Nirvana du
surf, accès rapide et permanent, Cybercâble avait
de quoi faire rêver les internautes lors de son lancement.
Pourtant l'opération s'est transformée en déroute
technico-commerciale: lenteurs, impossibilité de relever
son courrier et autres incidents se sont multipliés. La
déception a été telle chez les 30.000 abonnés
parisiens et les 3.000 strasbourgeois que la commercialisation
a dû être stoppée au printemps dernier. La
faute à qui? A des utilisateurs trop gourmands, à
des infrastructures sous estimées? Le
directeur technique de Cybercâble fait le point sur les
nombreux travaux effectués pour améliorer et mettre
à jour le réseau. La commercialisation ne reprendra
qu'en janvier 2000.
Propos recueillis par Alain
Steinmann le 06 septembre 1999
. ,
le 6 septembre 1999
Vous avez
stoppé la commercialisation de Cybercâble en mai
dernier, pourquoi?
Jean
Viellart: Le trafic
que nous avons enregistré sur le réseau Cybercâble
a été beaucoup plus important que celui que nous
attendions. Le réseau s'est dégradé et il
n'y avait plus adéquation entre nos capacités et
les besoins des clients. Il faut comprendre que c'est un réseau
immense qui fait appelle à des technologies très
récentes, notamment pour le réseau de transport.
Quand
la commercialisation va-t-elle reprendre ?
Nous venons de créer une société commune avec France Télécom,
société qui mettra en commun les infrastructures
de FT et les activités "c’ble" de Lyonnaise Câble. La commercialisation
de Cybercâble est stoppée jusqu'en janvier 2000.
Nous allons effectuer une dernière phase de travaux en
partenariat avec France Télécom pour atteindre une
capacité d'accueil de 100 000 abonnés.
Quid
des personnes qui ont réservé en juin dernier ?
Ces personnes seront contactées entre le 15 et le 30 septembre
et seront connectées peu de temps après.
Parlons
des problèmes que vous avez connus, le plus important venait
du serveur de mails, systématiquement encombré...
Historiquement, nous avions deux serveurs de mails. Le serveur
parisien (cybercable.fr) a été totalement renouvelé:
nous nous sommes équipés d'une nouvelle infrastructure
qui a coûté 3 millions de francs. Elle repose sur
un système redondé [si un serveur lâche,
un autre prend le relais, ndlr] fonctionnant avec neuf serveurs
dédiés. Le serveur de mails de province (cybercable.tm.fr)
a été mis à niveau en juin.
Comment
expliquez-vous les problèmes de serveurs de mails ? Qu'utilisiez-vous
auparavant ?
Je préfère ne pas parler de
la technologie que nous utilisions avant. L'ancien système
a lâché parce que le parc d'abonnés a augmenté
beaucoup plus rapidement que prévu. Nous avons d'autre
part limité le nombre de destinataires d'un même
message à 25 et le stockage à 5 Mo. Au début
nous n'avions pas de limitation mais cette problématique
est vite survenue avec les abus auxquels nous avons dû faire
face. Aujourd'hui, notre plate-forme de messagerie électronique
est 10 fois plus puissante que l'ancienne.
Le serveur de news était
aussi très souvent surchargé...
Il fonctionne bien aujourd'hui. Nous
avons augmenté sa mémoire et ses capacités
de stockage. Fin septembre, un nouveau serveur de news redondé
fera son apparition. Mais nous n'avons plus eu vent de problèmes
avec les news depuis un certain temps.
Pour
le Web, allez vous améliorer vos débits et installer
enfin un proxy ?
Nos liaisons d'interconnexion sur Paris ont été
augmentées à deux fois 34 Mbps avant l'été.
Nous allons encore rajouter 34 Mbps cette semaine. Pour Strasbourg
(3000 abonnés), nous sommes à quatre fois 2 Mbps
et nous allons passer à 10 Mbps. En plus de cela, nous
allons installer des serveurs proxy, à la fin du mois pour
Paris et à l'automne pour Strabourg. Ces serveurs pourront
environ prendre en charge 30% des requêtes, ce qui permettra
de décharger notre liaison d'interconnexion.
Le
problème ne se situe-t-il pas avant ces liaisons, c'est-à-dire
entre l'abonné et la plate-forme Cybercâble ?
Non, ce n'est pas un goulot d'étranglement. En ce moment,
nous disposons de 27 Mbps descendants pour 1200 abonnés.
