Interviews

Bernard Maître
Directeur Associé
Galiléo
Partners


Galiléo Partners est un fond indépendant et très tourné vers les nouvelles technologies et les start-ups du net. Bernard Maître, un de ses animateurs, s'est penché en praticien dans un livre à paraitre sur "les Business Models de la nouvelle économie" (Editions Dunod). Optimiste, il considère qu'il n'a "jamais eu autant de bons dossiers".

Propos recueillis par Gaëlle Hassid le 04 octobre 1999 .

JDNet : De nouveaux acteurs comme le fond américain Carlyle, Intel, Bernard Arnault, bientôt PPR arrivent sur le marché du capital-risque. Qu'est cela va changer pour les intervenants en place comme Galiléo?
Bernard Maître : Il est très clair que cela change notre "écosystème", mais ce n'est pas forcément une mauvaise chose. Nous avons besoin de ces gens à deux niveaux. D'une part, ces acteurs, très souvent des partenaires de grande taille, interviennent dans les deuxièmes tours de table. D'autre part, ils interviennent, pour certains d'entre eux, dans des "sorties" complètes (des rachats, NDLR). Ils sont donc autant une menace qu'une opportunité.Je m'attends aussi bien à l'arrivée du monde de la distribution et du service qu'à l'arrivée des financiers purs. Les acteurs du monde industriel sont également très importants.

Parmi la multitude de capitaux-risqueurs, quelles sont les particularités de Galileo Partners?
Nous sommes, avant toute chose, un fonds indépendant. Je veux dire indépendant de tout groupe financier ou industriel. Nous essayons d'être compétents sectoriellement, de faire bénéficier nos participations de nos expériences cumulées (montages d'opérations de société de croissance, expériences de sortie profitables par vente ou cotation en bourse). Galileo Partners gère aujourd'hui 100 millions d'euros provenant tant d'investisseurs français (Marine Wendel, AGF, Caisse des Dépôts, Crédit Agricole, Fonds Public du Capital-Risque, GAN, Matra,...) que de grands investisseurs internationaux (HarbourVest, Vontobel, LGT, Alpinvest, GIMV, United Gulf Bank, Fonds Européen d'Investissements...). Ces partenaires puissants constituent un réseau international et européen de premier plan. Notre équipe est composée de cinq professionnels. Joël Flichy a créé Galileo avec Louis-Michel Angué en 1989. Puis, Christophe Viet et moi-même les avons rejoints en 1998 et Elisabeth Calvarin l'a fait récemment. Nous sommes spécialisés sur le domaine des nouvelles technologies de l'information, le Net constituant une partie déterminante mais non exclusive de notre activité. Notre métier consiste à sélectionner les opportunités d'investissements et à constituer un portefeuille. Le deuxième pôle d'activité est de créer de la valeur avec les équipes qui dirigent les entreprises, tant sur le niveau de leur stratégie que sur le niveau de leur croissance. Enfin, c'est aussi la vente ou l'introduction en Bourse de ces entreprises.

Combien de dossier de start-ups du net recevez-vous par jour? Combien se concrétisent par une réelle levée?
En 1998, nous avons reçu 400 dossiers dont les deux tiers concernaient le net. Cela représente une quarantaine par mois. A terme, nous réalisons une douzaine d'investissements par an.

Quels sont les critères de sélection?
Il y a deux critères principaux: la qualité de l'opportunité (taille du marché, qualité de l'offre etc.) et surtout la qualité de l'équipe.

Comment estimez-vous la valeur d'un projet?
Le montant résulte du plan qui est défini avec le projet d'entreprise. Le capital-risqueur avec l'équipe réfléchit pour les 9 à 12 mois à venir. Le capital risqueur est "une fusée à étages" et pas "un fusil à un coup". C'est à dire qu'il peut mettre les fonds à plusieurs reprises dans la société. Il ne faut pas que ces fonds soient surdilués et ils doivent augmenter avec le projet. L'importance du montant est avant tout un travail réalisé en commun avec le chef de la start-up et son équipe.

