Oubliant leurs querelles et
actins en justice, les principaux dirigeants des FAI
membres de l'Association des fournisseurs d'accès
et des services à l'Internet (AFA) - avec Free
en invité - ont participé mardi à
un point presse en commun pour fustiger trois points
inscrits dans le projet de loi sur l'économie
numérique, dans lequel figurent des volets qu'ils
jugent "liberticides". Après la deuxième
lecture à l'Assemblée nationale de la
LEN, les FAI critiquent la portée de certains
articles du texte de loi qui favoriseraient le filtrage
de l'accès Internet et la surveillance a priori
des contenus Web. L'AFA a également relevé
la disparition de la notion de "correspondance
privée" dans la définition du courrier
électronique.
Dès
l'introduction, Marie-Christine
Levet, PDG de T-Online France et nouvelle présidente
de l'AFA, a donné le ton : "En cas d'application
de cette loi sous la forme actuelle, nous couperons
l'accès aux services de communication Internet
communautaire : forums, chats, pages personnelles ou
weblogs."
Loin de tirer un trait sur l'orientation générale
du texte de loi adopté par les députés
(qui donne notamment naissance à un droit spécifique
à l'Internet), les FAI se concentrent sur des
clauses spécifiques susceptibles d'affecter la
"liberté d'expression des internautes"
et de déstabiliser le marché de l'accès
Internet en France (2 milliards d'euros de chiffre d'affaires
cumulé et plus de 10.000 emplois).
Dans
la version provisoire de la loi sur l'économie
numérique (disponible sur le site de l'Assemblée
nationale), les représentants des FAI ont relevé
"une obligation de surveillance pour les hébergeurs"
(qui correspond à l'article 2 bis I (7°).
Ces derniers sont censés "mettre en oeuvre
les moyens conformes à l'état de l'art
pour empêcher la diffusion de données constitutives
des infractions" d'incitation à la haine
raciale, de négationnisme et de pédo-pornographie.
Pour les FAI, la nouvelle loi imposerait aux hébergeurs
de bloquer les contenus visés par le texte avant
toute mise en ligne. "C'est une disposition contraire
à la directive européenne sur le commerce
électronique", s'insurge Stéphane Markovitch,
délégué général de l'AFA. "Nous avons été
pris à contre-pied, estime Patrick Leleu,
PDG de Noos, et nous devons trouver des solutions réalistes
pour régler les vrais problèmes."
Toutefois, entre la vision des FAI et celle des députés,
il subsiste des ambiguités sur l'étendue
du contrôle a priori que les hébergeurs
devront exercer sur les contenus. En consultant le texte
de loi provisoire, les députés ont inscrit
que les prestataires techniques "ne sont pas soumis
à une obligation générale de surveiller
les informations qu'elles transmettent ou stockent,
ni à une obligation générale de
rechercher des faits ou des circonstances révélant
des activités illicites."
Deuxième
grand point critiqué par les FAI : le filtrage
de l'Internet évoqué dans des termes plus
alambiquées dans l'article 2 bis I (8°). Un juge
pourrait ordonner aux FAI le filtrage de contenus de
natures diverses en référé ou sur
requête. Selon l'AFA, ce procédé
permettait par exemple d'exiger un blocage des réseaux
peer to peer au nom de la lutte contre le piratage des
fichiers musicaux sur Internet. "C'est une mesure
que défend l'industrie du disque mais ellle serait
inefficace d'un point de vue technique", commente
Stéphane Markovitch qui a rappelé les diverses
méthodes de filtrage technique (par adresse IP,
au niveau du DNS, au niveau de l'URL...) "faciles
à contourner".
Un dernier point touchant la protection de la vie privée
a attiré l'attention de la communauté
professionnelle des ISP. Dans le nouvel article 1 C
du projet de loi, les députés ont biffé
la notion de "correspondance privée"
dans la définition de courrier électronique.
Un détail significatif pour les FAI qui perçoivent
des facilités de surveillance de correspondances
électroniques entre particuliers.
Le concert
de protestations alarmistes en provenance des représentants
des FAI est étonnant : "C'est une catastrophe
pour Wanadoo qui abrite 500.000 pages personnelles,
estime Jean-Claude Delmas, directeur général
du service d'accès Internet leader en France,
(...) Tout l'Internet que nous connaissions jusqu'ici
va s'écrouler." "Ce n'est pas aux FAI
de décider ce qui est licite ou non par les contenus
diffusés en ligne", a estimé de son
côté Jean-Louis Constanza, directeur
général de Télé2 France.
"La loi de confiance en l'économie numérique
risque de devenir une loi de défiance vis-à-vis
des prestataires techniques ou de méfiance vis-à-vis
de nos abonnés", a souligné Alexandre
Archambault, directeur des affaires règlementaires
chez Free.
Dans ce débat qui prend
une tournure passionnée, la deuxième lecture
du projet de loi LEN au Sénat, prévue
le 6 février, risque d'être animée.
L'AFA indique s'en remettre à la "sagesse
des sénateurs et du gouvernement" pour redresser
le cap. En suivant la logique du "scénario
catastrophe" jusqu'au bout, l'AFA se dit prêt
à interpeller les instances européennes
si elle ne se montre pas satisfaite de la version définitive
de la LEN et à mettre sa menace à exécution
de couper les services communautaires de communication
Internet.
Déluges de protestations en ligne
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Parallèlement à la pétition mise en ligne par l'Afa
pour dénoncer les mesures dites "liberticides"
du projet de loi, la Ligue des associations haut-débit
(Odebi)
a également mis de son côté
une pétition en ligne baptisée Boycothon.
La ligue Odebi concentre ses tirs de critiques sur
"les intérêts économiques de l'industrie du
disque". Elle appelle au "boycottage"
des produits musicaux des majors (CD, services Internet,
etc.) et à la démission de Nicole Fontaine
pour "avoir voulu fonder le droit de l'internet
sur les intérêts économiques des majors". |
Rendez-vous
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Mercredi
17h00 : Chat avec
Jean Dionis du Séjour
Rapporteur
du projet de loi, auteur de nombreux amendements,
le député du Lot-et-Garonne répond
à vos questions.
Sur JDN Chat
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