FAI : tous ensemble contre la loi numérique!
Par le Journal du Net (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/0401/040114afalen.shtml
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Mercredi 14 janvier 2004

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Oubliant leurs querelles et actins en justice, les principaux dirigeants des FAI membres de l'Association des fournisseurs d'accès et des services à l'Internet (AFA) - avec Free en invité - ont participé mardi à un point presse en commun pour fustiger trois points inscrits dans le projet de loi sur l'économie numérique, dans lequel figurent des volets qu'ils jugent "liberticides". Après la deuxième lecture à l'Assemblée nationale de la LEN, les FAI critiquent la portée de certains articles du texte de loi qui favoriseraient le filtrage de l'accès Internet et la surveillance a priori des contenus Web. L'AFA a également relevé la disparition de la notion de "correspondance privée" dans la définition du courrier électronique.

Dès l'introduction, Marie-Christine Levet, PDG de T-Online France et nouvelle présidente de l'AFA, a donné le ton : "En cas d'application de cette loi sous la forme actuelle, nous couperons l'accès aux services de communication Internet communautaire : forums, chats, pages personnelles ou weblogs."

Loin de tirer un trait sur l'orientation générale du texte de loi adopté par les députés (qui donne notamment naissance à un droit spécifique à l'Internet), les FAI se concentrent sur des clauses spécifiques susceptibles d'affecter la "liberté d'expression des internautes" et de déstabiliser le marché de l'accès Internet en France (2 milliards d'euros de chiffre d'affaires cumulé et plus de 10.000 emplois).

Dans la version provisoire de la loi sur l'économie numérique (disponible sur le site de l'Assemblée nationale), les représentants des FAI ont relevé "une obligation de surveillance pour les hébergeurs" (qui correspond à l'article 2 bis I (7°). Ces derniers sont censés "mettre en oeuvre les moyens conformes à l'état de l'art pour empêcher la diffusion de données constitutives des infractions" d'incitation à la haine raciale, de négationnisme et de pédo-pornographie. Pour les FAI, la nouvelle loi imposerait aux hébergeurs de bloquer les contenus visés par le texte avant toute mise en ligne. "C'est une disposition contraire à la directive européenne sur le commerce électronique", s'insurge Stéphane Markovitch, délégué général de l'AFA. "Nous avons été pris à contre-pied, estime Patrick Leleu, PDG de Noos, et nous devons trouver des solutions réalistes pour régler les vrais problèmes."

Toutefois, entre la vision des FAI et celle des députés, il subsiste des ambiguités sur l'étendue du contrôle a priori que les hébergeurs devront exercer sur les contenus. En consultant le texte de loi provisoire, les députés ont inscrit que les prestataires techniques "ne sont pas soumis à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites."

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Deuxième grand point critiqué par les FAI : le filtrage de l'Internet évoqué dans des termes plus alambiquées dans l'article 2 bis I (8°). Un juge pourrait ordonner aux FAI le filtrage de contenus de natures diverses en référé ou sur requête. Selon l'AFA, ce procédé permettait par exemple d'exiger un blocage des réseaux peer to peer au nom de la lutte contre le piratage des fichiers musicaux sur Internet. "C'est une mesure que défend l'industrie du disque mais ellle serait inefficace d'un point de vue technique", commente Stéphane Markovitch qui a rappelé les diverses méthodes de filtrage technique (par adresse IP, au niveau du DNS, au niveau de l'URL...) "faciles à contourner".

Un dernier point touchant la protection de la vie privée a attiré l'attention de la communauté professionnelle des ISP. Dans le nouvel article 1 C du projet de loi, les députés ont biffé la notion de "correspondance privée" dans la définition de courrier électronique. Un détail significatif pour les FAI qui perçoivent des facilités de surveillance de correspondances électroniques entre particuliers.

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Article Les hébergeurs gratuits (11/08/03)

Le concert de protestations alarmistes en provenance des représentants des FAI est étonnant : "C'est une catastrophe pour Wanadoo qui abrite 500.000 pages personnelles, estime Jean-Claude Delmas, directeur général du service d'accès Internet leader en France, (...) Tout l'Internet que nous connaissions jusqu'ici va s'écrouler." "Ce n'est pas aux FAI de décider ce qui est licite ou non par les contenus diffusés en ligne", a estimé de son côté Jean-Louis Constanza, directeur général de Télé2 France. "La loi de confiance en l'économie numérique risque de devenir une loi de défiance vis-à-vis des prestataires techniques ou de méfiance vis-à-vis de nos abonnés", a souligné Alexandre Archambault, directeur des affaires règlementaires chez Free.

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Dans ce débat qui prend une tournure passionnée, la deuxième lecture du projet de loi LEN au Sénat, prévue le 6 février, risque d'être animée. L'AFA indique s'en remettre à la "sagesse des sénateurs et du gouvernement" pour redresser le cap. En suivant la logique du "scénario catastrophe" jusqu'au bout, l'AFA se dit prêt à interpeller les instances européennes si elle ne se montre pas satisfaite de la version définitive de la LEN et à mettre sa menace à exécution de couper les services communautaires de communication Internet.

Déluges de protestations en ligne
Parallèlement à la pétition mise en ligne par l'Afa pour dénoncer les mesures dites "liberticides" du projet de loi, la Ligue des associations haut-débit (Odebi) a également mis de son côté une pétition en ligne baptisée Boycothon. La ligue Odebi concentre ses tirs de critiques sur "les intérêts économiques de l'industrie du disque". Elle appelle au "boycottage" des produits musicaux des majors (CD, services Internet, etc.) et à la démission de Nicole Fontaine pour "avoir voulu fonder le droit de l'internet sur les intérêts économiques des majors".

Rendez-vous

Mercredi 17h00 : Chat avec Jean Dionis du Séjour
Rapporteur du projet de loi, auteur de nombreux amendements, le député du Lot-et-Garonne répond à vos questions. Sur JDN Chat

[Philippe Guerrier, JDNet]