Pierre Conte
dirige IP France, une des plus importantes régies publicitaires
françaises, propriété du groupe CLT-UFA.
Il occupe également les fonctions de directeur général
adjoint de RTL, la première radio de France. Il a répondu
aux questions du JDNet en compagnie de Béatrice Isal-Chriqui,
qui assure la co-direction de la filiale Internet et nouveaux
médias d'IP. IP France vient de lancer son site
BtoB (Lire l'article
du JDNet du 19/07/00). Pierre Conte et Béatrice Isal Chriqui
livrent leur analyse et leur vision du marché publicitaire
en ligne français.
Propos recueillis par Fabien Claire le 29
juin 2000 .
JDNet.
IP est aujourd'hui une régie propriété d'un
des plus important groupe média européen. Ce n'a
pas toujours été le cas. Pourriez-vous nous retracer
les grandes lignes de l'histoire de la société?
Pierre Conte. Historiquement, IP (pour Information et Publicité)
était une régie filiale du groupe Havas à
vocation pluri-média. Le principal mandant en France est
rapidement devenu la CLT-UFA et au début des années
quatre-vingt, IP s'est développée en créant
des filiales en Europe avec, là encore, de nombreux mandats
de la CLT. En 1997, Havas a considéré les métiers
de régie comme non-stratégiques et parallèlement,
les médias CLT ont souhaité rapatrier leur pouvoir
commercial d'une régie extérieure à une régie
intégrée. IP a donc été rachetée
par la CLT à la rentrée 1997. Chaque filiale a alors
été rapprochée de son média national,
IP France devenant la régie intégrée de RTL.
JDNet.
En devenant la régie de RTL, IP n'a-t-elle pas dès
le départ limité son potentiel de prospection d'autres
supports radio?
P.
C. Il a toujours été stratégique pour
IP de rester leader sur le marché radio. Je suis pour ma
part arrivé après le rachat par la CLT, avec pour
mission initiale d'assurer la transition de la régie externe
à un modèle de régie interne. Nous avons
immédiatement été mandatés par RTL
et notre actionnaire pour compléter l'offre radio de la
CLT par d'autres éditeurs de radio. Avec Sud Radio et RMC
par exemple, nous avons un contrat jusqu'en 2001 avec un prolongement
actuellement à l'étude, et des liens très
étroits avec leurs équipes [NDLR : On parle actuellement
de perspectives de rachats du groupe RMC Sud Communication par
la CLT].
En revanche, la CLT a décidé d'abandonner l'activité
presse d'IP pour se concentrer exclusivement sur les médias
numériques, radio, télévision et Internet.
Quelle
est l'origine de l'engagement d'IP dans la publicité en
ligne ?
P.
C. Malheureusement je ne peux revendiquer cette idée
géniale. Cette orientation a été engagée
fin 1997 début 1998. Ce pôle d'activité a
été créé par Benoît Cassaigne
et Béatrice Isal-Chriqui, qui étaient auparavant
au marketing radio chez IP. La structure avait été
conçue initialement pour la commercialisation des sites
de la CLT, RTL2 et Fun, et de la même façon que pour
les autres médias, le groupe a souhaité que nous
commercialisions d'autres sites. Notre premier contrat important
est celui qui nous lie à Dégriftour, dont nous commercialisons
le site depuis le printemps 1999.
Que
pensez-vous du marché publicitaire actuel tous médias
confondus ?
P.
C. Nous croyons énormément à la convergence
des médias numériques. Pour l'instant, c'est très
embryonnaire mais je suis convaincu qu'on ne pourra plus demain
vendre un service à des annonceurs ou des intermédiaires
comme nous le faisions hier. Il va falloir organiser les choses
et prolonger le mass-média par du one to one. C'est pourquoi
nous sommes très présents sur Internet et la télévision.
Quel
est aujourd'hui le poids d'IP Interactive par rapport au reste
du groupe?
P.
C. Un nain (rire)!
Béatrice
Isal-Chriqui. Plus sérieusement, IP Interactive va
peser cette année 40 à 50 millions cette année,
soit un peu plus d'1% du chiffre d'affaires du groupe. En revanche,
les projections de développement sont beaucoup plus importantes
que pour les autres activités.
P. C. Dans nos business-plans, nous prévoyons que
cette activité représentera entre 5 et 8% du chiffre
d'affaires total d'IP. Nous devrions être dans les deux
ou trois régies Internet leader à cette époque.
Vous
avez récemment récupéré la régie
du site SNCF, un site très important en terme d'audience
mais aujourd'hui peu exploité. Que représente ce
"mandant" pour IP Interactive?
B.
I.-C. Leur mode de développement nous intéresse
particulièrement car ils favorisent beaucoup les ciblages
socio-démo contextuels qui cadrent avec les spécificités
d'Internet. Cela correspond parfaitement aux attentes des annonceurs.
Ce peut-être du ciblage régional, mais il y aura
la possibilité de commercialiser des campagnes avec profiling,
ce qui est à mon sens un des gros intérêts
des sites marchands. L'acheteur en ligne se déclare et
c'est là un outil de ciblage d'une grande fiabilité.
En outre, la SNCF utilise un système d'envoi systématique
de mail pour la confirmation de la commande. C'est également
un autre gisement de valeur pour l'éditeur.
Vous
croyez-donc beaucoup à la publicité sur les sites
marchands ?
B.
