JDN
: Innovacom a investi aux débuts de Kelkoo et vous êtes administrateur
de la société depuis le début. Pourquoi avez-vous décidé
d'investir dans cette société à l'origine et comment
jugez-vous son évolution ?
Frédéric
Humbert (General Partner) En
juin 1999, Laurent Souloumiac, alors chez Voila, nous a mis en relation
avec l'équipe de Bull et de l'Inria qui développait le moteur de shopbot.
Puis nous avons trouvé Pierre Chappaz sur notre route. Le projet disposait
d'une technologie puissante et assez unique, même si on ne construit pas
un business uniquement sur une techno, et un groupe de cinq managers fondateurs,
dont trois informaticiens venant de l'Inria et deux hommes de marketing
venant d'IBM. Cela faisait un socle intéressant pour bâtir quelque chose.
Mais tout restait à construire sur un business qui restait à inventer. La
société a réalisé des taux de croissance assez
uniques et a été capable de se développer à l'échelle européenne.
Le cap a été remarquablement tenu tout le temps : être un intermédiaire
vis-à-vis des marchands et faire du chiffre d'affaires en faisant payer
les marchands pour le service qu'on leur rendait. C'est rapide à dire, mais
derrière cela, la recette est extrêmement complexe et a réclamé beaucoup
de tâtonnements, de formules différentes selon les secteurs d'activité.
Selon
Pierre Chappaz, une des qualités de Kelkoo est d'être prévisible et de
savoir où il sera dans trois mois ou six mois. Partagez-vous ce sentiment
en tant qu'investisseur ?
Il faut faire la part entre le business
model et la qualité des managers. Le business de Kelkoo est prévisible
: quand ils nous disent où ils seront dans six mois, en général, ils ne
se trompent pas. C'est dû à la nature de leur activité, où les
engagements d'achat et de vente sont assez visibles. Comme ils parlent
à plusieurs milliers de marchands, ils ont un comportement assez statistique.
Mais derrière, l'entreprise s'est donnée les moyens de s'offrir cette
prédictibilité, avec des outils d'organisation, de CRM, de reporting ou
de travail collaboratif. Ils ont une capacité analytique pour comprendre
leur business que je n'ai vue nulle part ailleurs.
L'année
2004 pourrait être marquée à la fois par une introduction
en Bourse et des mouvements dans le capital. Comment vous positionnez-vous
?
Les banques d'affaires ont commencé à nous parler de la Bourse, car
Kelkoo ferait un bon candidat avec son taux de croissance, la prédictibilité
de ses performances, la qualité du management. Et puis c'est une société
rentable. Mais pour l'instant, en matière d'introduction, personne
ne veut s'engager en France. Il va falloir que le marché boursier se réouvre,
les premiers vont essuyer les plâtres et il vaudra peut-être mieux attendre
un peu. Cela
dit, je ne crois pas qu'une société a intérêt à axer sa stratégie sur
"je me lance cette année". La bonne démarche c'est de construire
son plan puis de saisir les opportunités. Quant aux mouvements éventuels
au sein du capital, ils ne nous concernent pas du tout et je continue
de supporter le développement de Kelkoo [NDLR : Innovacom détient
aujourd'hui environ 5% du capital].
Sur
l'ensemble des investissements d'Innovacom, quel "rating" accordez-vous
à celui dans Kelkoo ?
C'est assurément une des plus belles sociétés en terme de réussite opérationnelle,
de croissance de chiffre d'affaires ou de développement international.
Mais c'est aussi un investissement de la génération de la bulle. Ce n'est
donc certainement pas le dossier sur lequel nous réaliserons notre plus
grosse performance financière. Mais nous en espérons un retour qui soit
en rapport avec le succès de la société.
[François Bourboulon, JDNet]