JDNet. D'où
est venue l'idée d'eDevice ?
Marc Berrebi Ma
grand-mère me disait toujours "allume l'électricité"
au lieu d'"allume la lumière". Une génération
après, ma mère, quand elle parle d'Internet, associe toujours
cela au Web. Or, comme l'électricité avec la lumière,
l'Internet représente plus que le Web. C'est une infrastructure
infiltrante qu'on peut utiliser pour plein d'applications. Demain, on
l'utilisera ainsi dans la maison pour des connexions en interne ou dans
les entreprises pour gérer les stocks de produits. Comme le coût
d'accès va forcément baisser, un peu comme l'électricité,
le coût additionnel de connexion d'un appareil électrique
sera marginal. Cela sera donc aisé pour une entreprise de relier
son parc de matériel à Internet. Nous voulions donc nous
positionner sur ce créneau de la convergence. Au
départ nous disposions d'une technologie qui permettait de connecter
un appareil à Internet avec le réseau téléphonique
commuté (RTC). Désormais, on peut également le faire
avec le GSM, Ethernet ou même avec la radio ou le courant électrique
tout en intégrant une application client.
Vous
pouvez donner des exemples très concrets d'applications ?
Nous avons par exemple un gros contrat avec
le distributeur de café Lavazza. Pour eux, nous connectons les
machines qui délivrent du café à Internet. A quoi
cela sert-il ? Une machine fait une centaine de cafés par jour
dans une entreprise. Il est donc dans l'intérêt de Lavazza
qu'elle fonctionne de façon impeccable. Avec notre produit, la
machine est capable de solliciter le réparateur en lui envoyant
un signal, via GSM par exemple, lorsqu'elle a un dysfonctionnement. Cela
permet aussi de compter le nombre de capsules et d'envoyer un signal pour
le réapprovisionnement. Nous avons dans le même esprit un
contrat avec l'administration chinoise.
Nous avons placé nos systèmes sur les caisses enregistreuses
des entreprises privées. Elles sont ainsi directement connectées
à l'administration pour le réglement des factures ou des
impôts.
En théorie,
comment cela fonctionne-t-il ?
Notre
produit phare, Smartstack, est une solution de connectivité à
Internet complète. Pour relier un appareil à Internet, il
faut trois couches, les ensembles de règles pour la connexion physique
(technologies RTC, GSM...), les protocoles Internet (TCP/IP...) et la
gestion de la connectivité avec l'application client qui réclame des standards
ou des interfaces pour parler le même langage. Par exemple, si je veux
connecter un appareil photo numérique à Internet, il faudra
une application qui soit capable à la fois de prendre la photo
et de gérer l'envoi d'images via le réseau. Nous
prenons ensuite en charge ces différentes couches que nous pouvons transformer
à l'aide d'un processeur de signaux, le
Digital Signal Processor (DSP). Le DSP est une puce notamment utilisée
dans les chaînes hi-fi, ou dans l'ABS de votre voiture. Ces puces
sont fiables, rapide et pas chères, car il s'en vend des centaines
de millions par an. Normalement, le DSP n'est capable de faire que certaines
choses. On l'a en fait perverti pour qu'il puisse gérer les protocoles
Internet.
Allez-vous privilégier
un type d'appareil pour la commercialisation ?
La
technologie est horizontale et s'adapte à n'importe quel appareil.
Néanmoins, comme nous n'avons pas les ressources pour aller voir
tout le monde, nous allons cibler la distribution automatique, les opérations
de télé-relevés ou le contrôle industriel.
Ensuite, je pense que de nouveaux équipements vont se créer
grâce à la fonction de connectivité. Le produit va
créer de nouveaux besoins dans le domaine médical par exemple.
Nous travaillons sur un projet d'appareils pour le diabète. Un
patient pourrait ainsi disposer d'une puce sur son appareil et voir son
taux d'insuline envoyé régulièrement dans une base
de données. Le médecin pourrait ensuite être prévenu
par GSM dès qu'un taux anormal est détecté.
