Mardi
11 janvier 2000
Bruno Oudet : "Face aux marchands, l'Etat doit prendre
ses responsabilités"
Président de l'Internet
Society française, Bruno Oudet est aussi le grand ordonnateur des IVes
"Rencontres d'Autrans" qui se sont achevées dimanche. Très
attaché aux valeurs citoyennes de l'internet, cet ex-attaché scientifique
de l'ambassade de France à Washington, volubile et volontiers provocateur, veut
provoquer un sursaut chez ses concitoyens grâce à ces Rencontres
qu'il qualifie "d'anti-Davos démocratique".
Propos
recueillis le 11 janvier 2000 par Jérôme Batteau
JDNet:
Quel bilan tirez-vous de ces rencontres d'Autrans?
Bruno Oudet: D'abord ces journées ont démontré
que face à l'internet marchand, la mobilisation était toujours aussi
grande pour un internet citoyen. A telle enseigne que je viens de lancer un projet
de site, solidarité.com.fr,
pour venir en aide aux victimes de la tempête qui a frappé la France
à la fin de l'année dernière. Ce sera une mobilisation extraordinaire
pour essayer de mettre en relation, par exemple, des couvreurs ou des bûcherons
canadiens avec les collectivités locales touchées par le sinistre.
Ce site n'ayant évidemment aucun but lucratif. Mais pour en revenir aux
Rencontres, je considère qu'elles ont vraiment été un succès
au niveau de l'esprit et des débats. A certains moments, Autrans s'est
transformé en une véritable arène surtout lorsqu'il y avait
confrontation entre marchands et simples citoyens. A tel point que Christian Paul,
le rapporteur parlementaire pour internet, a lâché en sortant: "Je
pensais que l'internet était compliqué mais après Autrans
je me dis que ca dépasse en complexité tout ce que j'avais pu imagineré".
Enfin l'apport de la télévision avec la retransmission en direct
a vraiment amené quelque chose au niveau de l'ambiance.
Mais
on a quand même une impression de recul de l'internet
citoyen?
C'est vrai.
En 1999, il n'y a quasiment pas eu d'initiative majeure dans
ce domaine. C'est triste quand on sait qu'universitaires,
citoyens et chercheurs sont les créateurs de ce réseau
et qu'au début, la mobilisation était très
forte pour contrer des machines comme Prodigy ou Compuserve.
Je ne suis évidemment pas contre les marchands puisqu'ils
permettent de faire baisser le prix de l'internet. Mais il
ne faut pas que cela soit la seule vocation du réseau.
Or en ce moment on est vraiment en train de perdre cette bataille.
Il faut donc reprendre le dessus. Et j'espère qu'on
va essaimer l'idée citoyenne en région. L'idéal
serait qu'Autrans reste un forum généraliste
tandis qu'une multitude de rencontres thématiques se
créerait ailleurs. Par ailleurs, l'Etat doit prendre
ses responsabilités. A l'heure actuelle les capital-risqueurs
ont envahi le net, l'Etat doit donc impérativement
faire la balance en investissant plus dans les activités
dont la finalité n'est pas le commerce. Les 50 millions
de francs alloués par Catherine Trautmann, la ministre
de la Communication et destinés à l'aide aux contenus culturels
pour l'année 2000, vont dans le bon sens.
Quelles
sont donc les modifications ou les innovations à apporter
à la prochaine édition pour avoir un plus grand
champ d'action?
En fait on voudrait
professionnaliser le concept. On pense par exemple étendre
notre diffusion sur tout le plateau du Vercors. Avec 280 personnes
cette année lors des débats, on a fait salle
comble. Il faut donc impérativement trouver une solution
pour permettre a davantage de gens d'y participer. Le problème
est donc évidemment d'ordre financier. A l'heure actuelle
nos moyens sont trop faibles. J'ai un déficit de 50.000
francs pour cette année. Si les partenariats avec France
Télécom, Cyperus ou Bull sont très satisfaisants,
il faut qu'on en trouve d'autres. Les collectivités
locales par exemple seraient des cibles idéales.Enfin
le but est d'étoffer notre cocktail de participants.
On veut encore plus susciter le débat. La présence
cette année par exemple d'ATD-quart monde au côté
de Jean-Michel Billaut, qui assure la veille technologique
pour la BNP-Paribas, fait partie de cette stratégie
de confrontation.
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