Interviews

Maurice Levy
PDG
Publicis

De son bureau surplombant les Champs-Elysées, dans les locaux flambants neufs de Publicis, Maurice Levy détaille la stratégie de son groupe, l'un des dix premiers acteurs mondiaux de communication. Il évoque la "révolution souterraine" qui affecte aujourd'hui les agences de communication et critique la "communication facile" qu'on observe sur le Net.

Propos recueillis par Samuel Kissous le 15 mai 2000 .

JDNet : Quels sont les axes de la stratégie Internet du groupe Publicis ?
Maurice Levy : Nous voulons être un partenaire complet pour nos clients dans le domaine du Net. Nos clients ont besoin d'une prestation end-to-end : il faut pouvoir conseiller les transformations, aider à mettre au point un site avec une allure plaisante et où les gens vont rester, b’tir un programme de CRM (Customer Relationship Management) irréprochable du point de vue éthique et performant sur l'utilisation des données. Publicis doit avoir des outils au plan mondial avec des structures de conseil et d'e-business, d'où l'accord avec Ernst & Young et Cap Gemini.

Quelles seront les activités de Publicis Net ?
Il s'agit d'une société holding qui regroupe les intérêts de Publicis dans ce domaine. Publicis Net comprend les équipes de stratégie et d'investissement. Les équipes opérationnelles sont dans Publicis Networks, E-brand, Publicis Technology. Toutes les structures existantes rejoignent la société holding en ce domaine.

Voyez-vous une évolution de votre métier avec Internet ?
Il se passe une révolution souterraine, dont on ne se rend pas compte. On a l'impression que les agences continuent à être ce qu'elles sont, on a l'impression que ça n'a pas beaucoup changé, alors que dans le même temps, il y a des changements à la surface avec des petites structures. En réalité, les modifications que l'on voit sont très petites par rapport à ce qui va se passer. La révolution souterraine, ce sont ces changements que l'on ne perçoit pas encore. Le Net est déjà le plus grand média du monde, l'outil le plus extraordinaire pour l'acquisition des connaissances. Il sera assez vite l'outil le plus extraordinaire pour les transactions et échanges. La relation entre les entreprises et la relation avec les consommateurs vont profondément changer en fonction de ce que le net est capable d'apporter. Cela va bouleverser le mode de fonctionnement des agences, la relation agence/annonceur, la fabrication des images, la diffusion des messages. Donc tout ce qui fait le cúur du métier. Peut-être qu'on ne soupçonne même pas encore ce que va être cette révolution.

Dans cet univers nouveau, quelle sera la valeur ajoutée de Publicis ?
Premièrement, nous sommes des spécialistes de l'image. Nous maîtrisons la fabrication et le déploiement des images. C'est essentiel pour les anciennes marques qui devront évoluer ou les nouvelles marques qui devront exister. Ensuite, Publicis est le grand spécialiste de la communication et des messages qu'émet un annonceur en direction des clients. Nous maîtrisons le dialogue entre l'annonceur et ses clients. Enfin, nous sommes par essence des créatifs, ceux qui seront capables d'imaginer la communication et les modes de comportement de demain. Nous apportons une solution adaptée à ces changements. Nous sommes au cúur de la nouvelle économie.

Allez-vous proposer une offre spécifique pour les start-up, par exemple en prenant des parts au lieu de facturer des prestations ?
Nous sommes réticents car nous craignons que ceci fausse notre mode de fonctionnement. Le propre d'une société de communication est d'apporter le meilleur conseil. Si on y mêle une notion d'investissement, on ne risque de ne plus raisonner comme conseil mais comme investisseur. Je ne crois pas que ce soit dans l'intérêt des start-up d'avoir comme conseil des investisseurs car cela peut causer des conflits d'intérêts.

Quel est votre rôle dans Start-up Avenue, l'incubateur créé par votre fils ?
C'est un investissement à titre personnel, soumis à l'approbation du Conseil de surveillance de Publicis. J'ai pensé - pas seulement parce que c'était mon fils- que le concept était un concept gagnant, auquel j'apporte ma modeste aide en tant que business angel, pas en tant que président de Publicis.

L'entreprise Publicis va-t-elle investir dans des sites à contenu ?
On peut investir, et on investira dans des sites quand on pense que c'est conforme à l'intérêt de Publicis. Nous n'agirons pas comme un fonds d'investissement mais en imaginant ce que peut être le rôle d'une start-up donnée dans la stratégie de Publicis, pour compléter nos services ou apporter des services nouveaux.

