle son complexe
d'enfant gâté (rien n'est trop cher, dès lors que j'ai
envie de quelque chose...). Solitaire assurément - c'est
son déficit principal de PDG, entouré de courtisans
ou de maires du palais plutôt que de vrais managers.
Maladroit à l'évidence, comme un Le Trouhadec saisi
trop tardivement par la débauche. En avance ? Sur quoi
?
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