INTERVIEW
 
Cofondateur
Internet Télécom
Sébastien Crozier
"Titre"

Depuis un mois, c'est l'arlésienne des rapprochements de l'Internet. Cette fois, c'est officiel : Internet Télécom a été cédé à France Télécom et le contrat de cession a été finalisé vendredi en fin d'après-midi. Lors de la dernière remise des Net 20, au cours de laquelle Sébastien Crozier avait été primé dans la catégorie "Jeunes entreprises" (Lire son portrait dans le JDNet en décembre 2000), le co-fondateur d'Internet Télécom, que l'on avait connu plus vindicatif, assurait "adorer France Télécom". Il suffisait d'un signe...

22 juin 2001
 
          

JDNet. Depuis quand cherchez-vous à vendre les activités de Internet Télécom ?
Sébastien Crozier. Nous avions confié un mandat de vente à NetsCapital et au cabinet d'avocat Bird and Bird en février dernier. Les premières discussions avec France Télécom ont débuté en mars.

Pourquoi avez-vous pris la décision de vous rapprocher d'un acteur industriel ?
Nous devions financer la croissance de l'entreprise. Dans le contexte actuel, nous devions donc trouver une solution de financement auprès d'investisseurs. Un mécanisme qui aboutissait au bout du compte à une prise de contrôle d'Internet Télécom par des acteurs financiers. Cela nous a paru peu enthousiasmant. Après réflexion, nous avons finalement choisi un opérateur industriel.

Pourquoi avoir choisi France Télécom ?

Le choix de notre partenaire a été conduit par plusieurs principes : France Télécom permet d'assurer une croissance perenne de l'entreprise. L'opérateur a pris l'engagement de faire d'Internet Télécom son pôle de de développement sur l'e-CRM notamment [gestion de la relation client, NDLR]. Secundo, il nous semblait important pour nous de s'adosser à un groupe plutôt français. La meilleure valorisation du groupe au final a été proposée par France Télécom. Elle a été faîte en cash. Enfin, les synergies avec les entités de France Télécom vont pouvoir être largement développées. Par exemple, Internet Télécom utilise actuellement les réseaux de Télécom Développement. Il est évident que demain, nous utiliserons ceux de Transpac. France Télécom est en outre un levier commercial extraordinaire, compte tenu de la richesse de son portefeuille de clients.

France Télécom est un grand groupe. L'opérateur n'avait pas les compétences d'Internet Télécom en interne ?
Il ne faut pas oublier qu'Internet Télécom a souvent été en compétition avec France Télécom, sur les dossiers Fnac.net ou M6Net par exemple. A chaque fois, les acteurs nous ont choisis car nous proposions une innovation marketing ou technologique que les concurrents n'arrivaient pas à offrir. France Télécom n'a jamais développé une ligne de produits telle que la nôtre. Voilà pourquoi l'opérateur est intéressé par notre savoir-faire.

Qui est votre principal interlocuteur chez France Télécom ?
Internet Télécom est racheté par Cogecom, la holding de prise de participation privée de France Télécom. Nous nous trouvons dans la branche entreprise de l'opérateur, dans le département France Télécom eBusiness sous la houlette de Denis Pétonet.

Concrètement, quelles activités France Télécom a-t-il repris ?
Il y a un point important à préciser au préalable sur le périmètre : le rachat ne concerne que les activités françaises d'Internet Télécom, c'est-à-dire l'eCRM, le call-center et la régie publicitaire (Axidium). Le vaisseau admiral reste notre expertise eCRM. Les activités européennes, avec un bureau à Londres et à Amsterdam, restent ma propriété.

Pour quel montant France Télécom a-t-il acquis votre groupe ?
Nous ne pouvons pas communiquer sur la valorisation. Pour le prix, on peut dire qu'il est très raisonnable.C'est vrai que c'est une très bonne opération pour France Télécom. Le niveau de valorisation n'est plus celui que l'on a connu antérieurement. Personnellement, je suis tout à fait satisfait de la vente [NDLR : Dans un communiqué publié vendredi soir, France Télécom a finalement indiqué que le montant de l'opération était de 7 millions de francs, accompagné d'une reprise de dette qui s'élève à environ 30 millions de francs.]

