Bizbuyer
est une start-up créée aux Etats-Unis en 1998 par
Bernard Louvat, un Français qui a décidé de tenter
l'aventure américaine en 1996. Le concept de Bizbuyer
profite à plein de l'engouement actuel pour le commerce
électronique "Business to Business". La start-up a pu ainsi
réunir des investisseurs aussi prestigieux que Meg Whitman,
le CEO d'eBay, et le conglomérat CMGI. Leçon de
start-up avec Bernard Louvat, un français plongé
dans la net-économie, version côte ouest.
Propos recueillis par Samuel Kissous
le 28 mars 2000
.
JDNet.
Pouvez-vous
nous présenter Bizbuyer ?
Bernard Louvat. Bizbuyer permet aux PME d'acheter des services
grâce à un système d'appel d'offres en ligne
dans 63 catégories de services (conseil, assurance, télécom,
déménagements... ). L'acheteur vient sur le site et
remplit un formulaire d'appel d'offres spécifique pour
permettre aux fournisseurs de comprendre ses besoins. Par exemple,
un acheteur à Los Angeles peut rechercher un fournisseur
d'accès Internet, basé à Los Angeles, avec
un service client disponible 24 heures sur 24. Bizbuyer analyse
la requête et la transmet automatiquement aux fournisseurs
adéquats, compte tenu des critères indiqués
par l'acheteur. Les fournisseurs répondent à l'appel
d'offres le plus souvent dans les 24 heures.
Quelles
sont vos sources de revenus ?
La majorité provient d'une commission sur les transactions
dont le montant varie de 1 à 10% selon la catégorie.
Cette commission est versée par les fournisseurs qui s'acquittent
également d'un droit de participation à l'appel
d'offres (1 à 10 dollars pour chaque participation). Pour
l'instant l'acheteur ne paie rien.
Quels
résultats obtenez-vous pour l'instant ?
50.000 utilisateurs (acheteurs et fournisseurs) sont actuellement
enregistrés en tant que membres de Bizbuyer, des centaines
d'appels d'offres ont été réalisés
et notre chiffre d'affaires double chaque mois. Notre site est
visité par des centaines de milliers de visiteurs uniques
(423 000 en février d'après PC Data Online, ndlr).
Notre société compte 150 employés.
Comment
l'entreprise a-t-elle créée ?
Je travaillais chez Citysearch, que j'ai quitté pour démarrer
un site consacré aux PME. Fin 1998, j'ai réalisé
le premier tour de table avec des investisseurs privés
tels que Meg Whitman, le CEO d'eBay.
Comment
fait-on pour attirer un investisseur comme Meg Whitman ?
Je la connaissais déjà. Je l'avais rencontrée
lorsqu'elle était VP chez Bain, où j'ai également
travaillé. En outre mon ancien patron chez Disney avait
collaboré avec elle. On lui a presenté le projet
et elle a tout de suite été intéressée...
elle voyait un parallèle avec eBay et considérait
que notre service ne pouvait exister en dehors du net.
Vous
pensez que le B to B est une tendance durable dans le commerce
électronique ?
C'est assurément un marché qui a plus d'avenir que
le B to C, car les entreprises sont très sensibles à
l'amélioration de leurs processus d'achat, aux économies
substantielles de temps et d'argent qu'elles peuvent réaliser
grâce à Internet. Et les montants en jeu sont colossaux.
Quelles
sont les principales étapes dans le développement
d'une start-up comme la vôtre ?
Il
faut d'abord trouver un concept qui utilise vraiment la technologie
Internet, pour créer une entreprise qui n'aurait pas pu
exister sans Internet. Ensuite, il faut proposer de la valeur
ajoutée pour les acheteurs et les vendeurs. Puis trouver
l'argent et recruter l'équipe. La phase d'exécution
consiste à faire avancer le site, attirer des vendeurs
et acheteurs, mettre en place des partenariats avec des sociétés
online et offline, étendre la distribution. Il faut être
là où les acheteurs vont (par exemple, des sites
de magazines qui s'adressent aux PME). Cela doit mener au tour
de financement suivant, qui permet de dépenser en marketing.
Pour tout cela, un jeune diplômé qui veut créer
une entreprise doit rapidement faire appel à un PDG experimenté.
Pourquoi
ne pas avoir créé votre start-up en France?
J'ai commencé à m'intéresser à Internet
en 1995-96 et à l'époque Internet n'existait quasiment
pas en France. Mais nous serons peut-être présents
en Europe bientôt.
Aujourd'hui,
encouragez-vous les Français à venir aux Etats-Unis
plutôt que de créer leur entreprise en France?
Je regarde de près le marché européen,
de belles réussites y sont désormais possibles.
L'accès au capital est plus facile, l'usage d'Internet
est devenu une réalité, et il est plus aisé
de créer une marque en France. Le niveau de dépenses
publicitaires est si élevé aux Etats-Unis qu'il
est très difficile d'attirer du trafic sur un nouveau site.
Bien sûr le marché français est plus réduit,
mais il faut avoir une ambition européenne, profiter du
potentiel pan-européen.
Comment
jugez-vous le retard européen dans l'industrie Internet
?
L'Europe est en phase d'ascension très rapide,
en particulier du point de vue des investissements. Il y a eu
de belles introductions en bourse, parfois même à
des niveaux supérieurs à ceux que l'on voit ici...
Ca ressemble aux Etats-Unis il y deux ans, mais le rattrapage
sera plus rapide car des modèles ont déjà
ete crééees et testés ici.
Comment
avez-vous découvert Internet ?
A Paris en 1995, en tant que président du groupement Distribution
de l'Association des anciens HEC. J'avais invité une Francaise
habitant aux Etats-Unis à venir nous parler d'Internet.
Ce soir-là, je me suis dit que c'était l'avenir
de la distribution. La semaine suivante je me suis abonné
à un fournisseur d'accès et l'annee suivante, je
suis parti pour la Californie.
Quel
est votre propre usage d'Internet ?
Je l'utilise énormément pour regarder
ce que fait la concurrence, accéder a des news online,
et regarder notre propre site bien sûr.
Vous
n'achetez pas?
J'achète principalement des livres, sur
Amazon, même si je n'ai pas vraiment le temps de lire. Un
entrepreneur a peu de loisirs, et j'ai trois enfants de moins
de trois ans...
Bernard
Louvat a été le fondateur et le PDG de la première
filiale européenne d'Office Depot. Avant de créer Bizbuyer,
il présidait l'activite Franchises de CitySearch, à
Los Angeles. Il a également introduit le Disney Store en
France et a travaillé chez Bain et L'Oréal. Il est
diplômé d'HEC et du MBA de Harvard.