Le
directeur de l'informatique n'existe plus, vive le directeur
du système d'information ! La fonction de DSI,
née au même moment que l'informatique dans
l'entreprise, a dû s'adapter en une trentaine d'années
à des changements permanents et parfois radicaux.
L'arrivée des PC dans les bureaux a été
le premier tournant historique et, en quelque sorte, un
des principaux tremplins pour la profession. Le responsable
informatique, auparavant entouré de ses ordinateurs
et considéré par les autres fonctions comme
un exécutant de tâches purement techniques,
est alors devenu directeur du système informatique,
personnage reconnu dans l'entreprise, occupant un poste
stratégique.
C'est ensuite sur le long terme que le DSI est parvenu
à se créer une véritable place au
sein de l'organisation, au même titre que la fonction
"finance" ou commerciale. L'arrivée d'Internet
a très fortement contribué à renforcer
l'importance de son rôle dans la bonne exécution
des processus vitaux de la société. Le responsable
technique des années 70 a donc gravi en peu de
temps de très nombreux échelons, mais sa
mutation n'est en rien achevée.
Premier
tournant : l'apparition des PC
La première génération de responsables
informatiques, au début des années 70
s'est constituée et a évolué au
rythme de la technologie et suivant les étapes
classiques du métier : analyste-programmeur,
chef de projet, responsable d'études et directeur
de l'informatique. "En ce temps-là, la fonction
informatique était un peu mystérieuse
et pas très noble ; elle était en quelque
sorte la boîte noire de l'entreprise", rappelle
Marc Lenot, consultant au sein du cabinet de recrutement
Neumann International.
L'arrivée
des premiers PC, à la fin des années 80
marque un premier changement radical. Le technicien
prêt à se salir les mains voit sa fonction
prendre de l'ampleur avec une informatique éparpillée
dans les bureaux. La décentralisation du mainframe
lui permet d'établir un premier contact avec
les autres fonctions de l'entreprise. Une nouvelle organisation
de l'entreprise doit par conséquent être
créée pour prendre en compte cette nouvelle
réalité. La DSI devient alors fournisseur
interne de services informatiques, avec toujours pour
mission principale de faire remonter les chiffres d'activités
(outils de reporting) à la direction générale.
Le
long chemin vers la reconnaissance
Au cours des années 90, la barrière entre
la fonction informatique et les autres fonctions tombe
progressivement, car le DSI, pour suivre le mouvement
et adapter en permanence le système, doit s'investir
dans la compréhension des différents métiers
et de l'activité globale de l'entreprise. Il
passe ainsi du statut de directeur de l'informatique
à directeur de l'organisation informatique.
La fonction informatique n'apparaît dès
lors plus seulement comme un coût - elle reste
cependant étroitement surveillée - mais
comme un outil de différenciation par rapport
à la concurrence, un outil qui intervient au
sein de tous les services, des transports aux télécoms,
mais qui est aussi utilisé par les consommateurs,
les fournisseurs et les employés. Bref un outil
stratégique. "C'est autour de 1995 qu'il
y a eu une prise de conscience générale
: l'informatique n'était plus seulement un producteur
de chiffres, mais aussi un outil permettant de faire
évoluer les métiers de l'entreprise",
précise Marc Lenot.
Pourtant,
malgré la place stratégique croissante
de la fonction dans l'entreprise, "le directeur
de l'informatique se sent toujours mal aimé,
sans doute parce qu'il a toujours un raisonnement plus
traditionnel, plus technique que la direction générale,
qui a une vision 'business' de l'ensemble", note
Marc Lenot. Dans la plupart des entreprises, nombre
de DSI considèrent également qu'ils n'ont
pas encore acquis une crédibilité suffisante
pour combler le fossé qui les sépare de
leurs clients internes.
Les
différences d'estime de la fonction varient par
ailleurs d'un secteur d'activité à un
autre. Reconnue comme stratégique dans les entreprises
de services - pour qui le système d'information
est vital -, la DSI est en revanche considérée
comme une fonction de support dans le secteur de l'industrie.
"Par conséquent, on aura plus de chance
de trouver un DSI au plus haut niveau dans une entreprise
de services comme Bouygues Telecom, Air France ou La
Redoute que dans une entreprise industrielle",
commente Marc Lenot.
Le
DSI moderne est polyvalent
Aujourd'hui, et contrairement à ce qui se passait
10 ans auparavant, le DSI idéal est celui qui
n'a pas construit toute sa carrière dans la fonction
informatique. Car pour connaître et comprendre
les autres métiers de l'entreprise, mieux vaut
être passé par des fonctions commerciales
et dans une direction de production. "Je distingue
trois profils qui répondent à trois besoins
différents, révèle Marc Lenot.
Le premier est appelé par une entreprise dont
le système informatique ne fonctionne pas et
qui recherche un directeur informatique au profil technique
qui sache le remettre en marche ; le deuxième
est celui de quelqu'un qui saura faire baisser les coûts
d'un système en place (ingénieur gestionnaire)
; le troisième, plus récent, celui d'un
directeur capable de transformer la fonction informatique
en un outil stratégique".
Quant
à la génération montante des DSI
? "Une grande partie des DSI va partir à
la retraite dans les années à venir. Ils
ont acquis une réputation et une certaine reconnaissance
dans l'entreprise, sans mérite, puisque c'est
en s'adaptant sans cesse aux mutations de la technologie
et du marché. Les nouveaux DSI, plus jeunes,
seront avant tout des managers. Des gens qui devront
avoir, dès le début, une vision 'business'
de leur fonction, simultanément au renforcement
stratégique de la dimension informatique dans
l'entreprise".
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