La protection des
mineurs face aux sites pornographiques Par le Journal du Net (Benchmark Group) URL : http://www.journaldunet.com/juridique/juridique040203.shtml Lancer l'impression Mardi 3 février 2004
Protéger les mineurs sur l'internet recouvre essentiellement deux facettes : d'une part, il s'agit empêcher l'exploitation des mineurs dans la production pornographique (lutte contre la pédopornographie), et d'autre part, il s'agit de les empêcher d'accéder à des contenus qui sont légaux mais que l'on souhaite réserver aux adultes (protection de la jeunesse et de l'éducation). C'est au second aspect que la présente chronique s'intéresse. Le
cadre juridique français
L'article 227-24 vise donc tout message susceptible d'être vu ou perçu par un mineur et non celui qui lui est spécifiquement adressé (comme c'est le cas dans d'autres pays). En revanche, il ne s'applique qu'aux messages violents ou pornographiques. Définir
le message violent ou pornographique Une autre source d'inspiration consiste à puiser des repères dans la jurisprudence du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) dont l'une des missions est de veiller au respect de la dignité de la personne humaine et la qualité des programmes, et à la protection de l'enfance et de l'adolescence. Ce réflexe nous semble d'autant plus indiqué que l'article 224-22 contient un renvoi au droit audiovisuel lorsqu'il s'agit de déterminer la personne responsable. En concertation avec le secteur, une catégorisation des programmes a été établie pour permettre aux parents de contrôler ce que leur progéniture regarde. La première mouture date de 1996. Depuis le 18 novembre 2002, une nouvelle signalétique est en vigueur, qui classe les émissions de I à V. Il ne fait aucun doute que la transposition pure et simple de ce régime aux services en ligne est illusoire - voire impossible techniquement. Cela dit, quand il s'agit de catégoriser un programme violent ou pornographique, la jurisprudence du CSA est une source d'inspiration tout à fait exploitable. Quand un message est-il
susceptible d'être vu ou perçu par un mineur ?
La Cour d'appel de Paris a fait une application stricte de cette disposition dans son arrêt du 2 avril 2002 rendu à propos d'un site Web pornographique : "Il appartient à celui qui décide à des fins commerciales de diffuser des images pornographiques sur le réseau internet dont les particulières facilités d'accès sont connues, de prendre les précautions qui s'imposent pour rendre impossible l'accès des mineurs à ces messages. C'est à juste titre que les premiers juges ont relevé que l'obligation de précaution s'imposait au diffuseur du message et non au receveur, l'accessibilité aux dites images étant bien le fait de leur commercialisation et non à la carence éventuelle des parents ou de la permissivité ambiante. Dans ces conditions, dès lors que Monsieur E. avait conscience, comme il l'a reconnu devant les services de police, que les précautions prises par lui n'empêchaient pas que ses sites soient susceptibles d'être vus par des mineurs, et qu'il a néanmoins continué à les exploiter, l'élément intentionnel est caractérisé. (...)" Considérant que le prévenu n'avait pas, entre le jugement et l'arrêt, pris d'autres mesures, la cour a alourdit l'amende (30.000 euros). Pourtant, le propriétaire du site en question avait manifestement à tout le moins réfléchi à la problématique de l'accès des mineurs, ce qui est loin d'être le cas de tous les sites pornographiques (passage obligatoire par une page d'accueil non-pornographique ; guide parental proposé ; cryptage des supports visuels les plus délicats). Pas très impressionnés, les magistrats ont appliqué l'article 227-24 avec la rigueur qui caractérise la jurisprudence traditionnelle sur ce point (voy. notamment CA Paris, 14 décembre 1994 et CA Paris, 13 mai 1998). La cour d'appel d'Angers a, elle aussi, fait une application remarquée de l'article 227-24 du code pénal à des faits concernant l'internet, mais elle s'est prononcée dans un sens radicalement opposé, ce qui a amené le procureur général à se pourvoir en cassation (procédure toujours pendante à l'heure d'écrire ces lignes). En l'espèce, le prévenu avait adressé des courriers électroniques à une trentaine de destinataires. Y a-t-il eu une erreur d'encodage, de redirection ou tout simplement un changement d'adresse d'un des destinataires, toujours est-il qu'un citoyen s'est retrouvé dans cette liste de diffusion sans l'avoir demandé, et qu'il a été très choqué par les trois courriels qu'il a reçu. Dès le premier courriel, il s'est adressé à l'émetteur pour manifester sa désapprobation, mais n'ayant pas eu satisfaction il a déposé plainte. Condamné par le juge correctionnel, le prévenu fait appel. Pour la cour, "Le courrier électronique est assimilable à une correspondance privée. Il est protégé par mot de passe personnel et confidentiel qui est composé par l'usager au moment de sa connexion à internet ou à sa boîte aux lettres électronique. Son titulaire est le seul à y avoir accès et il est responsable de son utilisation. Ce n'est que par sa volonté ou sa négligence qu'un mineur peut la consulter". La cour rappelle donc qu'un mineur est juridiquement incapable. Dès lors, s'il à accès à une adresse électronique, c'est, soit grâce à un contrat conclut par un majeur qui endosse la responsabilité de ce que le mineur fait avec le compte électronique ouvert à son nom, soit que le mineur utilise la connexion d'un majeur étant entendu qu'on ne peut reprocher au tiers qui envoie un message à cette adresse de ne pas avoir supposé qu'un mineur y a accès. Juridiquement, la cour a évidemment raison : un mineur est juridiquement incapable de contracter ; en pratique Vers une évolution ?
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