Le problème vient de phénomènes qui brouillent
le réseau. C'est pour cela que nous avons renforcé
notre maintenance avec des équipes travaillant 7 jours
sur 7 et 24 heures sur 24. Notre objectif en terme de délais
maximal de réparation est de 4 heures. 40 techniciens supplémentaires
ont été recrutés pour cela.
Comment
est découpé le réseau Cybercâble et
ne faudrait-il pas plus de zones indépendantes ?
A Paris, nous devons nous coordonner avec France
Télécom qui est propriétaire du réseau
pour ces questions. Les voies descendantes (vers l'abonné)
et remontantes (de l'abonné) ne sont pas les mêmes.
Nous allons devoir totalement redécouper le réseau.
Au départ, nous avions 17 zones descendantes différentes,
aujourd'hui nous en avons 32, ce qui permet de servir environ
40 000 clients. Nous allons continuer à redécouper
le réseau pour pouvoir accueillir environ 450 000
postes sur Paris.
Les voies remontantes sont au nombre de 160 aujourd'hui et nous
allons encore les doubler prochainement. Notre réseau d'accès
sera aussi renforcé de 2 câbles routeurs supplémentaires
qui seront installés en octobre.
Quel
est le coût de ces merveilles technologiques ?
Nous avons investi en tout 40 millions de francs. Il faut savoir
qu'à la fin de l'année, il n'y aura plus aucun équipement
du début de la commercialisation.
Ca
ne fait pas cher pour combler une minorité de personnes
qui abusent de Cybercâble ?
C'est bien simple, les 10 principaux consommateurs de Cybercâble
utilisent 20% de la voie de retour. Nous avons prévu des
actions envers cette minorité qui abuse pour mettre fin
aux dysfonctionnements les plus criants.
Quel
est le prix réel du service pour ces 10 personnes en question
?
60.000 francs [l'abonnement à Cybercâble de ces
personnes est de 165 francs !, ndlr].
Quelles
sont les actions que vous allez mettre en place ? Une limitation
de la quantité de données que peut envoyer un utilisateur
(upload) ?
Pour l'instant, nous sommes dans une phase de communication incitative.
Nous informons nos utilisateurs en leur disant qu'après
ils devront payer le vrai coût de leur consommation. La
limite de l'upload est fonctionnelle: les utilisateurs peuvent
envoyer 125 Mo de données par mois, ce qui est largement
suffisant pour un usage grand public.
C'est
une bonne solution pour éviter l'installation de "serveurs
personnels" mais ça handicape les férus des
jeux en réseau ou des webcams, activités qui envoient
beaucoup de données sur le réseau...
C'est vrai et ce problème est intégré dans
l'étude que nous sommes en train de mener. Une réflexion
de fond est réalisée mais je ne peux rien vous dire.
Peut être fixerons nous des abonnements plus ou moins chers,
en fonction du niveau d'upload autorisé.
Les
relations difficiles que vous avez eues avec vos abonnés
ne sont-elles pas dues à un manque de communication ?
Nous avons radicalement changé d'approche. Depuis un certain
temps maintenant, notre site prévient les utilisateurs
de tout incident dont nous avons connaissance. Nous avons renforcé
notre hotline et créé un groupe de news dédié
aux abonnés. Si vous regardez le pourcentage de messages
avant l'été et le pourcentage aujourd'hui, vous
verrez qu'aujourd'hui ce nombre est tombé à 10%.
En juin, nous avons réalisé une étude qui
nous a montré que 75% de nos utilisateurs étaient
satisfaits. Le feedback est identique: nos clients ont vu les
évolutions du réseau depuis deux mois. Nous engrangeons
là les premières retombées de notre système
de supervision très performant.
Vous utilisez les modems Motorola sur Cybercâble,
quand allez vous utiliser des modèles plus standardisés ?
Les modems Motorola étaient les seuls disponibles lorsque
nous avons démarré nos activités. Depuis,
un standard (DOCIS) est apparu. A partir de 2000, nous commanderons
des modems qui répondront à cette norme et le parc
sera petit à petit renouvelé. Les deux systèmes
vont coexister un certain temps.
Votre réseau Cybercâble
offre des possibilités bien plus importantes que la simple
fourniture d'accès Internet... où en êtes
vous de la mise au point des services interactifs ?
Notre raison d'être, c'est la convergence de la télévision
et des autres médias. On y travaille tous les jours mais
nous n'avons encore rien à vous dire à ce stade...
On
peut même imaginer des jeux en réseau, un "super
Deuxième Monde"...
Je n'ai pas d'information à vous donner sur ce point.