Samedi
8 - Lundi 10 juillet 2000
Echo
: un feuilleton à rebondissements
Le document
visé par la COB pour l'introduction en Bourse, sous la
bannière Wanadoo,
des activités interactives de France Télécom
est intéressant à plus d'un titre. Pourtant, dans
la partie "litige et arbitrage" (4.12) du document,
ne figure aucune mention des nombreuses procédures juridiques
entre la société Echo,
à l'origine du moteur de recherche qui a donné
naissance au portail Voila, partie intégrante de Wanadoo,
et Christophe Dupont, le fondateur d'Echo. Que ce soit du côté
de France Télécom Multimédia ou d'Echo,
les responsables minimisent l'impact des litiges avec Christophe
Dupont et estiment normal que la COB n'en ait pas fait mention
dans le document d'introduction de Wanadoo. Ils soulignent que
ces procédures n'ont pas d'impact significatif dans le
fonctionnement du groupe France Télécom et mettent
en avant les résultats d'Echo en 1999 : 20 millions de
chiffre d'affaires et quatre millions de francs en résultat
net.
Toutefois, le dossier de la COB
révèle un changement singulier dans la composition
du capital d'Echo. Le schéma des prises de participations
du package Wanadoo (page 50) stipule que France Télécom
détient 67% d'Echo. Ce qui constitue une nette montée
dans le capital de la société, qui s'est produite
au premier semestre 2000.
Petit retour en arrière : en juillet 1998, Christophe
Dupont, qui a fondé Echo en septembre 1996, quitte
ses fonctions dans un contexte particulier : France Télécom
Multimédia arrive dans le capital de la société,
avec une prise de participation de 24% (ajouté aux
10% détenus par Innovacom, le fonds de capital-risque
de France Télécom, présent depuis 1997).
A cette époque, les relations de Christophe Dupont
avec ses deux associés, Christophe Ruelle et Michel
Bisac, venus le rejoindre en avril 1997 dans la société,
sont tendues. Depuis ce départ houleux, on recense
une vingtaine d'actions juridiques intentées par Christophe
Dupont à l'encontre de la société Echo,
et une dizaine dans le sens inverse. Le conflit repose sur
l'attribution de la paternité des logiciels exploités
et commercialisés par Echo : le moteur de recherche
à l'origine de Voila, eStat (mesure d'audience des
sites) et eXtense (indexation des pages d'un site). A l'heure
actuelle, il est difficile de faire le point sur les procédures
entamées compte tenu de leur nombre, de la variété
des motifs invoqués et la pluralité des juridictions
concernées.
Pourquoi France Télécom a-t-il pris une prise
de participation majoritaire dans Echo ? Contactée
par le JDNet, la direction de la branche des activités
grand public de France Télécom Multimédia
(FTM) affirme que la prise de participation majoritaire dans
Echo ne constitue qu'une opération pour renforcer son
contrôle sur la société et que la période
d'introduction en Bourse de Wanadoo n'y est pour rien. Cette
possibilité d'augmenter sa part dans Echo était,
aux dires de FTM, prévue dans le protocole signé
en juillet 1998 lors de son arrivée dans le capital
de la société. Selon l'opérateur public,
une clause confidentielle du contrat lui conférait
ce droit en prévoyant le rachat d'une partie du capital
détenu par les trois associés Christophe Dupont
(32% du capital), Christophe Ruelle (16%) et Michel Bisac
(16%). Pour les deux derniers, l'opération a été
menée à bien, ce qui a permis à France
Télécom de monter à hauteur de 67% dans
le capital de la société. Christophe Ruelle
et Michel Bisac conservent leur siège au directoire
d'Echo. De son côté, Christophe Dupont dénonce
cette opération, qu'il considère comme un "non-respect
du pacte d'actionnariat".
La nouvelle composition du capital d'Echo met en évidence
deux grands blocs : d'un côté, France Télécom,
clairement majoritaire, et de l'autre, Christophe Dupont qui
conserve 32% des parts. Pour faire valoir ses présumés
droits de préemption inscrits dans le protocole de
juillet 1998, FTM a assigné la semaine dernière
le fondateur d'Echo devant le tribunal de commerce de Paris
pour une exécution forcée de la cession de la
moitié de ses parts (soit 16% du capital d'Echo). L'opérateur
historique indique sa volonté de proposer à
Christophe Dupont la "valorisation plafond", qui
auraît été établie dans le protocole
de juillet 1998 mais dont le montant reste confidentiel. "Le
problème est que nous sommes loin de la valorisation
réelle", commente Christophe Dupont. Le jugement
devrait être rendu en septembre prochain. Christophe
Dupont se retrouve non seulement assigné en justice
par la société Echo, mais aussi désormais
directement par France Télécom.
Entre les tractations pour
trouver un accord à l'amiable et les multiples procédures
juridiques, France Télécom, Echo et Christophe
Dupont ne semblent pas parvenir à un terrain d'entente.
Ainsi, début 2000, FTM affirme avoir pris contact ,
de manière informelle avec le fondateur d'Echo pour
une tentative de rachat de ses parts. Les représentants
de FTM, qui estiment pourtant avoir été très
ouverts aux propositions, affirment avoir reçu une
"non-réponse" de la part de Christophe Dupont.
L'intéressé confirme
effectivement ce rendez-vous mais argue que ses anciens associés
"ont tout fait pour bloquer cet accord". Le fondateur
historique d'Echo considère toutefois que le fait d'avoir
dorénavant France Télécom en principal
interlocuteur est un "élément positif".
Changement capitalistique et changement d'outil : Echo est
sur le point de proposer au grand public la présumée
nouvelle technologie du moteur de recherche Voila, qui a été
développée sous le nom de code K2 et qui permet
d'indexer un milliard d'URL. Celle-ci devrait être ouverte
"d'ici la fin de la semaine". Echo et France Télécom
précisent chacun de leur côté que ce nouvel
outil répond uniquement à la nécessité
de s'adapter à l'évolution du World Wide Web
et jurent qu'il n'existe aucune corrélation entre les
procédures initiées sur la paternité
du logiciel d'origine et le lancement de K2.
En 1999, le dossier Christophe Dupont/Echo a rebondi sur un
autre terrain : la genèse du projet RESpublica,
le site de communauté virtuelle ouvert en novembre
1998 par le fondateur d'Echo, devenu le PDG de la start-up
éponyme. Celle-ci est tombée fin octobre 1999
dans le giron du FAI LibertySurf. Toutefois, les dirigeants
d'Echo estiment disposer d'éléments prouvant
que le projet RESpublica a été initié
dans les locaux de leur société. Ils ont lancé
une action en justice dans ce sens en novembre 1999 à
l'encontre de RESpublica/LibertySurf (Lire l'article
du JDNet du 11/11/99). Interrogé sur ce pan du dossier,
France Télécom Multimédia indique que
l'action juridique menée par Echo est une "réaction
normale pour préserver son patrimoine".
[Philippe Guerrier,
JDNet]
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