Studi.com se
positionne comme la start-up leader dans la formation individuelle
tutorée sur Internet.
Présidée par Hugues Cochard, elle vient de lever 12,5 millions
de francs auprès des banques populaires (SPGF), de la Société
Générale (SGAM), d'un fonds d'innovation régional et d'un business
angel. D'ici trois ans, le chiffre d'affaires prévu est de 185
millions de francs. Hugues Cochard est président du groupe Cochard
qui, outre Studi.com, comprend l'agence multimédia Tag
Interactive.
Propos recueillis par Rémi
Carlioz
le 28 septembre 1999
.
JDNet : Quand votre projet a-t-il
démarré ?
Hugues Cochard : Il a été lancé en deux étapes. Nous avons
développé l'outil technique début 1996, outil que nous avons intégré
après une phase de test. Le produit lui-même a été lancé en juin,
et le début d'exploitation réel, avec de "vrais" clients, est
prévu pour le 15 octobre. Le site est d'ores et déjà ouvert, il
sera pleinement opérationnel lui aussi en octobre.
Vous
lancez le premier service de formation tutorée sur Internet, quel
en est le concept ?
La logique est de proposer un service centré sur l'apprenant avec
des ressources personnalisées, un contenu et une motivation propres.
Cette offre change par rapport aux offres classiques. Certes on
peut considérer que l'on perd quelque peu en convivialité, mais
on appartient tout de même à un groupe d'études, et on se place
dans une logique de conférences. L'interactivité est réelle, tout
comme la présence humaine. Quoi qu'il en soit, par rapport à la
formation "papier" à distance, on gagne considérablement.
Pensez-vous
que, culturellement, la France soit prête à passer à de la formation
sur le Net ?
Dans les entreprises, l'intégration des réseaux et des nouvelles
technologies est forte aujourd'hui. Certes, nous restons dans
une dominante de formation en "face à face". Il s'agit donc d'une
mini révolution culturelle. Nous n'allons pas remplacer la formation
classique telle qu'elle existe. Je pense que nous jouons également
un vrai rôle dans le processus de démocratisation et de partage
du savoir, par cette offre que nous développons.
Cette
offre de formation tutorée s'accompagne-t-elle de produits "off
line" ?
A priori non. Nous aurons une boutique de complément, qui va proposer
des livres et des CD Rom en appui aux formations, ainsi que des
fascicules spécialisés.
Quels
sont les domaines de formation ?
Les langues (anglais, espagnol, allemand etc.), la bureautique,
Internet, le marketing et la communication, la gestion, la finance
et la comptabilité, ainsi que le management.
Quel
est le prix pour le client d'une telle offre ?
Nous proposons trois formules de tutorat, "présence", "avantage"
et "privilège", qui, pour dix heures de cours, sont facturées
respectivement 990, 1.490 et 1.990 francs hors taxes.
C'est
plus cher qu'une formation traditionnelle non?
C'est plus cher que du "off line", oui, mais ce n'est
pas comparable en termes de services. Et chez nous, même si cela
est mutualisé, il y a tout de même quelqu'un pour rendre le service.
En tout cas, cela reste moins cher qu'un cours particulier. Alors,
oui, c'est plus cher qu'un CD Rom, mais quelle est l'efficacité
de
celui-ci, la question mérite d'être posée. On l'achète, et après
? Studi.com compte sur une forte incitation, sur le respect de
plannings de travail, sur les relances effectuées par le tuteur
si besoin est.
Avez-vous
aujourd'hui des concurrents ?
Sur ce créneau et au regard de l'offre que nous proposons, non.
Des universités américaines ont proposé des offres de formation
par Internet, mais soit il s'agissait de mettre des polycopiés
en ligne, soit d'un tutorat par échange d'e-mail avec son prof,
mais guère plus. Mais la concurrence va arriver, je n'en doute
pas. Notre logique cependant diffère fondamentalement, en ce qu'elle
est centrée sur le client, les autres offres étant centrées sur
les profs.
Quel
est le marché ?
Il est potentiellement très important. La marché de la formation
professionnelle atteint 36 milliards de francs cette année, il
concerne 35.000 organismes de formation qui réalisent 95% de ce
chiffre d'affaires, et des organismes publics qui réalisent 5%
du total. Le marché américain quant à lui représente 1.250 milliards
de francs, et une étude d'IDC prévoit que 15% de la formation
sera en ligne d'ici fin 2001 sur le marché américain.
Vous
bénéficiez en plus du 1% formation des entreprises, non ?
L'inconvénient est que, pour l'offre que nous développons en ligne,
il n'y a pas encore de législation dans ce sens. Mais un projet
de décret est en cours de préparation.
Entre
le grand public et les entreprises, comment va se ventiler votre
offre ?