Qui sont vos concurrents
?
Une
société aux Etats-Unis qui s'appelle Echelon et qui évolue
dans cet univers depuis une dizaine d'années. Ils marchent bien
et on doit les rattraper. Sinon, il y a Lantronics qui propose une solution
en concurrence frontale avec la nôtre. Mais vous savez, le problème
est moins la concurrence que le marché actuellement. C'était
plus facile en 2000 mais c'était plus malsain à mon sens.
L'an dernier, notamment, un client est venu nous voir et nous a dit :
"Je veux connecter mon appareil à Internet pour faire ensuite
un communiqué de presse". Son objectif était de montrer
aux marchés financiers qu'il faisait de l'Internet pour gonfler
sa valorisation. C'était un peu ridicule. Les gens réfléchissent
plus cette année en terme de retour d'investissement, donc c'est
plus long à finaliser. Mais les nouveaux modèles de revenus
sont mieux étudiés par les entreprises.
Justement, n'est-ce
pas difficile et risqué de débuter son activité commerciale
dans une période aussi mouvementée ?
Je ne
le crois pas par expérience. Pour une petite société,
la période actuelle est en effet un atout. Quand j'ai créé
Marvin [un éditeur de solutions de calculs financiers, revendu
à Reuters en 1998, NDLR], c'était en pleine période
noire pour l'industrie. C'était en fait un avantage car cela nous
a donné l'opprtunité d'adapter tranquillement notre technologie
à notre marché sans que les gros industriels lancent des
projets en mesure de nous concurrencer. Avec eDevice c'est pareil. Tous
les grands projets industriels qui pourraient émerger dans ce domaine
sont en stand-by pour des questions financières. Par ailleurs,
nous venons de boucler un tour de table qui permet de tenir jusqu'à
2004 même si les conditions de marché se durcissent. Car
pour l'instant, le marché n'est pas en récession mais uniquement
ralenti. En revanche, il est évident qu'en ce moment nous devons
mieux gérer nos fonds en fonction du décollage du marché.
Mais si les entreprises
réduisent leurs budgets et s'équipent moins en Internet
notamment, cela risque de vous pénaliser...
Mais
je pense que ce que propose eDevice va bien au-delà du simple budget
Internet supplémentaire. Notre technologie peut obliger les gens
à repenser les business models de leur industrie. Une entreprise
qui va faire le choix de connecter à Internet des machines va voir
s'ouvrir de nouvelles sources de revenus. Un industriel qui fabrique des
machines à laver pourra ainsi par exemple vendre des lavages à
distance. Un fabricant de photocopieurs s'offrira, lui, la possibilité
de vendre des services de photocopies à distance. Cela conduit
à l'économie du service virtuel et à une remise en
cause de business models même dans certaines industries traditionnelles.
Cela demandera évidemment une refonte en profondeur de certains
modèles et c'est à ce niveau que je trouve que les entreprises
sont beaucoup plus mûres que l'an dernier vis à vis d'Internet.
Quel est le modèle
de revenus pour eDevice et quels sont vos objectifs financiers ?
Nous utilisons un système
de licences pour Smartstac au dessus de 10.000 unités. Pour les
quantités inférieures, nous vendons des boîtes Smartstack
Box. Nous visons une vingtaine de millions de francs de chiffre d'affaires
l'an prochain et la rentabilité en 2003 pour un chiffre d'affaires
de 11 millions de dollars.
Qu'est ce que vous
aimez sur Internet ?
J'adore
Myyahoo.com, car je peux tout avoir d'un clin d'oeil. Sinon, Google évidemment.
Et aussi Air France et SNCF, deux sites avec lesquels je dois jongler
en permanence sur Internet.
Et qu'est ce que vous
n'aimez pas sur Internet ?
Le
modem bas-débit. Je travaille beaucoup de chez moi et comme je
ne peux pas avoir l'ADSL, c'est un calvaire. Surtout quand on a pris l'habitude
de travailler en haut débit au boulot.