INTERVIEW
 
Président
eDevice
Marc Berrebi
"Titre"
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eDevice est une société créée en 1999 par quatre Français expatriés aux Etats-Unis et dont le centre de recherche est désormais basé à Bordeaux. Spécialisée dans la connexion à Internet des appareils électroniques, la société a notamment levé près de 110 millions de francs auprès de Vertex, 3i ou ABN-Amro au cours de deux tours de table, l'an dernier et en novembre 2001. La start-up a fait partie des trois sociétés primées la semaine dernière lors des Lauréats de la convergence, organisés par le fonds de capital-risque Chrysalead, le Journal du Net et la radio BFM. Marc Berrebi, président de la société, consacré récemment par Time Magazine comme l'une des 25 personnalités européennes qui feront l'économie numérique de demain, explique le métier de sa société et les changements que pourrait impliquer sa technologie pour certaines entreprises
07 décembre 2001
 
          

JDNet. D'où est venue l'idée d'eDevice ?
Marc Berrebi Ma grand-mère me disait toujours "allume l'électricité" au lieu d'"allume la lumière". Une génération après, ma mère, quand elle parle d'Internet, associe toujours cela au Web. Or, comme l'électricité avec la lumière, l'Internet représente plus que le Web. C'est une infrastructure infiltrante qu'on peut utiliser pour plein d'applications. Demain, on l'utilisera ainsi dans la maison pour des connexions en interne ou dans les entreprises pour gérer les stocks de produits. Comme le coût d'accès va forcément baisser, un peu comme l'électricité, le coût additionnel de connexion d'un appareil électrique sera marginal. Cela sera donc aisé pour une entreprise de relier son parc de matériel à Internet. Nous voulions donc nous positionner sur ce créneau de la convergence. Au départ nous disposions d'une technologie qui permettait de connecter un appareil à Internet avec le réseau téléphonique commuté (RTC). Désormais, on peut également le faire avec le GSM, Ethernet ou même avec la radio ou le courant électrique tout en intégrant une application client.

Vous pouvez donner des exemples très concrets d'applications ?
Nous avons par exemple un gros contrat avec le distributeur de café Lavazza. Pour eux, nous connectons les machines qui délivrent du café à Internet. A quoi cela sert-il ? Une machine fait une centaine de cafés par jour dans une entreprise. Il est donc dans l'intérêt de Lavazza qu'elle fonctionne de façon impeccable. Avec notre produit, la machine est capable de solliciter le réparateur en lui envoyant un signal, via GSM par exemple, lorsqu'elle a un dysfonctionnement. Cela permet aussi de compter le nombre de capsules et d'envoyer un signal pour le réapprovisionnement. Nous avons dans le même esprit un contrat avec l'administration chinoise. Nous avons placé nos systèmes sur les caisses enregistreuses des entreprises privées. Elles sont ainsi directement connectées à l'administration pour le réglement des factures ou des impôts.

En théorie, comment cela fonctionne-t-il ?
Notre produit phare, Smartstack, est une solution de connectivité à Internet complète. Pour relier un appareil à Internet, il faut trois couches, les ensembles de règles pour la connexion physique (technologies RTC, GSM...), les protocoles Internet (TCP/IP...) et la gestion de la connectivité avec l'application client qui réclame des standards ou des interfaces pour parler le même langage. Par exemple, si je veux connecter un appareil photo numérique à Internet, il faudra une application qui soit capable à la fois de prendre la photo et de gérer l'envoi d'images via le réseau. Nous prenons ensuite en charge ces différentes couches que nous pouvons transformer à l'aide d'un processeur de signaux, le Digital Signal Processor (DSP). Le DSP est une puce notamment utilisée dans les chaînes hi-fi, ou dans l'ABS de votre voiture. Ces puces sont fiables, rapide et pas chères, car il s'en vend des centaines de millions par an. Normalement, le DSP n'est capable de faire que certaines choses. On l'a en fait perverti pour qu'il puisse gérer les protocoles Internet.

Allez-vous privilégier un type d'appareil pour la commercialisation ?
La technologie est horizontale et s'adapte à n'importe quel appareil. Néanmoins, comme nous n'avons pas les ressources pour aller voir tout le monde, nous allons cibler la distribution automatique, les opérations de télé-relevés ou le contrôle industriel. Ensuite, je pense que de nouveaux équipements vont se créer grâce à la fonction de connectivité. Le produit va créer de nouveaux besoins dans le domaine médical par exemple. Nous travaillons sur un projet d'appareils pour le diabète. Un patient pourrait ainsi disposer d'une puce sur son appareil et voir son taux d'insuline envoyé régulièrement dans une base de données. Le médecin pourrait ensuite être prévenu par GSM dès qu'un taux anormal est détecté.

