JDNet.
La presse professionnelle américaine a consacré plusieurs
articles à ce qu'elle appelle votre "Net success story",
mais rien n'est paru en France. Comment l'expliquez-vous ?
Antoine Toffa.
Sans doute parce que la plus grande partie de ma carrière professionnelle
s'est jouée aux Etats-Unis. Pourtant, j'ai des racines en France.
Je suis né à Kassel en Allemagne, mais ma mère est
française et mon père vient du Togo (ex-colonie française).
La plus grande partie de ma jeunesse, je l'ai vécue à Paris.
J'ai gardé ma nationalité française mais je vis maintenant
à Denver et ma femme est américaine. Il est possible qu'un
jour, je prenne la double nationalité...
Comment
avez-vous commencé votre carrière aux
Etats-Unis ?
C'est d'abord pour des
raisons personnelles que j'ai rejoint les Etats-Unis, afin de vivre avec
ma femme qui était partie dans le Colorado. Entre 1992 et 1994,
j'ai fait un MBA à Harvard. C'est ce qui m'a permis de démarrer
dans Internet. Je faisais partie d'un club "high tech" dans
le campus. J'ai pu rencontrer à ce moment la présidente
de Time Warner Interactive, qui m'a proposé de me pencher sur un
projet mêlant câble et Internet en Floride en tant que consultant.
Puis, une société de communication (et actionnaire de Time
Warner), US West devenue Qwest, m'a recruté à la fin de
mon MBA et je me suis installé à Denver.
Votre
découverte de l'Internet a été tumultueuse...
Je vais vous raconter une anecdote révélatrice de l'état
d'esprit du moment : en tant que directeur de la stratégie multimédia
de US West/Qwest, je reçois en septembre 1994 des représentants
de deux petites sociétés, qui s'appelaient Netscape et Yahoo.
Elles cherchaient un véritable premier tour financier après
avoir reçu du "seed capital". Soit 2 millions de dollars
pour une prise de participations de 10% dans le capital de leur entreprise.
Malheureusement, le projet d'investissement n'a pas retenu l'attention
du conseil d'administration de Qwest. Après la prise de participation
de 25% de Time Warner dans notre société, pour 2, 5 milliards
de dollars, les membres dirigeants de Qwest ne comprenaient pas mon intérêt
pour ces sociétés Internet, un secteur certes balbutiant
à l'époque. Puis Netscape est entré au Nasdaq en
août 1995 : elle valait deux milliards de dollars après une
semaine de trading. C'est là où j'ai eu mon "break",
comme disent les Américains. La direction de Qwest m'a proposé
de monter une division d'investissement dans Internet et nous avons pris
des participations, par exemple dans SportsLine, revendu quatre mois plus
tard au network CBS.
Fin 1995, il me vient l'idée de créer un site de voyages
pour les PME. Ce sera Trip.com. Je travaillais sur ce projet chez moi
la nuit puis je suis allé voir la direction de Qwest pour leur
demander un appui financier. Le groupe a injecté 2 millions de
dollars, puis 3 millions suplémentaires six mois plus tard. En
tout, en trois ans et demi, j'ai levé 51 millions de dollars pour
le compte de Trip.com. On n'a utilisé que la moitié de l'argent
qui avait été mis à notre disposition. Nous avons
vendu la société à Galileo International pour 326
millions de dollars. Nous avons eu une chance énorme, car on a
vendu la société quatre mois avant l'e-krach.
Quels
résultats avez-vous obtenus avec Trip.com ?
Nous recensions 4 millions de clients, le chiffre d'affaires atteignait
60 millions de dollars et l'effectif total atteignait 220 personnes. C'était
assez intense. Maintenant, la société prospère.
Pourquoi
Trip.com n'est-il pas entré en bourse ?
En juillet 1999, nous étions prêts
à faire le bond. A quelques semaines de l'IPO, Galileo International,
un de nos actionnaires (20% de Trip.com), a décidé de faire
une offre de rachat. On a tout stoppé.
Quelle
plus-value avez-vous récupérée après la cession
de Trip.com ?
Le calcul est facile : nous avons levé
51 millions de dollars et nous avons revendu à 326 millions de
dollars.
La plus-value, c'est la différence.
D'où
vous est venue l'idée de lancer TamTam ?
Je me suis mis sur ce projet six mois après la revente de Trip.com.
Je suis parti d'un constat : les entreprises américaines sont très
axées sur le marché intérieur, ce qui peut paraître
étonnant désormais avec le développement de l'Internet.
