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Philippe Brawermann
(PDG de Reef)

L'homme d'expériences


Il pratiquait l'ancêtre du web à la fin des années 80, dirigeait Cisco Europe dans les années 90 et a tout lâché pour découvrir le monde avant de créer l'éditeur d'Internetware, plate-forme marchande et de gestion de contenus. Heureux qui comme Brawermann a fait un long voyage...

Elu en décembre 2000 "personnage le plus influent de la scène technologique européenne par Time Digital Europe", la version en ligne de Time Magazine, Philippe Brawermann bénéficie d'une expérience des technologies Internet de près de dix-sept ans. Ce Belge polyglotte de 39 ans conduit aujourd'hui à grande vitesse l'expansion de Reef, éditeur de la plate-forme marchande et de gestion de contenus web Internetware. Ses concurrents s'appellent Oracle, Microsoft, IBM et Broadvision. Ses clients se nomment General Motors, Siemens France, Nirvanet, le site marchand K-Swiss ou le groupe Hurwitz. Et pourtant, Philippe Brawermann affirme être toujours attaché "à l'univers un peu naïf et utopiste que constituaient les utilisateurs d'Internet au tout début de la vague de l'eldorado digital. Je fais partie de la génération d'avant que cela ne devienne commercial", analyse-t-il avec un brin de nostalgie.

Avant Reef, Philippe Brawermann a occupé pendant cinq ans le poste de président de Cisco Systems pour la zone couvrant l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique. Il évoque son arrivée chez l'équipementier avec un sourire : "Je suis entré dans la société en 1991 comme vice-président ventes alors que l'entreprise n'employait que 200 personnes!" A son départ, Cisco occupait une position de leader en Europe, profitant notamment du développement de l'Internet auquel il s'était depuis longtemps familiarisé. "Je travaillais en 1983 chez IBM, à la division réseau, où j'ai rapidement appris à utiliser des outils en ligne et des messageries d'entreprise, se rappelle-t-il. J'avais aussi un ordinateur personnel de marque Apple II, et un modem 300 bits/seconde avec lequel je communiquais sur les serveurs BBS (Bulletin Board Systems). Quand je montrais cela à d'autres, on me prenait pour un martien."

En 1996, l'ancien élève de l'école polytechnique de Bruxelles décide de rompre les amarres. Il quitte ses fonctions chez Cisco Systems pour entamer un vrai tour du monde.

Pionnier parmi les pionniers, Philippe Brawermann a participé à quelques grands rendez-vous de l'histoire d'Internet. Sur des sites Gopher (l'ancêtre du web) à la fin des années 80, il consultait les nouvelles de l'ambassade de France à Washington. En 1993, il participait aux toutes premières vidéoconférences CuSeeMe sur les lancements de la Nasa. En parallèle avec l'aventure des premiers concerts en ligne du cyber-théâtre de Bruxelles, il a aussi réalisé en 1996 un reportage sur la navette spatiale pour Nirvanet en lançant une webcam dans l'espace.

Mais en 1996, l'ancien élève de l'école polytechnique de Bruxelles, une branche qu'il a choisie pour ses deux matières préférées, la physique et les mathématiques, décide de rompre les amarres. Il quitte ses fonctions chez Cisco Systems, qui avaient fait de lui un voyageur effréné entre la Silicon Valley, Bruxelles et Paris, pour entamer un vrai tour du monde. De la Méditerranée à la mer Rouge, de l'Egypte à l'Asie, ce passionné de biologie et de plongée sous-marine, de surcroît amateur d'antiquités, part à la découverte des mers et pays du globe. Un coup de tête peu surprenant à ses yeux, lui qui se définit comme "enfant du début du baby boom ayant eu la chance de beaucoup voyager et d'apprendre l'anglais très tôt". Et une parenthèse riche, au cours de laquelle l'idée de Reef va germer.

"Les évolutions d'InternetWare sont programmées tous les quatre mois : nouvelles fonctions en mars 2001 et nouvelle architecture l'été prochain."

A son retour, en 1998, le paysage Internet a changé, notamment en Europe, où le réseau des réseaux est définitivement sorti de la clandestinité universitaire. Les cyber-vendeurs recherchent toujours des cyber-acheteurs et Philippe Brawermann réalise la synthèse de ses idées et de son expérience en créant Reef, qui porte le nom des récifs coralliens, symboles de la nature extrême. Pour prendre à contre-pied les éditeurs existants, le franco-belge mise sur les standards Java et XML. Sa plate-forme évolutive Internetware voit ainsi le jour, vendue à un prix plus bas que les concurrents et dotée de facilités de déploiement inédites.

Après un an et demi d'existence, Reef, dont il est le PDG, vient de finaliser son deuxième tour de table de 262,5 millions de francs auprès de Goldman Sachs et de 3i, ainsi que de Profrigo en Belgique et Viventures (déjà présents lors de la première levée de 93 millions en octobre 1999). La société franco-belge emploie près de 210 personnes dans le monde, dont plus de la moitié (environ 120) sont situées à Paris, où 70 à 80 ingénieurs conçoivent les outils de la suite Internetware dans un laboratoire de R&D.

Les évolutions d'InternetWare sont programmées tous les quatre mois : nouvelles fonctions en mars 2001 et nouvelle architecture l'été prochain. "C'est la vie normale d'une entreprise du logiciel", résume Philippe Brawermann, qui reste réaliste sur l'avenir des nouvelles technologies. "La consolidation des dix dernières années va se faire au cours des cinq prochaines. Tout le monde parle de la convergence, mais il n'existe pas de format matériel unifié et l'on trouve encore trop d'outils désintégrés." L'osmose technologique n'est pas pour demain, c'est la chance de Philippe Brawermann.

[François Morel, JDNet Solutions]