I.-C. Notre discours sur la question est clair : aujourd'hui,
nous voulons évangéliser nos annonceurs pour les
encourager à privilégier le taux de transformation
en lieu et place du taux de clic. Quand on examine la fidélité
de nos annonceurs, on constate que les taux de transformation
à la suite de campagnes sur les sites marchands sont particulièrement
satisfaisants. C'est d'abord sur ces sites que l'on peut s'adresser
aux cyberacheteurs. Sur le réseau IP, il est aujourd'hui
possible de toucher 1,5 millions de ces cyber-consommateurs. Quand
on sait qu'aujourd'hui l'enjeu, c'est le recrutement, à
mon avis, les sites de commerce électronique ont un avantage
certain. Le taux de transformation y est meilleur.
Quelle
doit alors être la place de la communication sur les sites
médias?
B.
I.-C. Elle est complémentaire. Sur les sites médias,
il y a un véhicule d'image très important, comme
pour les autres médias.
Quelle
place accordez-vous aux programmes d'affiliation?
B.
I.-C. De plus en plus d'éditeurs qui souhaitent développer
de tels programmes nous demandent d'intervenir dans leur conception.
Nous sommes particulièrement bien placés pour optimiser
la valorisation publicitaire de leur espace. Le modèle
économique de ces accords dépend étroitement
du trafic du site. Je pense que ces accords doivent faire l'objet
d'une rémunération à la fois sous forme fixe,
le fameux pas de porte contrepartie de la visibilité offerte
et variable par un intéressement au chiffre d'affaire généré.
Un site à fort trafic peut privilégier ce reversement
de commission alors qu'à l'inverse un site à l'audience
moins conséquente doit privilégier le pas de porte.
Pourquoi
exiger systématiquement un loyer pour les sites à
fort trafic ?
B.
I.-C. Dans un programme d'affiliation, la marque est présente
sur le site et fait déjà un travail d'image. Le
site est un média et pas un simple réseau de distribution.
Cela se valorise comme dans n'importe quel média.
Est-ce
que vous constatez une évolution sur les campagnes en ligne
elles-mêmes?
B.
I.-C. Nous la constatons et l'encourageons. Par exemple, nous
sommes en train de recruter au sein d'IP Interactive et nous intégrons
maintenant à nos équipes des spécialistes
dans la création d'opérations spéciales sur
Internet. Ils doivent être capables de créer des
campagnes sur mesure, telles que des jeux. On a de la même
façon en radio une dizaine de personne qui travaillent
sur les seules opérations spéciales. Nous travaillerons
également sur des campagnes rich media, même si les
difficultés technologiques sont encore nombreuses. Notre
service informatique nous aide à la fiabilisation de ces
campagnes.
Quelle
synergie avec les autres médias?
B.
I.-C. Cette année, nous avons beaucoup d'opérations
couplées bi-média, principalement radio et Internet.
Nous avons par exemple une opération MBK simultanée
sur les antennes de Fun Radio et sur le site Funradio.fr. A l'antenne,
il est demandé aux auditeurs de participer à un
jeu concours avec relais sur le site. Ils peuvent gagner des scooters
en répondant à un quizz à partir d'un bouton
marchand sur le site. Parallèlement, une campagne rich
media proposait un lien vers le site MBK.
Que
pensez-vous plus largement du comportement des acteurs sur le
marché de la publicité en ligne?
B.
I.-C. Il y a une vraie élasticité du marché.
Les dotcoms sont majoritaires pour les investissements massifs
et il y a encore besoin de rassurer ces acteurs. Notre spécificité
est que nous sommes une régie de convergence entre les
médias et nous les conseillons objectivement dans leurs
choix d'investissement.
Quelle
est votre stratégie de croissance?
B.
I.-C. Nous comptons étendre notre portefeuille de sites
mais uniquement dans une logique de marques fortes. Notre objectif
n'est pas pour autant d'avoir cinquante ou soixante sites en régie.
Toujours dans notre logique de convergence média, nous
travaillons sur le développement de la communication via
le Wap avec nos principaux sites en régie, Dégriftour
par exemple. Nous avons également la volonté de
nous appuyer sur le réseau IP en Europe pour développer
un réseau IP Interactive, avec une filiale déjà
créée en Allemagne et des projets pour la Grande-Bretagne,
la Belgique, le Luxembourg et la Hollande. Nous cherchons également
à nous développer en Europe du Sud.
Pour
conclure, Pierre Conte, quels est votre site préféré?
P.
C. Mon préféré est un site que nous
avons en régie, Comfm,
que j'aime énormément parce qu'il rend curieux,
il est intelligent et surtout vachement bien fait. C'est un portail
des radios du monde et je ne peux pas être insensible à
ce lien avec mon univers.
Pierre Conte,
40 ans est diplômé de l'IEP Paris. Il a effectué
la totalité de sa carrière dans le secteur des médias
au sein des groupes l'Expansion, Canal+ et Emap France. En novembre
1998 il rejoint IP France au poste de Directeur Général.
Parallèlement il a été nommé Directeur
général adjoint de RTL en mars 2000 et président
du directoire de IP France en avril dernier.
Béatrice
Isal-Chriqui pour sa part est titulaire d'un Dess de gestion des
télécommunications de la télématique
et de la télévision. Après un passage chez
Téléstar puis Top Santé, Béatrice
Isal-Chriqui devient chef de produit au sein de RTL puis responsable
de la prospective au sein d'IP France. En juin 1998 elle conduit
la création d'IP interactive dont elle est aujourd'hui
Directeur général adjoint.