Reprenons la main sur notre avenir : l'urgence de la formation en IA

Cette tribune appelle à réformer la formation en IA en France pour combler son retard, en lien avec les nouvelles tendances en management, formation, et technologie.

L'intelligence artificielle (IA) n'est plus seulement un domaine technologique parmi d'autres. Elle est devenue le cœur névralgique de nos économies, la clé de voûte des industries du futur. Mais face à cette révolution, la France est en retard. Un retard que nous ne pouvons plus nous permettre. D’ici 2025, 97 millions de nouveaux emplois liés à l’IA et au numérique pourraient voir le jour dans le monde, selon le Forum économique mondial. Et pourtant, en France, près de 85 000 postes dans le secteur numérique restaient non pourvus en 2023, selon Pôle emploi. Il est temps de réagir, et vite.

Des formations dominées par des intérêts étrangers

Le constat est amer : faute de solutions locales, ce sont les géants américains qui forment nos talents. Microsoft, Google, et d'autres investissent massivement dans la formation… pour leur propre compte. Ils n'enseignent pas l'IA en tant que discipline, mais bien leurs technologies propriétaires. Résultat : nos ingénieurs et techniciens se retrouvent prisonniers d'un écosystème étranger, formés pour servir des intérêts qui ne sont pas les nôtres.

Aujourd'hui, près de 60 % des compétences dans l'IA enseignées à travers le monde sont dominées par des technologies issues des grandes entreprises américaines. Cette situation pose une véritable question de souveraineté : que vaut une main-d'œuvre qualifiée si elle travaille pour des entreprises étrangères, contribuant ainsi à renforcer leur domination ? Pire encore, si nous ne formons pas rapidement nos propres talents, nous serons incapables de développer nos propres solutions technologiques. Et dans un monde où l’IA est une arme géopolitique, c’est tout simplement inacceptable.

Former pour notre futur, pas pour celui des autres

La première étape pour reprendre le contrôle passe par une analyse fine de nos besoins. Quels métiers, quelles compétences seront nécessaires demain ? Cette question essentielle reste aujourd’hui sans réponse claire. Les données sur les besoins des entreprises, des centres de recherche et des investisseurs sont fragmentées, mal partagées. Nous avons un besoin urgent de cartographier ces compétences et de créer des formations qui répondent aux véritables défis de notre époque.

En Europe, seulement 37 % des entreprises déclarent avoir les compétences internes nécessaires pour utiliser les technologies d'IA, selon un rapport de McKinsey. Il est urgent de renverser cette tendance. Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi créer un parcours clair, lisible, pour nos jeunes, nos étudiants et nos travailleurs en reconversion. Les métiers de l’IA sont encore largement méconnus, et le système d’orientation actuel est tout simplement obsolète. Les professionnels du secteur doivent être mis au cœur des dispositifs d’orientation, dès le lycée, pour faire découvrir ces nouvelles opportunités. Aujourd’hui seuls les professionnels sont capables de correctement expliquer et transmettre ces métiers nouveaux et changeants ; il nous faut créer des programmes de rencontre entre les lycéens et ces secteurs. Cependant l’entreprise reste aujourd’hui encore trop bannie de l’école publique.

Il nous faut également non seulement investir dans des entreprises françaises d’IA mais aussi garantir leur lien avec les centres de recherche et universités, afin que les professeurs puissent transmettre ces technologies à nos étudiants.

Un modèle à suivre : La Grande École du Numérique (GEN)

Heureusement, des solutions émergent. La Grande École du Numérique (GEN) en est un exemple concret. Elle parvient à cartographier les besoins de compétences et à orienter les organismes de formation, en utilisant des technologies de pointe comme VisionsTrust et les data spaces pour combiner des données d’offre de formation et d’emploi (Pôle Emploi, CPF, LinkedIn, Onisep, Hellowork, etc) avec des outils de skills analytics comme Mindmatcher et Inokufu . La GEN propose un modèle à suivre : elle identifie les formations en France, elle connecte les talents aux besoins réels du marché, et surtout, elle le fait dans une logique de souveraineté tout en utilisant la data et l’IA.

Ce modèle doit être élargi et soutenu. Il prouve qu'il est possible de former nos talents ici, pour répondre aux besoins de notre économie, plutôt que de voir nos jeunes et nos ingénieurs partir travailler pour des intérêts étrangers.

Agir maintenant, ou se faire dépasser

Le message est clair : si nous ne reprenons pas le contrôle de la formation en IA, nous serons les grands perdants de la révolution numérique. Il en va de notre avenir économique, technologique, et même géopolitique. La France a les ressources, les talents, et l’expertise pour former ses propres spécialistes de l'IA. Mais le temps presse. Selon l’OCDE, d’ici 2030, 32 % des emplois risquent d’être profondément transformés par l’automatisation. Sommes-nous prêts à y faire face ?

Le défi est immense, mais la solution est à notre portée : former, former rapidement, et former souverainement. Si nous ne le faisons pas, nous serons condamnés à dépendre des technologies d'autres pays, à voir nos talents s'envoler vers des entreprises étrangères. L’heure n’est plus aux hésitations : il est temps de passer à l’action et de reprendre la main sur notre avenir.