L'expertise de
gestion : une arme à la disposition des actionnaires minoritaires
Par le Journal du Net (Benchmark Group) URL : http://www.journaldunet.com/juridique/juridique030624.shtml Lancer l'impression Mardi 24 juin 2003
Comme en témoignent les assemblées générales récentes d'actionnaires des sociétés cotées les plus médiatisées, la tendance est à la fronde des actionnaires minoritaires. Ceux-ci disposent traditionnellement du droit de poser des questions écrites à l'occasion de ces assemblées générales. Mais lorsque la défiance à l'égard des dirigeants s'accentue, les minoritaires n'hésitent plus à diligenter des mesures d'expertise judiciaire, véritables préambules à des actions en responsabilité contre le management. Les droits traditionnels
des actionnaires minoritaires
Ainsi, le droit d'information ne porte que sur des sujets très généraux tels que la liste des actionnaires, les statuts, les comptes sociaux, les rapports des commissaires aux comptes, etc Dès qu'il s'agit de recueillir des informations plus précises sur une opération particulière, les dirigeants peuvent se retrancher derrière les limites strictes que la loi a fixées au droit de communication et d'information des actionnaires. Aussi voit-on se développer la mise en uvre de mesures d'expertise que les minoritaires utilisent soit pour se faire confirmer la régularité de certaines décisions de gestion des dirigeants, soit pour se ménager des preuves préalablement à l'engagement de procédures judiciaires à l'encontre des dirigeants. L'expertise de "minorité" La loi NRE du 15 mai 2001 a créé une étape préalable : celle d'avoir d'abord posé des questions au président de la société. Ce n'est qu'en l'absence de réponse ou de réponse jugée insatisfaisante que les actionnaires pourront alors demander la désignation d'un expert. Bien sûr, le seuil de 5 % est difficilement atteignable dans une société cotée. En revanche, dans une société non cotée, cette mesure offre aux minoritaires un réel moyen de se faire une opinion objective sur certaines opérations de gestion suscitant leurs doutes. Pour être recevable, la demande d'expertise doit porter sur une ou des opérations de gestion précisément identifiées dans la requête. En d'autres termes, elle ne peut pas porter sur la gestion en général de l'équipe dirigeante. Une fois nommé, l'expert établit un rapport sur l'opération visée. Si ce rapport fait ressortir des dysfonctionnements ou des éléments exorbitant une gestion normale que les minoritaires pourront engager l'étape judiciaire suivante consistant à mettre en cause la responsabilité des dirigeants. Le rapport de l'expert de minorité constituera un élément à charge contre les dirigeants auquel ces derniers devrons alors apporter la contradiction. L'expertise
judiciaire Au plus fort de l'affaire Vivendi (Tribunal de Commerce de Paris 27 juin 2002), la justice avait dénié à l'Adam le droit de recourir à ces dispositions contre des dirigeants de Vivendi, considérant qu'il s'agissait là du dévoiement d'une disposition à caractère général dès lors qu'il existait la procédure spéciale d'expertise de " minorité " prévue par le nouveau code de commerce. Mais un arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 27 octobre 2002 est venu contredire cette première décision (Orex / Phénix Edition) et rétablir la possibilité pour des actionnaires d'utiliser cette mesure pour obtenir des éclaircissements sur la gestion de la société. La Cour souligne qu'il importe peu qu'en sa qualité d'actionnaire, le demandeur dispose du droit d'engager la procédure prévue par l'article L 225-231 du nouveau code de commerce (" expertise de minorité "), et que ce droit ne saurait le priver de la faculté de demander des mesures d'instruction sur le fondement de l'article 145 du NCPC ("expertise judiciaire"). Conclusion Dans une situation de grave conflit entre dirigeants et actionnaires suspicieux, on recommandera donc à ces derniers de choisir la voie de l'expertise judiciaire prévue par l'article 145 du NCPC. Elle permettra de se ménager sans délai les moyens de preuve qui pourront ultérieurement être éventuellement exploités dans le cadre d'une action en responsabilité. Elle attestera de la détermination des actionnaires de porter le débat sur le terrain judiciaire. Elle donnera à un tiers, l'expert, l'occasion de donner un avis impartial et approfondi sur les opérations suspectes et de peut-être de désamorcer ainsi la crise. [Rédaction, JDNet] |
|