Jeudi 6
juillet 2000
Les
grands groupes de plus en plus séduisants sur le Net
L'IE-Club
(Internet Entrepreneurs Club) est une association qui organise
un rendez-vous bimestriel avec des acteurs de l''Internet
comme des sociétés de capital-risque, des stratèges de grands
groupes, des banques d'affaires ou des professionnels de l'internet.
Dirigée par Maurice Khawam, directeur des participations
chez Apax Partners, cette association met en place, à
l'occasion de son deuxième forum sur le thème
de la convergence entre la Nouvelle économie et l'ancienne
qui aura lieu le 11 juillet, un observatoire qui évalue
la façon dont les entreprises traditionnelles appréhendent
l'Internet. Réalisée par Media-Invest et l'internet
Entrepreneurs Club, cette étude a tenté de cerner
la stratégie Internet de grands acteurs traditionnels
tout en essayant d'ouvrir quelques pistes pour l'avenir. Ariel
Ohana, président de Media-Invest et Maurice Khawam
nous en livrent les conclusions.
Quels
sont les constats que vous dressez sur l'arrivée des
grands groupes sur Internet?
Ariel Ohana : Quatre points essentiels retiennent l'attention.
Le premier élément est que les entreprises doivent
être très claires dans le choix de leurs activités
sur Internet. Dans le passé, cela a été
un peu le grand écart. D'un côté, on trouve
NRJ qui a, par exemple, voulu transposer online ce qui existait
déjà pour finalement décider de changer
légèrement de stratégie. A l'extrême
on trouve des gens comme Bernard Arnault qui ne se sont pas
souciés du métier de base de leur société,
LVMH en l'occurrence, et qui ont créé de nouvelles
activité et se sont ouverts de nouveaux marchés.
Le deuxième enjeu d'avenir est le choix de la structure
dans laquelle on va loger l'activité Internet. Cela
a visiblement été un vrai casse-tête pour
ces sociétés. Certaines d'entre elles ne savent
d'ailleurs même pas très bien où se trouve
exactement l'activité Internet dans leur structure.
Le
troisième point est un problème de marque. Une
majorité des sociétés ont eu peur de
la cannibalisation de leur marque "brick and mortar".
Carrefour ou Cora ont par exemple créé Ooshop
et Houra pour contourner ce problème. Il faut dire
que ces sociétés ont été poussées
dans cette logique car la création d'une marque sur
Internet était très à la mode. Mais on
notera qu'on a des contre-exemples aux Etats-unis. Ainsi Barnesandnoble
a commencé par appeler son site Barnesandnoble.com
pour finalement le renommer Bn.com en cours de route pour
des raisons de mémorisation.
Enfin le quatrième problème majeur de ces groupes
traditionnels a été le financement de ces activités.
Les sociétés, et tout particulièrement
en France, ont du mal à libérer du cash pour
l'Internet. Il y a six mois elles ont donc toutes annoncé
qu'elles allaient coter leurs activités. Mais au final
combien l'ont réellement fait ? La tendance actuelle
est donc de se tourner vers les capitaux risqueurs pour obtenir
des fonds et des compétences car, et on le néglige
souvent, la dimension humaine est très importante dans
un projet Internet.
Justement
comment évoluent désormais les grands groupes
dans leur stratégie et quelle est la conséquence
sur le milieu du capital risque?
A.H. Bizarrement, tous ces groupes traditionnels évoluent
vers une même structure à trois niveaux. Le premièr
niveau consiste à décliner online l'activité
offline. C'est le cas de Casino avec C-Mescourse ou Pinault
Printemps Redoute avec la Fnac. Sur un deuxième niveau,
on trouve les nouvelles activités de ces groupes sur
Internet. PPR crée par exemple de nouveaux modes d'achat
et s'attaque aussi à de nouvelles cibles de consommateurs
grâce à des prises de participations majoritaires
dans des start-ups. Enfin, sur un dernier niveau, on trouve
des investissements minoritaires dans des start-ups qui sont
en fait destinés à faire de la veille technologique.
Maurice Khawam : Quant à la conséquence
sur le métier du capital-risque, elle est énorme.
Pour financer les start-ups, les grands groupes font de plus
en plus appel aux capitaux-risqueurs. Du coup, ces derniers
se tournent de plus en plus vers des sociétés
brick and mortar mais qui n'ont pas d'activité Internet.
Le but étant évidemment d'amener ces entreprises
sur Internet pour leur donner encore plus de valeur. La chaîne
de magasins animaliers Petsmart, qui disposait de 200 points
de vente aux Etats-unis, a ainsi été financée
par un fonds (GRP) pour compléter son offre sur Internet.
Et cela donne d'excellents résultats. Chez Apax Partners
nous sommes d'ailleurs en train de faire de même avec
le libraire Plein Ciel. Mais il demeure un problème
de valorisation. Car les grands groupes sont cotés
en Bourse et les analystes financiers valorisent généralement
très bien l'activité Internet nichée
dans ces groupes. Donc quand le capital-risqueur vient voir
la société pour lui proposer un investissement,
il y a parfois un désaccord sur la valeur de l'actif.
Quels
sont les bons élèves en France en matière
de statégie sur internet ?
M.K
On ne peut pas vraiment le dire, même si par secteur
il y a de grandes différences. De plus le marché
est assez jeune. Mais personnellement je pense qu'une des
pistes à suivre est celle de General Electric. Au tout
début, ils ont commencé à investir dans
une multitude de start-ups comme Xoom ou Online Exchange.
Tout le monde a dit à l'époque que cela n'avait
aucun sens. Ils ne se sont pas démontés et ont
commencé à constituer des pôles. Un pôle
médias, un pôle médical, un pôle
financier.... Et enfin, lors d'une dernière étape,
ils ont réalisé des spin off en faisant coter
les différentes activités. Je trouve que cette
stratégie est assez remarquable. [NDLR : La formule
de Jack Welch, PDG de General Electric, pour qualifier le
Web était " destroy-your-business.com ". Il avait ainsi
conseillé aux divisions du groupe de construire leurs
stratégies autour de l'impératif Internet]. [Jérôme
Batteau, JDNet]
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