Ola Ahlvarsson
est des grands acteurs suédois du commerce électronique.
Après avoir créé successivement Boxman
et Sportus, il pilote aujourd'hui Result,
un réseau de consultants implanté à travers
le monde, grâce auquel il fait bénéficier
aux start-ups, de son expérience d'un développement
international rapide et global exigé par l'Internet.
Propos recueillis par Fabien Claire le 06
juin 2000 .
JDNet.
Vous avez créé Boxman en 1997, une start-up européenne
ambitieuse sur le modèle Amazon. Quel rôle avez-vous
aujourd'hui dans la société ?
Ola Ahlvarsson. Je suis effectivement co-fondateur de Boxman
et j'ai piloté le développement international de
la société. Cependant, je ne participe plus aujourd'hui
à la direction de la société. Je ne suis
plus qu'un actionnaire parmi les autres. En revanche, l'aventure
de Boxman m'a permis de comprendre la difficulté pour une
start-up de gérer son internationalisation.
C'est aujourd'hui une nécessité pour une entreprise
Internet mais c'est également une étape complexe
coûteuse qu'il est très difficile de gérer
seul. C'est la raison pour laquelle je viens de fonder Result
avec de nombreux amis qui ont eux aussi acquis une expérience
de développement international.
Quel
est exactement le rôle de Result ?
La société Result Venture Knowledge International
est une structure dont le rôle est de détecter les
start-ups à fort potentiel pour permettre leur lancement
international via notre réseau. Nous développons
également nos propres projets pour donner naissance à
des sociétés viables. Internet est un réseau
mondial mais le déploiement international des entreprises
et des concepts est long et difficile. C'est
le cas d'une société suédoise qui cherche
par exemple à s'implanter en France, mais c'est également
difficile pour une société française de mener
son implantation simultanée à Londres à Madrid
ou à Rome. On ne peut créer un site global pour
l'Europe, il faut donc créer des filiales pour décliner
et adapter le concept localement. Des sociétés aussi
importantes qu'Amazon ou eBay utilisent elles aussi cette stratégie.
Nous sommes donc un réseau pour permettre une accélération
et une diminution du coût de ce développement sur
le modèle du Stairway to Heaven (l'escalier vers le paradis).
Nous commençons par analyser les conditions du succès
dans le pays d'origine puis nous recherchons les principaux investisseurs
susceptibles de porter le projet. Il est ensuite plus facile de
structurer les équipes de management locales en utilisant
les propres réseaux de ces investisseurs.
Quels
sont les start-up avec lesquelles vous avez travaillé avec
Result?
Result a été créé en juin 1999 et
nous avons déjà travaillé avec 35 sociétés
en Europe, dont Bidlet,
le leader scandinave des enchères qui a récemment
été racheté par QXL.
Nous avons contribué au lancement de Sportus,
un site suédois spécialisé dans la vente
de vêtements de sport. Pour la France, nous travaillons
actuellement à la création de Blue Line, une société
spécialisée dans les solutions de paiement sécurisées
pour le commerce électronique.
Quels
sont les partenaires avec lesquels vous vous lancez dans cette
aventure ?
J'ai créé Result avec des partenaires comme Abdallah
Hitti, PDG de Result France, qui avait créé Kleline
[NDLR : la filiale de solutions de paiement sécurisé
récemment abandonnée par le groupe BNP-Paribas].
Abdallah lance actuellement Blue line, une alternative à
feu-Kleline. Patrick Combes, PDG du groupe Viel et créateur
du courtier en ligne Capitol, est le président de Result.
Quelles
sont les conditions du succès International?
Comme je vous le disais, il faut d'abord trouver les réseaux,
les interlocuteurs clés sur chaque marché. Ils sont
le relais qui orientera les développements locaux.
Qu'est-ce
qui selon vous a manqué à Boo, l'autre modèle
suédois aujourd'hui déchu ?
Boo.com manquait d'expérience, entre autres choses. Nous
avons lancé Sportus dans les pays scandinaves à
l'époque du lancement de Boo et nous dépassions
le mois dernier leur chiffre d'affaire avec un investissement
de départ représentant moins de 1% de l'investissement
effectué dans le groupe Boo. Nous avons investi dans une
structure adaptée car nous avions déjà anticipé
des volumes de croissance réalistes grâce à
la connaissance que nous avons de chacun des marchés. Boo,
lui, a redécouvert chaque marché avec des erreurs
et des investissements coûteux simplement parce qu'ils ne
bénéficiaient pas d'une véritable expérience
comparable. Le PDG de Sportus était lui un ancien dirigeant
de Levi's pour l'Europe du nord, il sait ce que signifie la vente
de vêtement. Les annonces marketings anticipées de
Boo avant la finalisation de l'outil technique étaient
risquées. C'est toujours pareil, la technique n'est jamais
vraiment prête à temps. Les créateurs de Boo
en revanche bénéficient maintenant d'une véritable
première expérience.
Sur
quel modèle économique repose Result ?
Nous finançons la constitution du réseau et chaque
société contribue pour une petite part au fonctionnement
du réseau. Nous nous rémunérons également
pour une partie en prenant part dans le capital des sociétés
avec lesquelles nous travaillons. Aujourd'hui, Result est déjà
une société rentable. Result deviendra probablement
un interlocuteur clé et demain, trois ou quatre réseaux
en tout coexisteront dans le monde pour permettre la mise en oeuvre
de ces stratégies de développement. Dans le secteur
du disque par exemple, avant Elvis Presley, il n'y avait pas de
réseau de distribution mondial, il n'y avait pas de radios.
Puis il y a eu Elvis, les Beatles et les Rolling Stones qui ont
permis de démontrer qu'une distribution globale et mondiale
était possible. Ce n'est pas le talent ou l'idée
qui compte, mais le réseau qui a permis de véhiculer
ces derniers. Nous serons un réseau international avec
lequel il sera beaucoup plus facile de créer une success-story
mondiale. Nous sommes déjà implantés dans
huit pays européens ainsi qu'aux Etats-Unis et au Brésil.
Dans les prochains mois, j'espère mettre en place des structures
à Tokyo, Singapour et Hong-Kong. Chaque bureau générera
le développement de deux compagnies par pays, avec à
chaque fois les plus grands investisseurs de chaque pays.
Plus
globalement, cette capacité du réseau à véhiculer
des concepts, des idées, des projets mondiaux ne vous inquiète
pas?
C'est au contraire le plus intéressant avec Internet :
dans cent ans, les gens parleront de l'Internet comme de la première
fois dans l'histoire où les hommes ont vraiment raisonné
à l'échelle Internationale. On ne parlera pas de
la technologie Internet mais plutôt des conséquences
du réseau, l'instantanéité des rapports,
des consultations. Mon inquiétude est plutôt dans
la possibilité pour les gens qui travaillent dans ce secteur
fou et amusant de tenir un rythme de vie terriblement exigeant
mais fantastique.
Ola Ahlvarsson,
titulaire d'un MBA à l'université de Stockholm,
a aussi remporté une médaille d'or au championnat
du monde de kickboxing.