JDNet.
Depuis quand cherchez-vous à vendre les activités de Internet
Télécom ?
Sébastien Crozier.
Nous avions confié un mandat de vente
à NetsCapital
et au cabinet d'avocat Bird and Bird en février dernier. Les premières
discussions avec France Télécom ont débuté
en mars.
Pourquoi
avez-vous pris la décision de vous rapprocher d'un acteur industriel
?
Nous devions financer la croissance de l'entreprise.
Dans le contexte actuel, nous devions donc trouver une solution de financement
auprès d'investisseurs. Un mécanisme qui aboutissait au
bout du compte à une prise de contrôle d'Internet Télécom
par des acteurs financiers. Cela nous a paru peu enthousiasmant. Après
réflexion, nous avons finalement choisi un opérateur industriel.
Pourquoi
avoir choisi France Télécom ?
Le choix de notre partenaire a été conduit
par plusieurs principes : France Télécom permet d'assurer
une croissance perenne de l'entreprise. L'opérateur a pris l'engagement
de faire d'Internet Télécom son pôle de de développement
sur l'e-CRM notamment [gestion de la relation client, NDLR]. Secundo,
il nous semblait important pour nous de s'adosser à un groupe plutôt
français. La meilleure valorisation du groupe au final a été
proposée par France Télécom. Elle a été
faîte en cash. Enfin, les synergies avec les entités de France
Télécom vont pouvoir être largement développées.
Par exemple, Internet Télécom utilise actuellement les réseaux
de Télécom Développement. Il est évident que
demain, nous utiliserons ceux de Transpac. France Télécom
est en outre un levier commercial extraordinaire, compte tenu de la richesse
de son portefeuille de clients.
France
Télécom est un grand groupe. L'opérateur n'avait
pas les compétences d'Internet Télécom en interne
?
Il ne faut pas oublier qu'Internet Télécom
a souvent été en compétition avec France Télécom,
sur les dossiers Fnac.net ou M6Net par exemple. A chaque fois, les acteurs
nous ont choisis car nous proposions une innovation marketing ou technologique
que les concurrents n'arrivaient pas à offrir. France Télécom
n'a jamais développé une ligne de produits telle que la
nôtre. Voilà pourquoi l'opérateur est intéressé
par notre savoir-faire.
Qui est
votre principal interlocuteur chez France Télécom ?
Internet Télécom est racheté
par Cogecom, la holding de prise de participation privée de France
Télécom. Nous nous trouvons dans la branche entreprise de
l'opérateur, dans le département France Télécom
eBusiness sous la houlette de Denis Pétonet.
Concrètement,
quelles activités France Télécom a-t-il repris ?
Il y a un point important à préciser
au préalable sur le périmètre : le rachat ne concerne
que les activités françaises d'Internet Télécom,
c'est-à-dire l'eCRM, le call-center et la régie publicitaire
(Axidium). Le vaisseau admiral reste notre expertise eCRM. Les activités
européennes, avec un bureau à Londres et à Amsterdam,
restent ma propriété.
Pour
quel montant France Télécom a-t-il acquis votre groupe ?
Nous ne pouvons pas communiquer sur la valorisation. Pour le prix, on
peut dire qu'il est très raisonnable.C'est vrai que c'est une très
bonne opération pour France Télécom. Le niveau de
valorisation n'est plus celui que l'on a connu antérieurement.
Personnellement, je suis tout à fait satisfait de la vente
[NDLR : Dans un communiqué publié vendredi soir, France Télécom
a finalement indiqué que le montant de l'opération était
de 7 millions de francs, accompagné d'une reprise de dette qui
s'élève à environ 30 millions de francs.]
Que
devient l'équipe de management d'Internet Télécom ?
L'ensemble de l'équipe devrait rester en place.
Sur le plan personnel, parallèlement à ce statut de "chairman
of the board" d'Internet Télécom UK, je deviens salarié
chez France Télécom. Pour l'instant, je reste à ma
place pour accompagner l'intégration. Quant
à Xavier Blanchot, co-fondateur de l'entreprise, il a quitté
ses fonctions au cours du premier trimestre 2001.
L'opérateur
reprend-il l'ensemble des salariés d'Internet Télécom
?
Oui et même plus... Un plan social avait été
enclenché chez Internet Télécom. Nous sommes parvenus
à un accord pour stopper la procédure. L'ensemble des collaborateurs
se verra proposer, si besoin est, la possibilité d'évoluer
au sein du groupe. France Télécom
a été extrêmement soucieux des aspects sociaux. Je
crois que c'est à mettre au crédit de notre acquéreur.
Que vont
devenir vos clients ?
Globalement, les clients sont satisfaits que l'entreprise
soit rattachée à un grand groupe, ce qui va permettre de
pérenniser nos activités. Dans l'ensemble, ils sont plutôt
contents pour nous. France Télécom ne disposant pas encore
de services similaires, ils peuvent être rassurés. Il faut
prendre conscience que nous serons plus estampillés France Télécom
que &Wanadoo. En tout, Internet Télécom dispose de soixante
clients. Pour l'anecdote, nous avions même Wanadoo pour des travaux
d'édition déléguée.
Que
devient la participation de 5% de M6 dans Internet Télécom
?
M6, comme l'ensemble de nos actionnaires, cède
sa part. M6 ne regrette pas cet investissement. Il ne faut pas oublier
que la chaîne est devenue un FAI important en moins d'un an. M6
est un client exigeant mais c'est également un partenaire de confiance.
Quels sont
les résultats d'Internet Télécom ?
Internet Télécom devrait
réaliser cette année un chiffre d'affaires de 170 millions
de francs. L'équilibre est prévu au quatrième trimestre.
