Jeudi
17 février 2000
Sony France s'attaque à ses propres distributeurs sur
internet
Sony contre Sony. Ce n'est
pas un titre de film mais une affaire peu banale qui sera
examinée le 21 janvier au tribunal de grande instance
de Nanterre.
Sony Corp et
Sony France
ont en effet assigné en justice la SARL Alifax, qui
n'est autre que la société gérante d'un
des sept "Espace Sony" présents en France.
Motif: l'enseigne installée rue Lafayette à
Paris se serait rendue coupable de "parasitisme commercial"
et de "concurrence déloyale" sur internet.
Pour mieux comprendre cette histoire, il faut remonter à
1996. Robert Wainchtein, gérant d'un Espace Sony, décide
d'ouvrir un site internet baptisé Espace-sony.com.
Sony n'ayant pas de vrai site à l'époque "cette
ouverture se fait avec la bénédiction du géant
japonais qui participe même au financement", selon
Robert Wainchtein.
Alléché par les perspectives du commerce électronique,
le gérant de la rue Lafayette décide en janvier
1999 de commercialiser les produits en ligne de la marque,
toujours, selon lui, avec l'accord de la maison-mère.
Avec les prix pratiqués, entre 8 et 30% moins cher,
le succès est immédiat: Robert Wainchtein affirme
avoir réalisé 13 millions de francs de chiffres
d'affaires en 9 mois. Mais entretemps en mars 1999, le conglomérat
nippon ordonne à Espace-sony.com de changer d'adresse
internet. "Il est évident que Sony, vu le succès
du commerce électronique, voulait éviter de
disperser son activité et créer un grand portail
de vente" explique Robert Wainchtein.
Visiblement peu pressé de tuer la poule aux oeufs d'or
le gérant de l'espace-Sony n'obtempère pas et
continue donc son activité, sûr de son bon droit
jusqu'au mois d'octobre 1999. A cette époque, la firme
japonaise monte alors d'un cran dans ses menaces en mettant
en demeure la société de fermer son site dans
les 48 heures.
Mais affirmant avoir un contrat en poche pour l'exploitation
du site, le gérant n'obtempère pas. Sony perd
donc patience et passe à l'étape ultime: le
tribunal.
Le géant japonais dans un argumentaire d'une vingtaine
de pages expliquant que "cinq autres Espace Sony existant
en France, leur implantation est impossible puisque la société
Alifax a le monopole du nom de domaine espace-sony.com".
Que "la société Alifax a reproduit abusivement
les marques Espace Sony et Sony en enregistrant les noms de
domaines espace-sony.com et Alifax-espace-sony.com".
Et que "le site Espace Sony.com serait référencé
dans la moteur de recherche existant comme le site officiel
Sony, ce qui parasite l'image de la marque".
Ce dernier argument est contesté par l'assigné:
"Le moteur de recherche de MSN effectivement nous a classé
comme tel mais nous avons fait rectifier".
Le plus incroyable dans la requête de Sony est que la
société japonaise reconnait qu"Alifax fait
effectivement la promotion des produits Sony". Mais l'éparpillement
des canaux de distribution ne semble pas convenir à
la maison-mère. Même si aucun commentaire n'a
pu être obtenu auprès de Sony France. Les dirigeants
expliquant laconiquement "qu'ils parleront à l'issue
du jugement".
Sony France réclame la restitution des noms de domaines
Espace-sony.com et Alifax-espace-sony.com plus 1 million de
francs au titre du préjudice commis ainsi qu'1,5 million
de francs pour Sony Corporation.
Deux détails amusants quand même. Tout d'abord
Espace-sony.fr n'est pas non plus la propriété
de Sony puisqu'il a été acheté par Michel
Minvielle, un autre gérant d'Espace Sony sans que l'on
connaisse les termes de l'accord avec la firme. Quant à
Espacesony.com (sans tiret), Sony France S.A s'est épargné
des frais de justice puisqu'il a acheté le nom de domaine.
Sony est très attentif à l'utilisation faire
de sa marque sur le Web: à l'automne dernier, le géant
japonais a fait interdire la vente de son matériel
à quatre marchands américains dont hifi.com.
La vente n'avait été à nouveau autorisée
qu'après un soigneux audit des marchands. Pour Robert
Wainchtein, le contentieux a pris une tournure plus pénible.
[Jérôme
Batteau, JDNet]
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