Comment
se fait le passage du marketing "classique" au marketing
sur le Web?
Je
connais bien l'interactivité des systèmes. J'ai
eu la chance d'être dans le Minitel de 1986 à 1991.
J'ai pas mal travaillé sur les aspects interactifs du
Minitel. Avec Internet, il y a beaucoup de choses à inventer,
c'est quelque
chose qui est vraiment balbutiant. Le but, c'est d'arriver un
jour à du vrai marketing one to one, de pouvoir s'adresser
individuellement à chaque client potentiel. Pour cela,
il faut prendre le temps de mettre en place des bases de données
qui nous permettront d'avoir la bonne information et d'arriver
à les utiliser en ligne dans le dialogue avec le client.
On peur personnaliser le dialogue lui-même: dans quelle
mesure on va l'amener, grâce à la base qui est
derrière, à consulter telle rubrique plutôt
qu'une autre. Mais il faut aussi savoir utiliser les techniques
du marketing direct, comme les e-mail ou le push. Tout dépend
du niveau de pertinence de la mémorisation des données
que contiennent les bases.
Beaucoup
d'annonceurs se plaignent de manquer de temps pour analyser
les résultats de leur campagne. Qu'en pensez-vous?
Trop d'informations tuent l'information. Depuis
quelques années, on a fait beaucoup de progrès
dans le traitement statistique de données, le datamining,
même s'il y a un peu d'esbrouffe dans ce domaine. Il faut
s'attacher à définir les informations qui semblent
vraiment utiles pour mettre en place du marketing one to one.
Mais il peut y avoir des freins: tout le monde n'est pas prêt
à répondre à des questions sur Internet
et il y a le risque de l'utilisation trop complexe quand nous
avons trop de données récoltées. Il faut
avancer progressivement. Il y a tellement de choses à
apprendre... Allons-y par étapes.
Nous
ne sommes qu'au début du "customer knowledge"
sur Internet?
Obtenir de l'information coûte très cher. Dans
d'autres pays européens ou aux Etats-Unis, il existe
des méga-bases de données qui font plusieurs millions
de ménages. Ce n'est pas le cas en France pour le moment.
On a du mal à obtenir des informations auprès
des consommateurs des grandes marques, car une fraction seulement
d'entre eux sont prêts à répondre à
des questionnaires un peu longs. Avec Internet, en respectant
une éthique parfaite et en informant le consommateur
sur l'utilisation de l'information, j'espère que nous
allons trouver des moyens pour obtenir ces données. On
a deux ans pour apprendre et, quand 40% des ménages francais
seront connectés, nous serons présents.
Internet fait peur aux consommateurs
quand on parle de l'exploitation des données...
Je
ne crois pas qu'il y ait un frein structurel avec Internet.
Je pense qu'il faut expliquer la méthode et la finalité
aux consommateurs et ce qu'ils pourront obtenir en échange.
Je ne pense pas qu'on arrive à la situation qui prévaut
aux Etats-Unis, où les consommateurs veulent commercialiser
leurs renseignements via de nouveaux intermédiaires.
Internet
modifie complètement notre modèle économique.
On le voit avec la montée en puissance des intermédiaires...
C'est vrai, il y a de nouveaux métiers qui apparaissent.
Dans l'idéal, les gens vont passer au maximum quatre
heures par jour sur Internet, or il existera bientôt des
millions de sites. Surfer sur le Net pour trouver la bonne offre,
c'est une galère abominable! Les gens ne pourront plus
naviguer tout seul. C'est pourquoi, je lis avec beaucoup d'attention
la presse américaine sur cette "intermédiation"
qui pourrait apparaître. Un consommateur qui fait confiance
à Carrefour, il y va pour trouver les meilleurs produits
des grandes marques. On peut imaginer que Mme Michu fasse confiance
à un intermédiaire -qui reste à définir-
pour passer ses commandes, faire le filtrage des offfres et
lui donner une sélection d'une centaine de sites car
elle n'aura pas le temps d'aller plus loin. Il se pourrait que
l'on soit mis dans une situation où le marketing relationnel
entre une marque et le consommateur final soit rendu plus problématique
avec l'apparition de ces nouveaux intermédiaires. Cela
change beaucoup de choses au niveau sociologique et au niveau
du rôle des agences conseils comme la nôtre. Nos
missions évolueront selon que ce phénomène
se produise ou pas.
Quelles
sont les modifications à attendre dans les entreprises?
Avec
Internet, vous reportez tout le problème sur la logistique:
il faut être en flux tendus en permanence. Aujourd'hui,
si on voit apparaître dans le marketing relationnel les
grands du logiciel et de l'organisation comme Oracle ou SAP,
c'est parce que le marketing relationnel va commencer à
poser dans l'entreprise les même problèmes que
tout ce que la gestion plus classique a posé depuis cinq
ans. Il y a une vraie restucturation des entreprises autour
du client qui n'est pas encore accomplie. Il faudra remonter
le plus rapidement possible les demandes des consommateurs pour
faire évaluer les produits et faire du sur-mesure. C'est
une nouvelle économie qui nous attend.
La
communication de crise s'adapte-elle à Internet?
Il ya deux choses: Internet comme le moyen idéal pour
communiquer et Internet comme le moyen le plus rapide pour diffuser
rapidement des rumeurs et des boycotts. Je pense notamment à
l'affaire du "bug" du Pentium d'Intel... Internet
est en tous cas un très bon support d'écoute et
de veille. Des sociétés se spécialisent
dans l'analyse de ce qui s'écrit sur le Net dans le domaine
financier pour essayer de prévenir les problèmes
boursiers. L'énorme "crash" du titre Alcatel,
qui a chuté de 37% en moins d'une journée, pouvait
se prévoir une semaine à l'avance en lisant ce
qui se disait sur le Net. Cela reste à faire dans tous
les domaines.
Quel
est votre site préféré ?
Pour l'information générale, j'ai la chance de
bénéficier d'un Intranet performant au travail.
Par contre, j'aime bien les sites de voyages, comme celui de
Nouvelles
Frontières.
Que
détestez-vous sur le Net?
Je reçois trop de mails de gens que je ne connais pas.
C'est vraiment énervant.
Vous
achetez sur Internet?
Pas encore, mais c'est pour bientôt.
Laurent
Blaizot, 50 ans, de formation scientifique (ingénieur
en informatique, docteur-ingénieur en sciences de l'information)
a passé sept ans à l'INRIA dans la recherche appliquée
en traitement de l'information. Il quitte le poste de directeur
général adjoint de Stéria Télécom
en 1986 et intègre la direction générale
de Rayon Vert (filiale de Young & Rubicam). Après
quatre ans passés dans le groupe BDDP, il rejoint WCJ
en 1994 en tant que directeur général adjoint
en charge des bases de données et des nouvelles technologies.
Aujourd'hui il se tourne de nouveau vers BDDP en prenant la
direction générale de BDDP & Tequila Interactive
aux cotés d'Axel Dauchez.
BDDP & Tequila Interactive: