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Emmanuel
Fraisse
Directeur
général
CESP
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Le Centre
d'étude des supports de publicité, qui réunit
supports et annonceurs, s'attaque au difficile et stratégique
sujet de la mesure d'audience sur Internet et y consacre le 31
mars prochain un forum. Son directeur général imagine
difficilement comment trois acteurs pourraient coexister à
terme sur ce marché.
Propos recueillis par Fabien Claire le 22
mars 2000 .
JDNet.
Pouvez d'abord nous rappeler en quelques mots la mission du CESP?
Emmanuel Fraisse. Le Centre
est une association interprofessionnelle qui se trouve entre les
différents types de médias et leurs utilisateurs.
Nous avons donc comme adhérents à la fois des supports,
les différentes chaînes de télévision,
les radios et les éditeurs de presse écrite, les
afficheurs, les régies cinéma et depuis maintenant
trois ans un certain nombre de gens issus de l'Internet, et les
utilisateurs des médias comme supports de publicité.
Ce sont par exemple les grands annonceurs comme Renault, Unilever,
Procter, les centrales d'achat d'espace et certaines agences ayant
gardé une activité d'achat d'espace. Pour leur compte,
notre principale mission est de faire l'audit de toutes les mesures
d'audience de référence. Ce sont les mesures qui
servent à réguler le marché dans la fixation
des coûts et les orientations du marché.
En
quoi consistent ces audits?
Ces différents instruments de mesure émanent de
grands instituts. Notre rôle est d'auditer leurs mesures
dans leur réalisation et dans leur méthodologie
pour le compte des annonceurs et des supports. Notre rôle
est ainsi d'assurer au marché que les données mises
à sa disposition correspondent à l'état de
l'art à un moment donné.
Le
CESP a commencé à travailler sur Internet en 1997.
Quelles ont été vos premières pistes d'étude
?
La création de notre collège Internet fait suite
à une demande de nos adhérents, des acteurs de la
presse écrite en particulier, et de sociétés
extérieures. Nous avons donc créée un structure
spécifique, autonome dans un premier temps puis intégrée
aux autres composantes du CESP depuis décembre 1999. Celle-ci
réunissait à la fois des entreprises du secteur
publicitaire traditionnel ne bénéficiant pas d'une
importante culture Internet et des "net-entreprises"
qui elles n'avaient pas de véritable culture du secteur
de la communication. La première piste de travail a donc
été de fixer la terminologie en normalisant le vocabulaire
de la publicité sur Internet. Cette terminologie
actualisée en 1999 et fait aujourd'hui référence
sur le marché de la publicité online, y compris
au plan International.
Quels
ont été vos travaux sur la mesure d'audience ?
Un peu naïfs au départ, il faut l'avouer. Nous imaginions
être en mesure de sortir une étude complète
sur le sujet en 6 mois. Rapidement, nous avons pris conscience de
la difficulté à appréhender à la fois
les outils et les besoins des acteurs en terme de mesure pure et
simple d'audience mais aussi de qualification de celle-ci. Nous
avons commencer par tester les outils de comptage de cinq opérateurs
de l'époque (Clic Stream de Médiangles, Webtrends
de Compuserve, Active Stat de Lokace....). Globalement, il est apparu
que si les résultats de l'ensemble des produits étaient
acceptables, aucun n'était parfait. La marge d'incertitude
pouvait aller jusqu'à 20% dans certaines conditions.
Quand avez-vous décidé de vous consacrer à
l'étude des panels qui ont fait leur apparition sur le marché ?
En 1998, nous avons procédé à une seconde série
de test des instruments de mesure d'audience sur Internet mais rapidement
notre collège s'est interrogé sur la nature précise
de son rôle sur le marché publicitaire. Nous avons
abandonné ce type de travail sur la simple mesure d'audience
pour nous consacrer davantage à l'étude des outils
de qualification de cette audience. Début 1999, le CESP par
l'intermédiaire de son collège Internet, a mené
une étude sur le premier panel du marché, l'étude
Profiling de Médiangles.
En dépit de la trop faible taille de l'échantillon
(environ 1000 internautes), cette étude avait le mérite
de conjuguer une enquête online et une enquête offline.
On a ainsi pu démontrer la nécessité de l'enquête
offline pour assurer la fiabilité de l'étude. Le résultat
de notre audit a donc été globalement positif, notamment
pour saluer l'existence même de cette enquête.
Vous
travaillez aujourd'hui sur un nouvel audit concernant cette fois
les panels de NetValue et MMXI dont le résultat n'est annoncé
que pour la fin de l'année. Pourquoi un tel délai ?
Lorsque la constitution de ces panels a été annoncée
à l'automne 1999, nous avons décidé de les
étudier. Depuis, Médiamétrie a annoncé
la constitution de son propre panel. Nous avons décidé
de l'inclure dans notre étude. Pour les mois d'avril-mai
nous publierons déjà un rapport intermédiaire
consistant dans une étude de la constitution de ces panels.
Cependant l'étude simultanée de ces trois panels demande
un important travail car si ces instituts délivrent déjà
des résultats, il nous faut un certain volume de données
pouvoir procéder à une analyse complète.
On
compte déjà trois acteurs sur la mesure d'audience
par panel. Comment voyez-vous l'évolution de ce secteur ?
Notre expérience des autres médias, en particulier
de la télévision, a montré qu'il est peu probable
que plusieurs acteurs subsistent sur le marché. Le marché risque
de dégager un panel parmi ceux qui existent actuellement
auquel cas les autres risquent fort de disparaître. Pourquoi
le marché en financerait davantage alors même que cette
coexistence entre différents résultats, même
proches est plutôt un facteur de perturbation pour les annonceurs
? L'investissement fait par les prétendants est aujourd'hui
considérable et donc plus que jamais nous serons d'une prudence
extrême avant de prononcer une seule parole sur chaque panel.
Ce qui permettra au marché de se faire une religion, ce sera
plutôt les résultats de l'année prochaine. Si
on compare avec les débuts de l'audimétrie de télévision,
deux acteurs ont coexisté pendant trois ans avec, aux côtés
de Médiamétrie, une association Sofres-Nielsen. Je
connais bien la question puisque j'étais en charge du département
média de la Sofres à l'époque. Sans que le
panel de la Sofres n'ait jamais vraiment été critiqué
il s'est finalement éteint. Le marché à horreur
de deux monnaies concurrentes sur un même marché et
choisit rapidement l'une ou l'autre.
Vous
pensez donc que la bataille entre les panels de NetValue, MMXI ou
Médiamétrie-Nielsen NetRatings fera des morts ?
Ce n'est qu'une hypothèse. Il n'est pas non plus complètement
exclu qu'ils se spécialisent, chacun répondant à
des demandes différentes du marché. Il n'est même
par certain que l'un d'entre eux survive. Les panels sont lourds
et coûteux. Il n'est pas encore démontré que
les panels, qui ne donneront jamais de résultats site par
site, correspondront aux besoins du marché dans cinq ou dix
ans. La création de ces panels relève d'un sacré
pari à mon avis!
Globalement la fiabilité de la
mesure d'audience sur le web est aujourd'hui souvent contestée.
Quel est votre regard à la lumière de votre connaissance
des autres médias ?
Pour Internet, on est à l'époque du Far-West. Il y
a de grandes divergences dans les chiffres, mais cela progresse
tout de même. N'oublions pas qu'au début on a vu des
rapports de un à cent entre deux chiffres mesurant le même
site! D'autres médias beaucoup plus anciens continuent à
évoluer. La presse magazine par exemple a changé son
mode de mesure en 1999 et les résultats aujourd'hui font
apparaître une baisse de l'audience correspondant à
un réajustement par rapport à la réalité.
Comment pourrions nous imaginer qu'Internet aurait résolu
l'ensemble de ces problèmes de mesure d'audience en trois
ans!
Vous organisez un forum sur la question
le 31 mars prochain. Quel est l'objectif de ce rendez-vous ?
Les acteurs du marché sont aujourd'hui enthousiastes et demandeurs
d'informations précises et objectives sur la mesure d'audience.
Nous avons donc souhaité apporter un véritable éclairage
sur la mesure d'audience d'Internet en réunissant les grands
acteurs concernés afin qu'ils nous livrent leurs analyses,
leurs attentes et pour les représentants des trois panels
la description de leurs méthodologie. Il s'agira de faire
un état des lieux à un moment donné de cette
problématique majeure pour Internet.
Qu'est-ce
que vous aimez,
vous, personnellement sur le web ?
Lorsque j'ai voulu découvrir Internet il y a trois ans j'ai
cherché à tester les ressources de ce réseau
que l'on disait inépuisables. J'ai recherché avec
l'aide de mon fils, un poème écrit au XVII ème
siècle par un abbé de cour dont j'avais quelque souvenirs.
Il s'agit évidemment d'un texte très rare et peu publié.
En moins de deux minutes j'ai vu le texte intégral s'afficher
sur mon écran. J'ai alors compris que je tenais là
un outil fantastique de connaissance.
Avez-vous déjà effectué
des achats sur le réseau?
Oui, principalement des livres sur les sites Amazon et BOL, mais
je l'avoue je n'ai pas encore osé payer par carte bancaire.
Attention, je sais qu'il s'agit d'un comportement pas vraiment rationnel
de ma part, mais jusqu'alors j'ai souhaité payer par chèque
d'où des délais interminables. Je suis ainsi persuadé
de perdre toute une partie de l'intérêt de l'e-commerce.
Emmanuel Fraisse, diplômé de l'Essec a effectué
l'essentiel de son parcours en institut d'études (Secodip,
Ifop..). Il a ainsi occupé la tête du département
média de la Sofres pendant dix ans. En 1995 il est devenu
directeur général du CESP.
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