Qui sont vos concurrents ?
Une société aux Etats-Unis qui s'appelle Echelon et qui évolue dans cet univers depuis une dizaine d'années. Ils marchent bien et on doit les rattraper. Sinon, il y a Lantronics qui propose une solution en concurrence frontale avec la nôtre. Mais vous savez, le problème est moins la concurrence que le marché actuellement. C'était plus facile en 2000 mais c'était plus malsain à mon sens. L'an dernier, notamment, un client est venu nous voir et nous a dit : "Je veux connecter mon appareil à Internet pour faire ensuite un communiqué de presse". Son objectif était de montrer aux marchés financiers qu'il faisait de l'Internet pour gonfler sa valorisation. C'était un peu ridicule. Les gens réfléchissent plus cette année en terme de retour d'investissement, donc c'est plus long à finaliser. Mais les nouveaux modèles de revenus sont mieux étudiés par les entreprises.

Justement, n'est-ce pas difficile et risqué de débuter son activité commerciale dans une période aussi mouvementée ?
Je ne le crois pas par expérience. Pour une petite société, la période actuelle est en effet un atout. Quand j'ai créé Marvin [un éditeur de solutions de calculs financiers, revendu à Reuters en 1998, NDLR], c'était en pleine période noire pour l'industrie. C'était en fait un avantage car cela nous a donné l'opprtunité d'adapter tranquillement notre technologie à notre marché sans que les gros industriels lancent des projets en mesure de nous concurrencer. Avec eDevice c'est pareil. Tous les grands projets industriels qui pourraient émerger dans ce domaine sont en stand-by pour des questions financières. Par ailleurs, nous venons de boucler un tour de table qui permet de tenir jusqu'à 2004 même si les conditions de marché se durcissent. Car pour l'instant, le marché n'est pas en récession mais uniquement ralenti. En revanche, il est évident qu'en ce moment nous devons mieux gérer nos fonds en fonction du décollage du marché.

Mais si les entreprises réduisent leurs budgets et s'équipent moins en Internet notamment, cela risque de vous pénaliser...
Mais je pense que ce que propose eDevice va bien au-delà du simple budget Internet supplémentaire. Notre technologie peut obliger les gens à repenser les business models de leur industrie. Une entreprise qui va faire le choix de connecter à Internet des machines va voir s'ouvrir de nouvelles sources de revenus. Un industriel qui fabrique des machines à laver pourra ainsi par exemple vendre des lavages à distance. Un fabricant de photocopieurs s'offrira, lui, la possibilité de vendre des services de photocopies à distance. Cela conduit à l'économie du service virtuel et à une remise en cause de business models même dans certaines industries traditionnelles. Cela demandera évidemment une refonte en profondeur de certains modèles et c'est à ce niveau que je trouve que les entreprises sont beaucoup plus mûres que l'an dernier vis à vis d'Internet.

Quel est le modèle de revenus pour eDevice et quels sont vos objectifs financiers ?
Nous utilisons un système de licences pour Smartstac au dessus de 10.000 unités. Pour les quantités inférieures, nous vendons des boîtes Smartstack Box. Nous visons une vingtaine de millions de francs de chiffre d'affaires l'an prochain et la rentabilité en 2003 pour un chiffre d'affaires de 11 millions de dollars.

Qu'est ce que vous aimez sur Internet ?
J'adore Myyahoo.com, car je peux tout avoir d'un clin d'oeil. Sinon, Google évidemment. Et aussi Air France et SNCF, deux sites avec lesquels je dois jongler en permanence sur Internet.

Et qu'est ce que vous n'aimez pas sur Internet ?
Le modem bas-débit. Je travaille beaucoup de chez moi et comme je ne peux pas avoir l'ADSL, c'est un calvaire. Surtout quand on a pris l'habitude de travailler en haut débit au boulot.

 
Propos recueillis par Jérôme Batteau

PARCOURS
 
Marc Berrebi, 40 ans, est diplômé de l'ESCP. Ce serial-entrepreneur a déjà plusieurs créations d'entreprises à son actif. En 1989, il a notamment co-fondé, Marvin, un éditeur de logiciels de calculs financiers qui réalisait près de 40 millions de dollars de chiffre d'affaires avant d'être revendu au groupe Reuters en 1998. Il a également co-fondé COM6, une société cotée sur le Nouveau marché et spécialisée dans la gestion de la relation-client, qui vient de fusionner avec le groupe Business et Décisions au terme d'une offre publique d'échange.

   
 
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