Que faites-vous quand une société dans laquelle vous avez investi est en déclin? Quelles solutions apportez vous?
Dans la plupart des cas, le déroulement du projet ne se passe pas tel qu'il était prévu. Il existe plusieurs raisons pour justifier le retard ou le décalage par rapport au projet initial. La toute première chose à faire, c'est de comprendre ce qui ne va pas. Une fois que l'on sait pourquoi, on a la solution. Cela ne veut pas dire que celle-ci sera facile à mettre en oeuvre.
Les solutions peuvent se traduire par un complément de financement, mais pas forcément. Tout dépend du diagnostic. Je dois vous dire que les meilleurs dossiers sont ceux qui posent le plus de problèmes.

Vous parliez de plan défini, mais, dans quelle mesure peut on prévoir quelque chose , surtout dans le domaine de l'Internet?
Quand je parle de prévision, j'entends par là, se donner une "utopie directrice". Un business plan (ou un business model) n'est pas fait pour être respecté à la lettre, comme un évangile. C'est utile dans la mesure où cela sert à concevoir son avenir.

Pensez-vous que les leveurs de fonds ont une place essentielle dans le business?

Il existe une loi de marché: "se connaitre, se trouver et converger". Quand celle-ci dysfonctionne, alors les intermédiaires corrigent les imperfections. Et, plus les capitaux risqueurs investissent, plus le marché s'agrandit. Donc, il y aura de plus en plus besoin d'intermédiaires. A terme, nous tendons sans doute vers une spécialisation des intermédiaires: certains seront spécialisés sur les dossiers d'amorçage, d'autres sur des dossiers nécessitant des levées importantes etc. Mais les dossiers "intermédiés" restent encore une minorité.

Est-ce qu'il vous est déjà arrivé d'avoir un coup de cúur pour un projet qui semblait financièrement non viable?

Cela nous est déjà arrivé. C'est un métier où il ne faut pas avoir de certitudes. Souvent d'ailleurs, nous en avons quand il ne faut pas. Dans ces cas-là, soit on règle le problème financier, soit on vend. Il faut avant tout savoir prendre de la distance par rapport aux dossiers. Il arrive que certaines personnes nous séduisent par leur projet, alors que celui-ci n'en vaut pas la peine.

Vous avez dédié le livre "Les Business Models de la Nouvelle Economie" aux start-ups du net...
Ce livre n'est pas un travail de recherche, il n'apporte aucune pensée novatrice. C'est bien plus un ouvrage pédagogique. Je l'ai écrit en collaboration avec Grégoire Aladjidi et il nous est apparu important que l'outil du business model (BM) soit mieux connu et mieux maîtrisé par ceux qui souhaitent créer des entreprises ainsi que celles qui sont à la recherche de fonds. La pratique du capital risque montre que la mode du business plan (BP) est bien passée mais les composantes du BM, ses variables ne sont pas encore très connues. Internet donne une nouvelle actualité à cette problématique puisque bien souvent celui-ci reste à construire, à affiner et à inventer. Pour ce faire, il faut maitriser les outils de base. C'est la première partie du livre. Mais Internet subvertit aussi toute l'industrie de l'informatique, des télécoms, des médias et de la distribution. Le BM n'est pas seulement une préoccupation de petite start-up mais de l'économie toute entière. C'est pourquoi, dans la deuxième partie, nous avons voulu présenter les BM des grandes sociétés américaines telle que Yahoo, AOL, Netscape etc. La troisième partie est composée de conseils qui aideront, je l'espère, les lecteurs à formuler un BM plus efficace, plus convaincant.

Les investissements se déplacent des logiciels au commerce électronique. Quel est selon vous le créneau le plus porteur?
Cela change assez vite. Le monde de l'investissement surfe sur la vague qui se déplace. Ce qui est porteur maintenant ne le sera sans doute plus dans six mois. Aujourdh'ui, les secteurs liés à la réintermédiation de la distribution ont un bel avenir.