Quelle démarche préconisez-vous aux entreprises qui veulent communiquer sur le Web ?
De s'adresser à Publicis ! Il faut se méfier de la communication facile. On voit une débauche de communication sans intérêt. C'est le problème de la notoriété à tout prix : quel est le contenu d'image ? Cette communication facile, on la paie un jour ou l'autre.

Comment jugez-vous la publicité en ligne aujourd'hui ?
Pauvre dans l'ensemble. On a l'impression qu'il y a une espèce d'infantilisation de la publicité quand il s'agit de ce domaine. C'est soit le degré zéro de la créativité, soit le degré zéro de l'intelligence. On pourrait quasiment reconnaître la pub du Net en cela qu'elle ressemble à la réclame des temps anciens.

Quels outils marketing vous semblent les plus prometteurs ?
Le plus important c'est indiscutablement le CRM, avec de vrais dangers. Le Net permet une intrusion dans la vie privée des gens. Il y a un danger à vouloir maîtriser la relation au consommateur en accédant à tous les moments de sa vie privée. Il faut résister à la tentation de tout connaître et savoir ne pas franchir certains seuils. Autant les statistiques permettant de savoir ce qu'il achète sont intéressantes, autant la surveillance des visites des sites et du comportement de l'internaute est dangereuse.

Globalement, quelle est votre vision de l'industrie Internet en France ?
On a démarré plus tard que les Américains, les Scandinaves, ou les Israéliens, mais on a mis les bouchées doubles. Aujourd'hui on n'a pas à rougir de la position de la France par rapport l'Allemagne ou au Royaume-Uni. Les entreprises françaises ont décidé de s'y mettre avec beaucoup d'énergie. Surtout, il existe une nouvelle race d'entrepreneurs, de jeunes gens qui préfèrent se lancer dans le Net plutôt que de faire des études prolongées ou de choisir une carrière sans risque. C'est la meilleure nouvelle que la France ait pu connaître ces vingt dernières années.

Croyez-vous au succès du commerce électronique pur par rapport aux " click-and-mortar " ?
J'ai sur le Net une vision très simple. Je ne crois pas que le Net va se substituer à des choses existantes. Le Net est un média qui s'ajoute aux autres média, un moyen de transaction financière et de commercialisation qui s'ajoute aux autres moyens.

Quel est votre propre usage du Net ?
Je ne suis pas un malade du Net, je n'en ai pas le temps. Je récolte mes mails le matin, je surfe en fonction des problèmes. Je passe par des phases. Je n'achète pas sur le Net (je n'achète jamais rien), je regarde les cours, les nouvelles, les sites tels que le Wall Street Journal, TF1, Les Echos.

Qu'est-ce que vous n'aimez pas sur le Net ?
Peu de choses. Je n'aime pas quand c'est long, je n'aime pas les intrusions, je n'aime pas certains sites. Je n'aime pas quand on me force à passer par tout un système, cela me fait partir.

Qu'est-ce que vous y aimez ?
Ce qui me réjouit, c'est la spontanéité, les informations instantanées. Certains sites sont faits dans la bonne humeur, d'autres sont pensés laborieusement, et ça se voit.

Un mot de conclusion ?
Une chose importante en ce qui concerne le Net : ça va amener toute une nouvelle génération d'opérateurs. C'est un instrument très ouvert. Quelqu'un qui a une idée peut la tester, il n'y a pas de barrière infranchissable comme dans certains métiers établis. Au stade pionnier auquel on se trouve aujourd'hui, c'est l'idée qui prime. Mais attention aux rêves des millions du Web. Il ne faut pas imaginer que parce que c'est le Web, ce sera gagnant à tous les coups.

Maurice Lévy a rejoint le groupe fondé par Marcel Bleustein-Blanchet en 1971 pour y diriger l'informatique. Très rapidement, il devient secrétaire général du groupe, puis prend la direction de l'agence française, Publicis Conseil. Il devient Président du directoire de Publicis SA en 1988. Prenant en charge la stratégie de développement, il a mené une politique d'expansion internationale agressive et implanté Publicis en Amérique du Nord, en Amérique Latine, et en Asie, ce qui place aujourd'hui le groupe Publicis parmi les dix plus grands groupes mondiaux de communication.






 

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