Quel est le bilan
des sites Sports.com en Europe et la rentabilité de chacun ?
Hervé Payan. Actuellement, en terme d'audience, le site
de langue anglaise est évidemment le plus visité car nous
avons une portée très large. Nous avons par exemple beaucoup
de visiteurs de la péninsule indienne pour les informations concernant
le cricket. Ensuite, il y a le site de langue française, puis l'allemand,
l'italien et l'espagnol. Au total, nous accueillons 4,8 millions de visiteurs
uniques par mois pour 455 millions de pages vues. En France, selon Nielsen,
nous atteignons près de 235 000 visiteurs uniques au mois de septembre.
Au niveau financier, en Europe l'an dernier nous avons réalisé
un chiffre d'affaires de 10 millions d'euros, dont environ 3 millions
en France, avec 45% de publicité, 45% de vente de contenu et 10%
d'e-commerce. Pour l'instant, sur neuf mois, nous avons dépassé
ce chiffre avec une large montée en puissance des revenus issus
des paris lancés en février en Angleterre et une décrue
des revenus publicitaires. Nous visons une rentabilité pour chacun
des sites au maximum d'ici deux ans.
Combien vous a coûté
la notoriété de Sports.com sur la dernière année
?
En tout, nous avons dépensé
entre 8 et 10 millions d'euros en marketing. Nous nous consacrons majoritairement
à de la publicité online. La seule exception est pour notre
espace de paris sportifs en Angleterre. Ce produit a besoin d'une forte
reconnaissance et nous devons donc passer par des formes plus traditionnelles
de communication comme la télévision ou la radio.
Vous avez eu une politique
de développement pan européen. N'était-ce pas un
peu présomptueux et finalement peu rémunérateur ?
Non, nous pensons que c'est nécessaire. Les synergies sont très
fortes au niveau éditorial. Quand Zidane est parti de la Juventus
au Real, nous l'avons annoncé avant tout le monde. Tout simplement
parce que nous sommes présents en Italie et en Espagne et que nous
avons pu recouper les informations. Anelka au PSG, nous étions
également les premiers. Avec 120 journalistes en Europe, les synergies
sont évidentes. L'autre élément concerne la couverture.
Si vous prenez un sport comme le golf, il est très difficile pour
un journal français de suivre tous les tournois dans le monde.
Avec notre réseau, cela ne nous coûte pas plus de diffuser
un compte-rendu sur tous les sites puisque nous envoyons un journaliste
pour la couverture de l'événement pour le site local. C'est
cette exhaustivité qui fait notre force.
La grande majorité
des sites de sports dépend encore très largement de la publicité.
Vers quel modèle allez-vous évoluer ?
Tout d'abord l'échec du modèle simplement publicitaire n'est
pas un fait nouveau. Un site de sports ne peut pas vivre que de la publicité.
Cette donnée est connue depuis 1999. Ceux qui ont prétendu
le contraire l'an dernier sont rares et nous n'en faisons pas partie.
En revanche, il est clair que les modèles sont longs à se
mettre en place. Depuis notre création nous avons essayé
de définir quatre sources de revenus. Le premier, vendre du contenu
à d'autres sites ou à d'autres supports. Le second est la
publicité. Le troisième
pilier est le commerce électronique. Mais sur ce dernier point
l'approche a évolué. Au début nous le faisions nous-mêmes
puis nous l'avons mis en stand-by. Finalement, nous venons de signer un
accord mondial avec Otto Versand, l'un des actionnaires des 3 Suisses,
pour développer des solutions de merchandising de produits sportifs.
Nous pensons que l'e-commerce est un métier de spécialiste.
Enfin, le dernier levier est nouveau et concerne les paris sportifs. Mais
ils sont autorisés seulement en Angleterre. Ce business est trés
prometteur puisqu'il représente déjà un tiers des
revenus du site anglais avec seulement huit mois d'existence.
Comptez-vous en proposer
en France ?
Non
car la législation ne le permet pas. D'ailleurs aucun internaute
français ne peut aller jouer sur le site anglais. Nous nous conformons
donc à cette loi et nous pensons qu'elle n'évoluera pas
rapidement au niveau européen.
Dans les sources de
revenus, vous n'évoquez pas les revenus issus de la diffusion de
matchs de football sur Internet. Vous avez pourtant testé le produit
sur le site anglais (lire l'article
du JDNet du 27 septembre 2001) ?
Car ce sont simplement des tests grandeur nature et qu'en règle
générale nous ne sommes pas des grands fans de la vidéo
en temps réel. Pour l'instant, nous avons un accord avec Videosport
pour retransmettre 24 matches de coupe de l'UEFA cette année. On
nous dit qu'il y a un potentiel alors nous voulons tester. Mais nous n'avons
pas vraiment inclu de revenus provenant de ce pôle. Pour les premiers
matchs, nous avons eu 4 500 enregistrements.
En absolu c'est bien mais comparé à l'audience que nous
avons, cela ne représente pas grand chose.
Les retransmissions
sportives, dont l'avenir semble prometteur, se heurtent à des problèmes
de droits. Une "petite" société, en terme financier,
comme la vôtre peut elle se mêler à d'éventuelles
négociations face à Canal Plus ou TF1?
C'est une éventualité. Nous avons notamment dans notre capital
IMG McCormack qui est l'un des leaders mondiaux en marketing sportif et
qui pourrait servir de passerelle. Aux Etats-Unis, notre maison-mère
a également passé un accord avec la ligue de basket américaine
(NBA) au début de l'année pour pouvoir diffuser des extraits
de matchs. Mais il est prématuré à mon sens de parler
des droits Internet alors que le marché est inexistant. Les négociations
sont d'ailleurs complexes puisque personne ne sait ce que sera le marché
dans quelques années. Difficile donc de déterminer un prix
et surtout les services qu'on offrira réellement. Nous sommes en
revanche très attentifs à l'UMTS. Pas pour faire de la retransmission
live mais éventuellement pour du "Near Live". Cela consiste
à envoyer l'évolution du score en mode texte et éventuellement
des petites vidéos. En Italie, nous sommes conseil pour l'intégration
de contenu sur l'UMTS auprès de certains clubs par exemple. A ce
niveau, la France a d'ailleurs pris un certain retard selon moi par rapport
aux autres pays européens.
Dans ce domaine les
médias se heurtent sur Internet à une nouvelle concurrence
avec les sites institutionnels ou ceux des clubs. Les sites du PSG ou
de l'OM sont ainsi dans les dix premières audiences du secteur
sportif. Est-ce que vous craignez une appropriation du contenu par ces
acteurs ?
Pas vraiment. L'OM a par exemple sa chaîne de télévision
et cela n'empêche pas les gens de regarder le football à
la télévision, même chez les supporters. Sur Internet,
c'est pareil et en plus je pense que les gens font la différence
entre l'information et la communication. Mais nous restons vigilants.
Nous travaillons d'ailleurs avec les clubs sur internet. Nous faisons
notamment des tests vidéos de retransmission de match pour le site
de Manchester United. Et nous sommes également partenaires du Real
de Madrid.
Chez les sites sportifs,
pensez vous qu'il y a encore trop d'acteurs en France ?
Il
est certain qu'à la différence des autres pays, la concentration
ne s'est pas faite. Avec L'Equipe, Sport24, Sporever, Free-goal ou Sportal,
il y a effectivement trop d'acteurs et le marché n'est pas assez
large pour laisser survivre tout le monde même en diversifiant les
revenus.
Dans cette optique
êtes vous partisan d'opérations de croissance externe ?
Nous
n'y étions pas du tout favorables mais cela nous intéresse
désormais. Mais cela ne sera pas forcément dans l'Internet
et certainement pas avec des sites qui ont le même positionnement
que nous. Nous étudions les dossiers en Europe dans plusieurs domaines.
Etes-vous tenté
par un passage au payant de l'information sportive ?
Tout
le monde regarde le modèle. Mais pour qu'une information soit payante,
il faut qu'elle soit exclusive. Si les gens payent leur abonnement à
Canal Plus pour le football c'est parce qu'ils ne pourront pas voir le
match ailleurs. Je pense que c'est donc difficilement transposable à
l'information sportive sur Internet.