Que devient l'équipe de management d'Internet Télécom ?
L'ensemble de l'équipe devrait rester en place. Sur le plan personnel, parallèlement à ce statut de "chairman of the board" d'Internet Télécom UK, je deviens salarié chez France Télécom. Pour l'instant, je reste à ma place pour accompagner l'intégration. Quant à Xavier Blanchot, co-fondateur de l'entreprise, il a quitté ses fonctions au cours du premier trimestre 2001.

L'opérateur reprend-il l'ensemble des salariés d'Internet Télécom ?
Oui et même plus... Un plan social avait été enclenché chez Internet Télécom. Nous sommes parvenus à un accord pour stopper la procédure. L'ensemble des collaborateurs se verra proposer, si besoin est, la possibilité d'évoluer au sein du groupe. France Télécom a été extrêmement soucieux des aspects sociaux. Je crois que c'est à mettre au crédit de notre acquéreur.

Que vont devenir vos clients ?
Globalement, les clients sont satisfaits que l'entreprise soit rattachée à un grand groupe, ce qui va permettre de pérenniser nos activités. Dans l'ensemble, ils sont plutôt contents pour nous. France Télécom ne disposant pas encore de services similaires, ils peuvent être rassurés. Il faut prendre conscience que nous serons plus estampillés France Télécom que &Wanadoo. En tout, Internet Télécom dispose de soixante clients. Pour l'anecdote, nous avions même Wanadoo pour des travaux d'édition déléguée.

Que devient la participation de 5% de M6 dans Internet Télécom ?
M6, comme l'ensemble de nos actionnaires, cède sa part. M6 ne regrette pas cet investissement. Il ne faut pas oublier que la chaîne est devenue un FAI important en moins d'un an. M6 est un client exigeant mais c'est également un partenaire de confiance.

Quels sont les résultats d'Internet Télécom ?
Internet Télécom devrait réaliser cette année un chiffre d'affaires de 170 millions de francs. L'équilibre est prévu au quatrième trimestre. A côté, les pertes sont importantes. Mais il est difficile de donner un chiffre compte tenu de la séparation des activités en France et à l'international.

A titre personnel, vous avez quitté France Télécom il y a cinq ans. Cela vous donne quelle impression d'y retourner ?
C'est le retour du fils prodigue ! Je vous rappelle que j'ai obtenu un premier prix de religion au cours de mon enseignement. Je ne suis donc pas parti brouillé de France Télécom... D'ailleurs, je peux vous affirmer qu'à mon départ, j'avais déclaré qu'il fallait développer du "Wanadoo Inside", c'est-à-dire proposer la marque FAI en marque blanche. Wanadoo a des offres professionnelles entreprises mais c'est plus de la distribution.

Le fait que vous soyez un "ancien de la maison" a favorisé les négociations ?
Largement. Disons que cela a permis de donner des repères. On a essentiellement discuté avec Denis Petonay et Isabelle Giraud-David, responsable développement stratégie chez France Télécom eBusiness. Ces deux managers ont une très grande qualité d'écoute. Je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer Michel Bon, PDG de France Télécom, au cours des négociations.

Pourtant, en tant que dirigeant d'Internet Télécom et président de l'Afim, vous vous êtes souvent opposé à France Télécom...
J'ai davantage combattu les positions d'Itinéris [devenu Orange] que de France Télécom, tout comme celles de SFR d'ailleurs. La liberté du marché et son ouverture sont des choses importantes. Effectivement, il y a eu des cristallisations mais, sur le fond, à partir du moment où France Télécom a reconnu le bien-fondé de nos arguments, je ne vais pas me plaindre.

