INTERVIEW
 
Président Europe
Sports.com
Hervé Payan
"Titre"

SportsLine Europe est la société éditrice du site pan-européen de sports Sports.com. Créé en 1999, le groupe est détenu notamment par le site de sport américain SportsLine.com (31%), le fonds de George Soros, Soros Private Equity (17%), Sports Capital Partner (17%) et la société de marketing sportif IMG-McCormack (10%) ainsi que par des sportifs comme Tiger Woods, Shaquille O'Neal ou Michael Jordan. Après une année 2000 placée sous le signe de la conquête d'audience et où la publicité a constitué l'essentiel des revenus, Sports.com, comme les autres sites du secteur, continue sa diversification. Hervé Payan, le président de SportsLine Europe détaille sa stratégie et fait le point en France sur un secteur qui est encore loin d'avoir effectué sa purge.

24 octobre 2001
 
          

Quel est le bilan des sites Sports.com en Europe et la rentabilité de chacun ?
Hervé Payan. Actuellement, en terme d'audience, le site de langue anglaise est évidemment le plus visité car nous avons une portée très large. Nous avons par exemple beaucoup de visiteurs de la péninsule indienne pour les informations concernant le cricket. Ensuite, il y a le site de langue française, puis l'allemand, l'italien et l'espagnol. Au total, nous accueillons 4,8 millions de visiteurs uniques par mois pour 455 millions de pages vues. En France, selon Nielsen, nous atteignons près de 235 000 visiteurs uniques au mois de septembre. Au niveau financier, en Europe l'an dernier nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 10 millions d'euros, dont environ 3 millions en France, avec 45% de publicité, 45% de vente de contenu et 10% d'e-commerce. Pour l'instant, sur neuf mois, nous avons dépassé ce chiffre avec une large montée en puissance des revenus issus des paris lancés en février en Angleterre et une décrue des revenus publicitaires. Nous visons une rentabilité pour chacun des sites au maximum d'ici deux ans.

Combien vous a coûté la notoriété de Sports.com sur la dernière année ?
En tout, nous avons dépensé entre 8 et 10 millions d'euros en marketing. Nous nous consacrons majoritairement à de la publicité online. La seule exception est pour notre espace de paris sportifs en Angleterre. Ce produit a besoin d'une forte reconnaissance et nous devons donc passer par des formes plus traditionnelles de communication comme la télévision ou la radio.

Vous avez eu une politique de développement pan européen. N'était-ce pas un peu présomptueux et finalement peu rémunérateur ?
Non, nous pensons que c'est nécessaire. Les synergies sont très fortes au niveau éditorial. Quand Zidane est parti de la Juventus au Real, nous l'avons annoncé avant tout le monde. Tout simplement parce que nous sommes présents en Italie et en Espagne et que nous avons pu recouper les informations. Anelka au PSG, nous étions également les premiers. Avec 120 journalistes en Europe, les synergies sont évidentes. L'autre élément concerne la couverture. Si vous prenez un sport comme le golf, il est très difficile pour un journal français de suivre tous les tournois dans le monde. Avec notre réseau, cela ne nous coûte pas plus de diffuser un compte-rendu sur tous les sites puisque nous envoyons un journaliste pour la couverture de l'événement pour le site local. C'est cette exhaustivité qui fait notre force.

La grande majorité des sites de sports dépend encore très largement de la publicité. Vers quel modèle allez-vous évoluer ?
Tout d'abord l'échec du modèle simplement publicitaire n'est pas un fait nouveau. Un site de sports ne peut pas vivre que de la publicité. Cette donnée est connue depuis 1999. Ceux qui ont prétendu le contraire l'an dernier sont rares et nous n'en faisons pas partie. En revanche, il est clair que les modèles sont longs à se mettre en place. Depuis notre création nous avons essayé de définir quatre sources de revenus. Le premier, vendre du contenu à d'autres sites ou à d'autres supports. Le second est la publicité. Le troisième pilier est le commerce électronique. Mais sur ce dernier point l'approche a évolué. Au début nous le faisions nous-mêmes puis nous l'avons mis en stand-by. Finalement, nous venons de signer un accord mondial avec Otto Versand, l'un des actionnaires des 3 Suisses, pour développer des solutions de merchandising de produits sportifs. Nous pensons que l'e-commerce est un métier de spécialiste. Enfin, le dernier levier est nouveau et concerne les paris sportifs. Mais ils sont autorisés seulement en Angleterre. Ce business est trés prometteur puisqu'il représente déjà un tiers des revenus du site anglais avec seulement huit mois d'existence.