A côté, les pertes sont importantes. Mais il est difficile
de donner un chiffre compte tenu de la séparation des activités
en France et à l'international.
A titre
personnel, vous avez quitté France Télécom il y a
cinq ans. Cela vous donne quelle impression d'y retourner ?
C'est le retour du fils prodigue ! Je vous rappelle
que j'ai obtenu un premier prix de religion au cours de mon enseignement.
Je ne suis donc pas parti brouillé de France Télécom...
D'ailleurs, je peux vous affirmer qu'à mon départ, j'avais
déclaré qu'il fallait développer du "Wanadoo
Inside", c'est-à-dire proposer la marque FAI en marque blanche.
Wanadoo a des offres professionnelles entreprises mais c'est plus de la
distribution.
Le
fait que vous soyez un "ancien de la maison" a favorisé
les négociations ?
Largement. Disons que cela a permis
de donner des repères. On a essentiellement discuté avec
Denis Petonay et Isabelle Giraud-David, responsable développement
stratégie chez France Télécom eBusiness. Ces deux
managers ont une très grande qualité d'écoute. Je
n'ai pas eu l'occasion de rencontrer Michel Bon, PDG de France Télécom,
au cours des négociations.
Pourtant,
en tant que dirigeant d'Internet Télécom et président
de l'Afim, vous vous êtes souvent opposé à France
Télécom...
J'ai davantage combattu les positions
d'Itinéris [devenu Orange] que de France Télécom,
tout comme celles de SFR d'ailleurs. La liberté du marché
et son ouverture sont des choses importantes. Effectivement, il y a eu
des cristallisations mais, sur le fond, à partir du moment où
France Télécom a reconnu le bien-fondé de nos arguments,
je ne vais pas me plaindre.
Internet
Télécom rejoint le giron de France Télécom
et votre principal concurrent e-Brands celui du groupe Vivendi Universal.
Cela vous inspire quoi ?
Les leaders avec les leaders....Je
pense que France Télécom a une activité dix fois
supérieure à celle de Vivendi Universal dans le domaine
des télécoms. C'est d'ailleurs le même ratio entre
Internet Télécom et e-Brands dans le secteur sur lequel
on évolue.
Globalement,
que vous inspire les soubresauts de la nouvelle économie ?
Ce que l'on paie aujourd'hui, c'est
l'auto-référentialité du capital sans visage. C'est-à-dire
que les processus de décision sont uniquement planifiés
sur le court terme en anticipant les réactions des autres acteurs
du marché. C'est comme cela que l'on a élevé des
pyramides d'argent virtuel, qui se sont effondrées aussi rapidement
qu'elles se sont construites.
C'est
un discours que l'on rarement entendu l'année dernière,
en pleine période euphorique de la
Net-économie...
Internet Télécom n'a jamais bénéficié
de l'euphorie autour du Net. Et même si on a eu des valorisations
extrêmement élevées, nous n'avons jamais touché
l'argent. [NDLR : Internet
Télécom auraît été valorisé un
milliard de francs l'année dernière avant l'e-krach].
Quels messages
voulez-vous faire passer dans l'ouvrage que vous rédigez actuellement
sur la nouvelle économie ?
Il faut démystifier la nouvelle
économie. Je ne crois pas que l'Internet soit le bonheur pour tous.
Il existe une véritable fracture numérique. Je crois qu'il
faut réfléchir sur le mode de fonctionnement de l'Internet
et les échecs qui y sont liés.
Soutenez-vous
l'initiative de l'association "J'accuse", association de lutte
contre le racisme sur l'Internet, qui demande à seize FAI français
de fermer l'accès à un portail incitant à la haine
?
La question du contrôle et de
la censure est un sujet compliqué. Où est la frontière
entre un système de répression des délits et celui
qui consiste à ne pas fliquer systématiquement les gens
? Dans tous les cas, il faut condamner ceux qui passent la ligne jaune.
Mais la liberté de chacun est aussi importante.
Quel
est votre site d'information favori ?
Je ne change pas : c'est Libération.
Pour moi, c'est le site qui m'offre l'information le plus rapidement.
Votre site
favori en dehors de vos activités professionnelles ?
J'aime bien aller sur Goa.com
[NDLR : propriété de &Wanadoo]. Les jeux en réseaux,
c'est très drôle. J'aurais pu citer le site de Loftstory
également !
Qu'aimez-vous
sur Internet ?
La diversité des connaissances
et du savoir.
Que détestez-vous
sur Internet ?
Ses dérives et ses excès.
On voit ainsi apparaître de nouveaux champs de délits. L'Internet
n'est qu'un miroir de l'humanité, avec ses aspects positifs et
négatifs.
Internet Télécom
: ses branches et ses clients |
Compétences
d'Internet Télécom
|
Clients
|
FAI
marque blanche
|
M6,
Société Générale, Fnac.net, AltaVista
France
|
|
Assurnews.com,
Bourse-des-voyages.com, C-monweb.com Cyberprofs.net, Orientation.fr,
Ebuyclub.com, Erecrut.com, Generationbac.com, Maporama.com, Matoox.com,
Students-Life.com, Velo101.com
|
Médiamix
(édition déléguée)
|
RFO,
Canal Jimmy, Wanadoo, Shisheido
|
Call
Center
(Internet Performance)
|
M6,
Société Générale
|
Source : Internet
Télécom
Sébastien
Crozier, 33 ans, diplômé ingénieur de l'ESIEE, a lancé
en 1990 ICI Télématique. En 1994, il devient directeur commercial
chez France Télécom. Puis, il prend un poste de consultant
pour JKLM entre 1997 et 1999. Il cofonde ensuite Internet Telecom avec son
ex-associé Xavier Blanchot.
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