Internet Télécom rejoint le giron de France Télécom et votre principal concurrent e-Brands celui du groupe Vivendi Universal. Cela vous inspire quoi ?
Les leaders avec les leaders....Je pense que France Télécom a une activité dix fois supérieure à celle de Vivendi Universal dans le domaine des télécoms. C'est d'ailleurs le même ratio entre Internet Télécom et e-Brands dans le secteur sur lequel on évolue.

Globalement, que vous inspire les soubresauts de la nouvelle économie ?
Ce que l'on paie aujourd'hui, c'est l'auto-référentialité du capital sans visage. C'est-à-dire que les processus de décision sont uniquement planifiés sur le court terme en anticipant les réactions des autres acteurs du marché. C'est comme cela que l'on a élevé des pyramides d'argent virtuel, qui se sont effondrées aussi rapidement qu'elles se sont construites.


C'est un discours que l'on rarement entendu l'année dernière, en pleine période euphorique de la
Net-économie...

Internet Télécom n'a jamais bénéficié de l'euphorie autour du Net. Et même si on a eu des valorisations extrêmement élevées, nous n'avons jamais touché l'argent. [NDLR : Internet Télécom auraît été valorisé un milliard de francs l'année dernière avant l'e-krach].

Quels messages voulez-vous faire passer dans l'ouvrage que vous rédigez actuellement sur la nouvelle économie ?
Il faut démystifier la nouvelle économie. Je ne crois pas que l'Internet soit le bonheur pour tous. Il existe une véritable fracture numérique. Je crois qu'il faut réfléchir sur le mode de fonctionnement de l'Internet et les échecs qui y sont liés.

Soutenez-vous l'initiative de l'association "J'accuse", association de lutte contre le racisme sur l'Internet, qui demande à seize FAI français de fermer l'accès à un portail incitant à la haine ?
La question du contrôle et de la censure est un sujet compliqué. Où est la frontière entre un système de répression des délits et celui qui consiste à ne pas fliquer systématiquement les gens ? Dans tous les cas, il faut condamner ceux qui passent la ligne jaune. Mais la liberté de chacun est aussi importante.

Quel est votre site d'information favori ?
Je ne change pas : c'est Libération. Pour moi, c'est le site qui m'offre l'information le plus rapidement.

Votre site favori en dehors de vos activités professionnelles ?
J'aime bien aller sur Goa.com [NDLR : propriété de &Wanadoo]. Les jeux en réseaux, c'est très drôle. J'aurais pu citer le site de Loftstory également !

Qu'aimez-vous sur Internet ?
La diversité des connaissances et du savoir.

Que détestez-vous sur Internet ?
Ses dérives et ses excès. On voit ainsi apparaître de nouveaux champs de délits. L'Internet n'est qu'un miroir de l'humanité, avec ses aspects positifs et négatifs.

Internet Télécom : ses branches et ses clients
Compétences d'Internet Télécom
Clients
FAI marque blanche
M6, Société Générale, Fnac.net, AltaVista France
Régie publicitaire
(Axidium Espace)
Assurnews.com, Bourse-des-voyages.com, C-monweb.com Cyberprofs.net, Orientation.fr, Ebuyclub.com, Erecrut.com, Generationbac.com, Maporama.com, Matoox.com, Students-Life.com, Velo101.com
Médiamix (édition déléguée)
RFO, Canal Jimmy, Wanadoo, Shisheido
Call Center
(Internet Performance)
M6, Société Générale

Source : Internet Télécom

 
Propos recueillis par Philippe Guerrier

PARCOURS
 
Sébastien Crozier, 33 ans, diplômé ingénieur de l'ESIEE, a lancé en 1990 ICI Télématique. En 1994, il devient directeur commercial chez France Télécom. Puis, il prend un poste de consultant pour JKLM entre 1997 et 1999. Il cofonde ensuite Internet Telecom avec son ex-associé Xavier Blanchot.

   
 
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