Pour l'instant, notre axe repose sur les entreprises, l'offre
grand public sera plutôt développée fin 2000. Les résistances
sont plus fortes, de même que les habitudes de consommation plus
ancrées.
Quelles
sont vos prévisions de rentabilité ?
Fin 2000. En termes de coût total du projet, même si cela est
difficilement quantifiable, nous avons investi 30 à 40 millions
de francs, dont 10 millions sur la
plate-forme avant d'avoir levé des fonds. C'est donc un gros projet,
surtout dans le domaine de la formation. Mais cela s'apparente
à ce que peuvent faire des industriels, et c'est cohérent avec
notre logique, qui est d'industrialiser le processus.
Vous
allez développer des partenariats ?
C'est en cours. Nous avons signé un accord avec les pompiers,
et d'autres accords de formations sectorielles du même type sont
en cours. Des accords avec des éditeurs également, comme avec
des organismes de formation. Nous allons aussi nouer des accords
avec des distributeurs, afin de relayer notre offre par des contacts
commerciaux classiques, "physiques", auprès des entreprises. Enfin,
de façon plus traditionnelle, des partenariats sur le Net au niveau
éditorial. Tout cela est en gestation et débouchera avant six
mois. Pour le grand public, nous allons approcher la grande distribution.
Et
France Télécom, avec qui vous entretenez des relations "historiques"
?
Tout est ouvert. Ce serait naturel, je ne peux pas vous en dire
plus pour l'heure.
Et
votre internationalisation ?
Notre offre sera présente sur le marché espagnol, hispanisant
plus largement, avant la fin de l'année. Cela nécessite d'abord
un nouveau tour de table et une levée de fonds de 7 à 9 millions
de francs. Physiquement, nous serons présents, rien n'est définitivement
fixé, à Madrid et au Mexique. C'est un très gros marché. Nous
avons fait le choix du marché de langue espagnole plutôt qu'anglophone
dans un premier temps car nous y voyons plus d'opportunités et,
surtout, le "mur" n'est pas le même qu'aux Etats-Unis. En Espagne
et en Amérique Latine, le concept est le même, avec assez peu
d'adaptations nécessaires. En revanche, le marché américain est
fondamentalement différent et nécessitera de notre part de vastes
adaptations des services proposés. Mais nous serons présents en
Amérique du Nord avant la fin 2000.
Plus
largement, comment fonctionne le groupe Cochard Multimédia ?
Le groupe détient 55,2% de Studi.com (réunion de Cyberion et de
Studi SA), les financiers 44,8% pour 12,5 millions de francs d'apport.
Le groupe détient aussi 51% de Tag
Interactive, agence conseil en multimédia de communication
et de formation.
Vous
développez des synergies entre Studi.com et Tag Interactive ?
Bien sûr, Tag est notre studio de production privilégié. Ils vont
réaliser notamment notre site de commerce électronique, ainsi
que le site grand public et le site professionnel de Studi.com.
Les synergies fonctionnent naturellement, et Tag va participer
par exemple à notre offre aux Pompiers ou à la Fédération Française
du Bâtiment.
Achetez-vous
sur Internet ?
Pas grand chose. J'ai dû acheter des webcams. Mais je n'ai
pas l'habitude, le réflexe n'est pour l'instant pas automatique.
Ah si, j'ai acheté pas mal de fleurs sur Aquarelle,
c'est bien fait, on voit le bouquet que l'on offre.
Quels
sites consultez vous ?
Des sites d'info et de journaux. Je fais surtout des recherches
thématiques en fonction de mes besoins, sur Voilà
en particulier. Je n'ai pas de consultation systématique de sites,
je fonctionne plutôt par furetage.
Qu'aimez-vous
sur le Net ?
La disponibilité de l'information. Je suis frustré quand je ne
trouve pas l'info que je cherche. Je pense par exemple aux hôtels,
pour lesquels je trouve que la recherche est mal organisée. A
contrario, le Net a changé notre niveau d'information sur les
procédures publiques, par rapport au gouvernement, aux appels
d'offres, aux ministères etc. Avant, c'était un peu la "boîte
noire", maintenant on a une meilleure visibilité.
Que
détestez-vous sur le Net ?
Je n'ai pas de rejet particulier, à part le temps de chargement
peut-être.
Hugues Cochard, 39 ans, a un DESS IAE d'administration des
entreprises et un doctorat en Biomécanique. Il crée
en 1988 la société Médiaconcept Technologie
qui conçoit le premier CD Rom d'apprentissage professionnel
des langues. Après le rachat de la société
par France Télécom fin 1993, il la dirige jusqu'à
fin 1995 puis crée, début 1996, un groupe comprenant
Cyberion, Studi, Cyberion PGI et Tag Interactive.