Comptez-vous en proposer en France ?
Non car la législation ne le permet pas. D'ailleurs aucun internaute français ne peut aller jouer sur le site anglais. Nous nous conformons donc à cette loi et nous pensons qu'elle n'évoluera pas rapidement au niveau européen.

Dans les sources de revenus, vous n'évoquez pas les revenus issus de la diffusion de matchs de football sur Internet. Vous avez pourtant testé le produit sur le site anglais (lire l'article du JDNet du 27 septembre 2001) ?
Car ce sont simplement des tests grandeur nature et qu'en règle générale nous ne sommes pas des grands fans de la vidéo en temps réel. Pour l'instant, nous avons un accord avec Videosport pour retransmettre 24 matches de coupe de l'UEFA cette année. On nous dit qu'il y a un potentiel alors nous voulons tester. Mais nous n'avons pas vraiment inclu de revenus provenant de ce pôle. Pour les premiers matchs, nous avons eu 4 500 enregistrements. En absolu c'est bien mais comparé à l'audience que nous avons, cela ne représente pas grand chose.

Les retransmissions sportives, dont l'avenir semble prometteur, se heurtent à des problèmes de droits. Une "petite" société, en terme financier, comme la vôtre peut elle se mêler à d'éventuelles négociations face à Canal Plus ou TF1?
C'est une éventualité. Nous avons notamment dans notre capital IMG McCormack qui est l'un des leaders mondiaux en marketing sportif et qui pourrait servir de passerelle. Aux Etats-Unis, notre maison-mère a également passé un accord avec la ligue de basket américaine (NBA) au début de l'année pour pouvoir diffuser des extraits de matchs. Mais il est prématuré à mon sens de parler des droits Internet alors que le marché est inexistant. Les négociations sont d'ailleurs complexes puisque personne ne sait ce que sera le marché dans quelques années. Difficile donc de déterminer un prix et surtout les services qu'on offrira réellement. Nous sommes en revanche très attentifs à l'UMTS. Pas pour faire de la retransmission live mais éventuellement pour du "Near Live". Cela consiste à envoyer l'évolution du score en mode texte et éventuellement des petites vidéos. En Italie, nous sommes conseil pour l'intégration de contenu sur l'UMTS auprès de certains clubs par exemple. A ce niveau, la France a d'ailleurs pris un certain retard selon moi par rapport aux autres pays européens.

Dans ce domaine les médias se heurtent sur Internet à une nouvelle concurrence avec les sites institutionnels ou ceux des clubs. Les sites du PSG ou de l'OM sont ainsi dans les dix premières audiences du secteur sportif. Est-ce que vous craignez une appropriation du contenu par ces acteurs ?
Pas vraiment. L'OM a par exemple sa chaîne de télévision et cela n'empêche pas les gens de regarder le football à la télévision, même chez les supporters. Sur Internet, c'est pareil et en plus je pense que les gens font la différence entre l'information et la communication. Mais nous restons vigilants. Nous travaillons d'ailleurs avec les clubs sur internet. Nous faisons notamment des tests vidéos de retransmission de match pour le site de Manchester United. Et nous sommes également partenaires du Real de Madrid.

Chez les sites sportifs, pensez vous qu'il y a encore trop d'acteurs en France ?
Il est certain qu'à la différence des autres pays, la concentration ne s'est pas faite. Avec L'Equipe, Sport24, Sporever, Free-goal ou Sportal, il y a effectivement trop d'acteurs et le marché n'est pas assez large pour laisser survivre tout le monde même en diversifiant les revenus.

Dans cette optique êtes vous partisan d'opérations de croissance externe ?
Nous n'y étions pas du tout favorables mais cela nous intéresse désormais. Mais cela ne sera pas forcément dans l'Internet et certainement pas avec des sites qui ont le même positionnement que nous. Nous étudions les dossiers en Europe dans plusieurs domaines.

Etes-vous tenté par un passage au payant de l'information sportive ?
Tout le monde regarde le modèle. Mais pour qu'une information soit payante, il faut qu'elle soit exclusive. Si les gens payent leur abonnement à Canal Plus pour le football c'est parce qu'ils ne pourront pas voir le match ailleurs. Je pense que c'est donc difficilement transposable à l'information sportive sur Internet.

 
Propos recueillis par Jérôme Batteau

PARCOURS
 
Hervé Payan, 41 ans, détient un diplôme d'ingénieur de l'l'ENFTA. Après avoir commencé sa carrière comme directeur marketing de Philips pour les produits de télévision interactive, il rejoint en 1993 Nethold pour le lancement en Europe du Nord et en Italie de Digital TV. Avant de prendre la tête de Sports.com en Europe en 1999, il a notamment été pendant deux ans le directeur général de la chaîne de télévision Telepiu, filiale de Canal Plus en Italie.

   
 
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