Nous étions partis sur un concept de place de marché, finalement
pas très novateur, puis nous nous sommes concentrés sur
le domaine de l'import-export. C'est une approche d'abord technologique,
puis de conseil. Nous développons des logiciels de productivité
pour le négoce international et nous avons trois outils autour
de la productivité en matière de vente, de la gestion des
ressources et des données internationales. Nous avons accés
à un réseau de consultants dans le monde entier, qui nous
permet d'avoir une vraie expertise.
Vous
avez l'intention d'ouvrir un bureau à Paris ?
Nous avons l'intention de nous développer sur la base d'un réseau
de consultants. D'ici un ou deux ans, nous verrons comment être
présents physiquement sur les principaux marchés européens.
Pour l'instant, la majorité de nos clients sont américains.
Quels résultats obtenez-vous ?
Nos revenus sont minimes pour l'instant. On
peut les compter en centaine de milliers de dollars.
Vous
allez lever des fonds pour TamTam ?
Nous nous auto-finançons actuellement. Vu la conjoncture, nous
ne comptons que sur nous-mêmes. Nous verrons dans six mois si on
ouvre le capital à des investisseurs.
Et
dans quelle mesure le marché est-il potentiellement important dans
le domaine de l'import-export ?
L'Internet est de plus en plus utilisé
dans ce domaine, surtout l'utilisation d'e-mails, qui ont tendance à
remplacer le fax. Naturellement, les résultats sont différents
en fonction de niveau de développement industriel des pays et de
leur implication dans la négoce internationale. L'un des principaux
problèmes que l'on rencontre, c'est la fiabilité des interlocuteurs
à l'international. Sont-ils viables ? Comment suivre les ventes
? Quel prix adopter sur un marché pour un produit donné?
Etc. Autant de questions auxquelles on s'intéresse.
Estimez-vous que les vrais bouleversements provoqués par le développement
de l'Internet toucheront davantage le BtoC ou le BtoB ?
A court terme, c'est au niveau de l'e-Business
que l'on constatera les plus grands effets. Historiquement, je dirais
qu'après l'ère de production industrielle de masse, qui
permet d'aboutir à des économies d'échelle, la révolution
tourne dorénavant autour du traitement de l'information, avec des
économies de transactions. Ce sont des processus automatisés
et beaucoup plus rapides. Parallèlement, il y aura de nouvelles
opportunités pour l'Internet grand public lorsque les accès
haut débit se développeront à une plus grande échelle.
Sur ce point, nous en sommes au début aux Etats-Unis.
Quel
est votre site d'informations favori ?
J'aime beaucoup JOC.com
(The Journal of Commerce), qui donne des informations globales sur la
négoce internationale. Les analyses et le contenu éditorial
sont bons.
Quel
est votre service en ligne favori ?
J'aime beaucoup Google.com.
C'est le meilleur outil de recherche d'un point de vue technologique.
Et puis je regarde beaucoup de sites financiers comme e*Trade.
Antoine Toffa,
diplômé d'HEC (1988) puis titulaire d'un MBA de Harvard (1994), débute sa
carrière en 1987 en tant que consultant pour Matra-Communication sur le
projet Minitel. Il rejoint ensuite le cabinet de conseil Mars & Co où il
dirige plusieurs missions de stratégie et d'organisation pour de grandes
sociétés comme Pepsi Co et Lafarge. En 1993 il mène une mission de conseil
pour Time Warner Interactive sur un projet de télévision interactive. Il
passe ensuite chez USWest (devenu Qwest), une grande entreprise de télécommunications
américaine, où il occupe successivement les postes de directeur associé
pour la stratégie du groupe, directeur de la stratégie Multimédia et enfin
directeur général des services interactifs. En 1996 il crée Trip.com. En
2000, il créé la société TamTam Inc.
Antoine Toffa est aussi présent dans plusieurs conseils d'administration,
notamment ceux de TravelNow and 800 Travel Systems, deux sociétés américaines
cotées au Nasdaq. Il est également membre du conseil d'Etablissement de
l'école internationale de Denver, du comité consultatif du MBA de l'université
du Colorado et de l'association humanitaire « Colorado Uplift », qui aide
les écoliers des quartiers pauvres de Denver. Antoine Toffa est aussi le
président de NetLeaders.org, rassemblant les CEOs du secteur Internet pour
la région des Rocheuses. Enfin, il est membre de l'organisation "Young
Presidents".
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