Pierre de La Coste vient de remettre à Henri
Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat,
son rapport intitulé "L'Hyper-République" consacré
à l'e-administration, qui fait notamment dix-huit propositions pour
accélérer le déploiement de l'administration électronique. Le secrétaire
d'Etat avait souhaité qu'un bilan soit réalisé sur
l'action de son prédécesseur Michel Sapin. Le rapport commandé
à Pierre de La Coste devait également analyser les suites
données au rapport Carcenac intitulé "Pour une administration
électronique citoyenne". Consultant en NTIC et co-organisateur
de la fête de l'Internet, Pierre de la Coste s'était déjà
penché entre 1993 et 1997 sur des problématiques de communication
pour le ministre de l'Intérieur puis du ministre de l'Industrie.
JDNet.Quel
constat avez-vous dressé sur la situation actuelle ?
Pierre de La Coste.
La situation est particulièrement contrastée.
Les administrations fonctionnent sur un système de silos, c'est
à dire qu'elles ont des cloisons
étanches et ne communiquent pas entre elles. Or on retrouve ces
cloisonnements sur le Web, car les systèmes informatiques des administrations
sont eux-aussi cloisonnés. Il suffit d'observer les premières
téléprocédures en ligne. Le ministère des
Finances, par exemple, possède plus d'une dizaine de sites différents.
Certains de ces projets Internet sont très bons, je pense à
Copernic pour l'impôt en ligne au programme Net Entreprise pour
les cotisations sociales en ligne, ou à Sesame Vitale, qui est
aujourd'hui la première téléprocédures dans
le monde en terme de volume. C'est donc du côté de la pompe
à finance fiscale et sociale que l'on trouve les plus belles réussites.
A l'inverse, d'autres administrations et collectivités sont très
en retard et la valeur ajoutée pour l'usager reste très
limitée. A l'échelle des collectivités locales, communes
ou préfectures, certaines villes comme Parthenay ou Issy les Moulineaux
se débrouillent très bien alors que d'autres sont à
la traîne.
Que
préconisez-vous ?
Mon rapport a d'abord pour objectif de
formuler des préconisations à destination de l'agence de
l'administration électronique, dont la création vient d'être
annoncée par Henri Plagnol. Il faut rebâtir les administrations
sur Internet. Je m'explique: il faut éviter qu'une administration
présente l'information et se présente elle-même sur
son site sur un mode administratif. L problème pour un usager n'est
jamais de télécharger l'obscur formulaire n°x mais plutôt
de trouver une réponse à sa situation concrète. Sur
le Web, l'administration ne doit pas répliquer sa structure mais
bel et bien se tourner vers l'usager. Service-public.fr est déjà
structuré ainsi, mais il s'agit d'une simple couche derrière
laquelle on retombe dans une logique de services et d'administrations.
Ce site n'a pas encore diffusé sa philosophie en profondeur. Il
faut également aller plus loin avec la technique du co-marquage.
Il s'agit d'un flux XML qui repose sur une base d'informations nationales
centralisée pouvant être affichée aux couleurs de
la collectivité locale. Pour la publication d'une fiche pratique
destinée à l'obtention d'une carte d'identité, il
suffirait d'insérer la fiche correspondante de la base de données,
à laquelle la collectivité peut ajouter des informations
locales. Actuellement, on a une redondance, une obsolescence voir des
contradictions entre ces informations publiées à droite
et à gauche.
Qui
pourrait piloter et financer cette base centralisée ?
Je pense que la Documentation française,
qui gère Servicepublic.fr, pourrait être le maître
d'oeuvre de ce projet. Ce dernier serait financé dans le cadre
d'un partenariat avec la Caisse des dépôts. Il y a déjà
un financement des sites des collectivités par la CDC, il faudrait
donc généraliser ces partenariats. En outre, la disparition
d'un certain nombre de formulaires papiers peut permettre de redéployer
des moyens humains vers ces projets. Il va également falloir encourager
financièrement l'administré à utiliser les procédures
en ligne, car ces dernières génèrent une économie
réelle pour l'administration. Une moitié du gain de productivité
pourrait être ainsi redistribué. Il va également falloir
créer des guichets interactifs pour l'accueil du public dans les
lieux d'accueil et, en contrepartie, je pense qu'il faut augmenter la
dotation globale de fonctionnement des communes qui s'engagent dans cette
voie. Enfin, il faut valoriser les fonctionnaires qui s'engagent dans
ces chantiers, ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui.
Création
d'une agence de l'administration électronique
|
Henri Plagnol, le secrétaire d'Etat à la
réforme de l'Etat, a annoncé à Autrans la constitution d'un groupe
pilote de 100 volontaires pour expérimenter des "espaces administratif
personnel numérique" et a confirmé la création d'une agence de l'administration
électronique. L'agence, qui emploiera dans un premier temps 50 personnes,
a pour but de favoriser les gains de productivité liés à Internet
dans l'administration et l'amélioration de la qualité du service rendu
aux citoyens. |
[Fabien Claire, JDNet]