Comment trouvez-vous l'attitude des start-ups françaises?
Je suis enthousiasmé par le nombre et la qualité des dossiers qui fleurissent.Je n'ai jamais eu autant de dossiers et surtout de bons dossiers. Je suis très optimiste pour la France. Il reste néanmoins des zones de progrès à faire, en terme de marketing technique. Cette discipline est sous estimée et mal enseignée. Cela étant, cette matière s'apprend vite.

Pour une société française, mieux vaut-il s'établir aux Etats-Unis ou rester en France ?
Toues les sociétés n'ont pas une vocation internationale. Elles peuvent créer de la valeur sur leur seul écosystème local. Bien évidemment, les projets technologiques doivent eux se tourner vers l'international, vers le marché mondial. Dans ce domaine, le marché américain représente entre 35% et 60% de la demande selon les secteurs concernés. Dans ces cas là, l'aventure américaine est absolument inévitable. Elle est toujours difficile et rend nécessaire un plan marketing solide et les moyens d'apporter un produit robuste. Il existe des "success story" mais, elles sont peu nombreuses.

Quels ont été vos dernières transactions?
Durant le troisième trimestre, nous avons réalisé Central Cast, Net Toll et Influx (cf. notre dossier capital-risque et Internet, NDLR)

Quels sont les critères pris en compte pour la valorisation d'un site?
Elle se mesure par l'audience, la croissance des revenus, le proportion des revenus récurrents, la perception des actifs incorporels (marques, brevets..) et la qualité du management. Enfin, l'équipe y joue pour une grande part. Je ne suis pas partisan de la théorie de la "bulle": beaucoup d'entreprises dont la valorisation est considérée comme trop élevée valent une grande proportion de celle-ci. Ces sociétés recèlent plus de potentiels que ce que les meilleurs analystes sont capables de discerner.

Les analystes financiers s'attendent à une explosion en Bourse des valeurs internet comme celle qui a eu lieu sur le Nasdaq. A quelle échéance attendez vous à voir cette déferlante?
Compte tenu du décalage traditionnel entre les Etats Unis et la France, nous assisterons à des phénomènes comparables à ceux du Nasdaq vers 2001. Il y aura sans doute 15 à 20 cotations en 2000 et cela explosera vers 2001.

Que pensez vous des rencontres Capital IT?
Capital IT est une excellente initiative. La première édition a été un grand succès, la deuxième le sera encore plus.

"Libération" décrit le First Tuesday comme "une foire aux bestiaux". Vous êtes d'accord?
C'est le propos de quelqu'un qui n'est pas du milieu... ou qui regrette de ne pas en faire partie. Le marché des capitaux est d'une certaine manière un marché d'opportunité et d'affaires. Si l'on poursuit le propos de ce quotidien, alors il faudrait considérer que toute activité de matière grise relève de la foire aux bestiaux. Ce n'est pas ma vision de l'activité intellectuelle.

Quelle est la levée dont vous êtes le plus fier?
Je garde d'excellents souvenirs de levées qui ont permis à des sociétés en proie à de graves difficultés de se redresser et de connaitre le succès. Ces levées sont probablement moins glorieuses que d'autres plus médiatiques mais ce sont celles qui nous ont demandé le plus de travail et de force de conviction. Au fond, les levées les plus efficaces.

Vous achetez sur le Net?
Oui, j'achète beaucoup de livres sur Amazon, des CD et du vin.

Qu'est-ce que vous aimez sur le Net ?
Je suis sur le net quatre heures par jour. Internet est l'incarnation la plus achevée du mythe de la bibliothèque de Babel.

Qu'est-ce que vous détestez sur Internet
Attendre et être spammé.

Bernard Maître a débuté sa carrière dans l'audit chez Coopers & Lybrand. L'un des premiers salariés de Goupil en 1981, il crée en 1985 la société Blue SA, spécialiste des réseaux locaux, qu'il revend en 1989. Directeur général de Banexi Ventures, puis de CDC-Innovation en 1996, il a rejoint l'équipe de Galileo Partners en 1998. Il est diplômé d'HEC.

Galiléo Partners en chiffres

Date de création
1989
Effectifs
5
Marge brute
nc
Références
Net Toll, Central Cast, NetGem, Applio, Alapage, Canal Web, Tableau de Bord...









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